De multiples paradoxes existent entre les Japonais et les Egyptiens. Je m’attarderai, dans cet article, à l’un d’eux , majeur qui concerne la culture. Ce paradoxe veut que l’Egyptien qui ne maîtrise pas une seule des langues européennes principales ne peut pas avoir un bagage cognitif, culturel, littéraire ou artistique riche, complémentaire et équilibré. La raison en est que sa société traduit peu des chefs d’œuvres de l’humanité en dehors des sciences appliquées ; je veux dire, par-là, les créations de l’humanité dans les domaines de l’histoire, de la philosophie, de la littérature, des arts et de toutes les autres sciences sociales. C’est pourquoi l’on doit dire que quelque persévérant que soit la personne cultivée qui ne lit qu'en langue arabe et même si elle est rat de bibliothèque, jamais elle ne sera un grand cultivé. A ce propos, il faut dire que Taha Hussein croyait dur comme fer que la culture de l’Egyptien reste lacunaire tant qu’il ne lit pas dans l’une des langues européennes clés. Mais ce que le doyen de la littérature arabe a omis de dire, est que cette lacune s’estomperait et se comblerait si jamais notre société mettait à la disposition de ce lecteur égyptien les traductions arabes des diverses chefs d’œuvre dans les sciences sociales et humaines ; alors l’état du Japonais n’est pas seulement différent de celui de l’Egyptien mais en est tout à fait opposé. Ce n’est pas dû au fait qu’il présente lui-même des qualités supérieures à notre compatriote mais c’est sa société qui l’est. Moi-même en tant qu’auteur de cet article, j’ai eu la chance de visiter souvent le Japon, de rencontrer et de discuter avec des Japonais de la crème de la société (Princes, ministres, chefs de grandes institutions) des différents secteurs académiques, éducatifs, culturels et artistiques comme de discuter avec un grand nombre des hommes du peuple. J’ai constaté- directement- deux faits frappants : premièrement, leur richesse cognitive et culturelle par rapport aux Européens ; deuxièmement, la majorité écrasante des Japonais ne maîtrise que leur propre langue maternelle. Un jour, j’étais invité à dîner chez le chef de bureau de notre compagnie aérienne Egyptair à Moscou ( Hussein Abdel Nasser le frère de l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser et son épouse Nawal, la fille du vice-président de l’époque Abdel Hakim Amer qui était la sœur de mon ami de classe Gamal Abdel Hakim Amer) que je connaissais lui et son épouse et avec qui j’avais des liens personnels. Assistait également au dîner l’ambassadrice de l’Egypte au Japon de l’époque ( son excellence Mervat Al Talawi.). Notre hôte avait eu l’amabilité d’inviter également au dîner un certain nombre de recteurs d’universités, d’intellectuels, d’écrivains et de journalistes japonais donnant ainsi à notre soirée une ambiance de salon culturel. Le seul défaut était que la plupart des invités ne maîtrisaient que le Japonais. C’est pourquoi y était présents des interprètes. Ce jour-là je me suis rendu compte que les invités avaient un savoir encyclopédique et qu’ils ont lu les œuvres classiques et les chefs d’œuvre de l’humanité depuis Homère ( l’an VIII avant J.C.) et jusqu’aux écrivains, poètes, intellectuels et philosophes de notre époque.
Nous présentons ainsi les traits négatifs de ce dilemme en Egypte :
- Le nombre minime de traductions dans tous les domaines de la littérature, de la philosophie, de la sociologie et le reste des autres disciplines sociales ou humaines ;
- Les enfants de toutes les classes sociales- sauf ceux des classes riches- font leurs études dans des écoles ne les rendant pas capables de lire dans des langues étrangères ;
- Les enfants de la classe riche maitrisent une ou deux langues étrangères mais ne lisent pas en arabe ( soit qu’ils ne le peuvent pas ou ne l’aiment pas)
La conjugaison de ces trois phénomènes sociaux créent le dilemme ou la problématique.
Et, avant de terminer cet article, je me permets d’aborder une autre dimension relative à la relation qu’entretient la plupart des Egyptiens contemporains avec leur langue arabe ( leur langue maternelle). La plupart d’entre eux ne la maîtrisent pas et n’en sont pas fiers comme le sont les Français du français ou les Syriens de l’arabe. C’est un fléau culturel et social qui sévit dans notre pays que nous ne devons pas négliger ou méconnaitre ses répercussions. Combien je suis triste à écouter un Egyptien prononcer un discours qui lui a été préparé à l’avance alors qu’il n’arrête pas de faire couler de sa propre bouche des flots d’erreurs grammaticales et phonétiques.