Dès 2019, l’ONG International Crisis Group (ICG), affirmait dans un rapport que les djihadistes et les autres groupes armés avaient trouvé dans les mines d'or du Sahel une nouvelle source de revenus, profitant de la défaillance des États.
Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, « des groupes armés s'emparent depuis 2016 de sites d'orpaillage dans des zones où l'État est faible ou absent. Leur convoitise est attisée par le boom du secteur aurifère artisanal depuis la découverte, en 2012, d'un filon saharien », soulignait ICG.
En effet, le Mali, le Burkina Faso et le Niger regorgent de mines d’or.
En 2023, un autre rapport de l’office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) mettait l’accent sur le lien qui pré-existait entre le financement des conflits via une manne aurifère que se disputent les États et les groupes armés. Et c’est ainsi que dans la même veine, l’UNODC concluait que : « La ruée vers l’or constitue une nouvelle manne financière et des opportunités de recrutement pour les groupes armés, y compris les groupes qualifiés d’extrémistes violents ».
L’or extrait par le groupe Wagner au Sahel aurait rapporté au Kremlin jusqu'à 2,5 milliards de dollars depuis le début de la guerre en Ukraine, révèle un nouveau rapport de The Blood Gold. De même, les activités du groupe paramilitaire au Soudan, en République centrafricaine (RCA) et au Mali, ont généré des revenus de 114 millions de dollars par mois depuis février 2022.
En République centrafricaine (RCA), le groupe de mercenaires s'est vu accorder des droits exclusifs d'extraction pour la mine de Ndassima, la plus grande mine d'or du pays, en échange du soutien au régime autoritaire du président Touadéra. L’exploitation de Ndassima par Wagner produit environ 290 millions de dollars de valeur en or chaque année, tandis que les mineurs locaux ont été évincés ou tués par le groupe de mercenaires.
Au Soudan, par le contrôle d'une grande raffinerie, Wagner est devenu l'acheteur dominant de l'or soudanais non traité, ainsi qu'un important contrebandier d'or traité. Des vols de transporteurs militaires russes chargés d'or ont été identifiés par les douaniers soudanais. Bien qu'il soit presque impossible de suivre le marché de l'or non déclaré du Soudan, les estimations suggèrent que près de 2 milliards de dollars d'or sont envoyés en contrebande hors du pays chaque année, avec 'la Compagnie russe' en position privilégiée pour en profiter.
Au Mali, Wagner reçoit une rémunération mensuelle - estimée à 10,8 millions de dollars par mois - pour soutenir une junte militaire brutale. Pendant ce temps, celle-ci dépend aussi en retour d'un petit nombre de sociétés minières occidentales pour les revenus nécessaires au paiement à Wagner. Les sociétés minières ont contribué à plus de 50 % de tous les revenus fiscaux de l'État malien pour l'année 2022. Barrick Gold Corporation, une entreprise canadienne cotée en bourse et le plus gros contributeur fiscal du Mali, a versé 206 millions de dollars rien que lors du premier semestre de 2023.
Dans cette perspective, les Émirats arabes unis (EAU) se sont métamorphosés en une véritable plaque tournante du commerce de l'or russe depuis que les sanctions occidentales contre l'Ukraine ont coupé les voies d'exportation traditionnelles de la Russie, comme le montrent les archives des douanes russes.
Or selon des documents douaniers rendus publics, il y a eu près d'un millier de cargaisons d'or au cours de l'année écoulée depuis le début de la guerre en Ukraine en févier 2022.
L'EAU aurait importé 75,7 tonnes d'or russe, soit une valeur de 4,3 milliards de dollars, alors qu'il n'en importait que 1,3 tonne au cours de l'année 2021.
Tandis que la Chine et la Turquie peuvent se targuer elles aussi d’être des points de chutes à ne pas occulter quant à l’importation d’or.
De fait, la bagatelle de 20 tonnes pour chaque État respectivement, aurait transité entre le 24 février 2022 et le 3 mars 2023. Ce qui représente avec l’EAU, 99,8 % des exportations d'or russe selon les données douanières.
« Dans les jours qui ont suivi le début du conflit en Ukraine, de nombreuses banques multinationales, des prestataires de services logistiques et des affineurs de métaux précieux ont cessé de traiter l'or russe, qui était généralement expédié à Londres, plaque tournante du commerce et du stockage de l'or » , précise le site Zone bourse dans un article publié le 25 mai 2023.
Les registres d'exportation montrent toutefois que les producteurs d'or russes ont rapidement trouvé de nouveaux marchés dans des pays qui n'avaient pas imposé de sanctions à Moscou, comme on l’a dit les Émirats arabes unis, la Turquie et la Chine.
Et si l'or russe transite dans ces pays, qu'il est refondu par un raffineur local, il est acheté par une banque ou un négociant local pour être ensuite revendu sur le marché…
Les Émirats arabes unis sont largement signalés comme étant la destination principale de l'or provenant de l'exploitation minière artisanale et à petite échelle (ASGM) produit en Afrique et dans les pays du Sahel.
En 2021, les EAU ont importé plus de 238 tonnes d'or en provenance des pays du Sahel, la grande majorité provenant du Mali.
« La taille importante du marché légal de l'or aux Émirats arabes unis le rend vulnérable à l'infiltration d'or provenant de sources illégales et faisant l'objet de trafic. » précise ‘’Gold Trafficking in the Sahel’’, le rapport de l’office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) de 2023.
Un rapport d'évaluation mutuelle du Groupe d'action financière (GAFI) de 2020 a révélé que le commerce des métaux rares (en particulier de l'or) et des pierres précieuses est l'un des secteurs les plus actifs aux Émirats, évalué à des dizaines de milliards de dirhams des EAU (équivalant à des milliards de dollars américains).
Selon le Centre des produits de base de Dubaï (DMCC), les EAU représentent 25 % du commerce mondial de l'or.
Quoiqu’il en soit, le GAFI a constaté que la valeur des saisies d'or effectuées aux Émirats est probablement inférieure à ce qui serait attendu étant donné sa position en tant que point de transit international majeur pour l'or…