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Editos

États-Unis vs Chine : Et si Pékin avait déjà gagné ?

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La semaine dernière, lors de l’élection présidentielle à Taïwan, les électeurs ont choisi le candidat pro-souveraineté Lai Ching-te comme président. Pékin a « déploré fortement » la déclaration américaine de félicitations à Lai Ching-te après sa victoire.

Certains annoncent une recrudescence des tensions en mer de Chine, mais celles-ci, depuis plusieurs années, ne sont que « spectacle » et ne servent qu’à amuser la galerie ou plus sérieusement, entretenir la bonne santé des complexes militaro-industriels chinois et américain. Car la guerre de Taïwan n'aura pas lieu… Pour l'instant.

 

Certes, Taïwan est protégée par des accords de défense avec les Etats-Unis. Néanmoins, sur Taïwan, Pékin dit : « Un pays, deux systèmes ». Comme à propos de l’Ukraine, Vladimir Poutine affirme : « Deux pays, un seul peuple ». En fait, cela veut dire la même chose : c’est la loi du plus fort qui prime. Mais les agendas de Poutine et Xi Jinping ne sont pas les mêmes. En Ukraine, après de nombreuses erreurs, les Russes se sont rapidement adaptés et exploitent depuis avec opportunité la faiblesse et le désarroi stratégique de l’Occident. Pour les Chinois, encerclés militairement par les États-Unis, la QUAD et l’AUKUS, une action à Taïwan déclencherait inévitablement un conflit frontal avec les Américains. Alors, Pékin menace et montre ses muscles. Comme Washington. Or, l’arme nucléaire perturbe le processus historique du « piège de Thucydide » (affrontement inévitable entre une puissance établie et une puissance montante).

 

De même, bien que la faible (et donc dangereuse) administration Biden accumule erreurs sur erreurs en politique étrangère, qu’elle est paralysée vis-à-vis de la Chine (comme nous le verrons plus loin), la guerre en Europe et la réactivation du conflit israélo-palestinien forcent les Américains à avoir désormais deux fronts ouverts : Méditerranée/mer Rouge et mer Noire/mer Baltique. Un troisième front en mer de Chine n’est raisonnablement pas envisageable pour Washington. Fort heureusement pour les Américains, une action chinoise contre Taïwan ne semble pas à l’ordre du jour. Pour l’instant… La réunification n’est qu’une question de temps et patience pour Pékin. D’autant que la réserve stratégique de pétrole (RSP) chinoise n’a pas encore atteint ses capacités maximales et Pékin connaît une pénurie d’énergies fossiles, indispensables pour tout conflit moderne (d’où les accords entre l’Iran et l’Arabie saoudite, ses principaux fournisseurs en hydrocarbures, signés sous son égide et les craintes chinoises quant à un embrasement général du Moyen-Orient suite à la guerre entre le Hamas et Israël et les dernières tensions entre Téhéran et Islamabad…). Et puis Taïwan peut très bien aussi, à terme et pour des raisons simplement économiques et commerciales, tomber « comme un fruit mûr » dans l’escarcelle de la Chine continentale (près de 70% des sociétés taïwanaises seraient déjà aux mains – ou du moins majoritairement – des Chinois). 

 

Si Pékin partage le mépris de Moscou pour le système international dirigé par les Etats-Unis, elle agira au moment opportun lorsque la puissance américaine sera affaiblie voire s’effondrera. Ce qui ne serait tarder à ses yeux avec les inconséquences des Démocrates aux affaires tant sur le plan interne qu’extérieur… 

Même dans les États les plus autoritaires et centralisés, il y a aussi et toujours des divergences sur les stratégies à adopter à l’étranger. Pour la Chine, en l’occurrence, il y a deux visions pour « la conquête du monde » qui s’opposent. La première, minoritaire dans l’establishment chinois, est celle de profiter des tensions entre les puissances rivales occidentales, à savoir les États-Unis, l’Europe mais également la Russie, en les regardant s’écharper, quitte à les laisser s’autodétruire dans un conflit armé ou du moins comme c’est le cas depuis deux ans, se « ruiner » autour de l’Ukraine. 

Trop hasardeux et dangereux pour la tendance majoritaire au pouvoir à Pékin, pour qui les États-Unis et l’Occident en général sont déjà et inexorablement sur le déclin. 

Pour ces stratèges chinois, adepte du jeu de go et fervents disciples de Sun Tzu, « le fin du fin est de vaincre l’ennemi sans même le combattre » (L’Art de la Guerre). Ainsi, la puissance américaine et l’Union européenne, confrontées à de graves crises économiques mais également culturelles (wokisme), politiques (crise de la démocratie, progressisme vs « populisme »…), sociales, identitaires voire existentielles et civilisationnelles, et n’ayant pas le courage ni la volonté d’endiguer les crises migratoires, sont en train de « pourrir de l’intérieur » et vont s’écrouler sur elles-mêmes à cause de leurs élites faibles et corrompues puisque le «poisson pourrit toujours par la tête» (Mao). Ce n’est juste qu’une question de temps. 

Pour l’heure, les économies américaines et chinoises étant trop imbriquées et interconnectées, il leur faut privilégier le business tout en continuant à mettre sous leur influence les économies occidentales, voire mondiales. Et pour cela, les guerres ne sont pas les bienvenues. Même si les Chinois s’y préparent. 

Le 6 novembre 2020, Pékin a envoyé, un an à peine après le déploiement de la 5G dans le pays, un satellite 6G en orbite autour de la Terre et les Chinois ont également fait appel depuis plusieurs années aux industries les plus innovantes du civil pour moderniser et repenser l’organisation de l’armée chinoise. 

Le Pentagone estime aujourd’hui que la marine chinoise compte 350 navires de guerre contre seulement 293 pour l’US Navy. Et Pékin vient de mettre à l’eau son troisième porte-avions…en attendant un quatrième l’année prochaine ! Les Américains gardent néanmoins l’avantage dans le domaine technologique, mais pour combien de temps ? 

Certes, l’économie chinoise est confrontée depuis plusieurs mois à des difficultés notamment à cause de ses confinements stricts contre la Covid, entre autres à Shanghai, son centre économique principal. Or, l’Empire du milieu revient en force avec une croissance toujours en hausse depuis le premier trimestre 2022. 

La Chine est débarrassée, au moins jusqu’en 2024, des réalistes Trump et Pompeo, qui eux avaient bien perçu l’unique et véritable danger chinois pour l’Occident. 

Elle est par ailleurs très bien consciente qu’elle peut s’appuyer sur son extraordinaire puissance financière, ses lobbies, son influence et surtout sa présence de plus en plus prégnante dans les économies américaine et occidentales, pour calmer toutes les velléités de ses adversaires. Devant une telle mamelle, beaucoup veulent téter ! Certains experts rappellent qu’avec le niveau de puissance qu’elle a atteint, la Chine peut déjà influencer la politique d’au moins 80 pays sur la planète ! Notamment grâce à ses investissements massifs et ses rachats de dettes d’État, Pékin peut ainsi s’acheter n’importe quel vassal ou débiteur politique dans le monde, y compris en Europe mais également aux États-Unis et surtout dans le grand business américain, à Wall Street et les géants de la Silicon Valley ainsi que chez les riches soutiens et donateurs de Biden (voir l’affaire de corruption avec une société chinoise dans laquelle est impliqué le fils Biden…). Les oligarchies américaines et occidentales préféreront toujours les profits (avec la Chine) que les stricts intérêts nationaux. « Les financiers n’ont pas de patrie » comme le rappelait Napoléon. Tels les puissants GAFAM qui se sont acharnés contre Trump. Ils ne voulaient plus d’un président « trop libre et indépendant », contrariant leurs propres intérêts avec la Chine et qui fut le seul dirigeant américain et occidental à avoir eu le courage de se dresser face à l’hégémonie grandissante chinoise et lancer une guerre commerciale contre Pékin (avec d’ailleurs un premier succès avec l’accord sino-américain signé en janvier 2020 mais occulté par la pandémie du Covid).

 

Comme je l’écrivais dernièrement dans une de mes chroniques, « Trump sera-t-il alors le sauveur et le Justinien de l’Empire américain ? (…) Si Trump parvenait, en dépit des nombreux obstacles, à être réélu, il voudra relancer sa politique « révolutionnaire » et disruptive afin d’essayer d’endiguer la chute de l’Empire et contrer de nouveau son rival le plus dangereux qu’est la Chine. (…) Toujours en s’appuyant sur le peuple et non soumis à un quelconque serment d’allégeance comme ses prédécesseurs, il est le seul à avoir le courage et surtout les coudées franches pour relancer une véritable guerre économique et commerciale contre Pékin et un endiguement sérieux de la Chine. Reste à savoir si cela n’est pas déjà trop tard… Quoi qu’il en soit, à un an de l’élection présidentielle américaine, il y a encore beaucoup d’incertitudes et beaucoup de choses peuvent se produire. Ce qui est certain, c’est que l’État profond américain, pour les raisons évoquées plus haut, fera tout pour l’écarter du pouvoir, d’une manière ou d’une autre, mais avec une détermination sans faille ! »

 

En attendant, les Chinois ne peuvent que se frotter les mains en voyant actuellement Américains, Européens et Russes s’entredéchirer et s’affaiblir autour de la guerre en Ukraine, celle-ci est aussi pour Pékin, moins un exemple à suivre à Taïwan qu’une leçon sur la résilience militaire et économique de la Russie et le spectacle affligeant d’une énième erreur géostratégique de l’Occident…

Ultime erreur qui a également précipité le « Sud global » dans les bras des Chinois (l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont en train de rejoindre les BRICS) tout en accélérant assurément l’avènement du Siècle chinois que j’annonçais déjà en 2021 dans mon ouvrage Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ?...

 

Cet article a été publié initialement sur Al Ain.com