De retour de Moscou où je suis allée découvrir mon dernier livre traduit en russe et publié, comme les cinq précédents, en édition bilingue russe-français, j’ai mesuré les changements imposés par un Occident qui a décidé de couper ses liens avec un pays devenu, selon lui, hostile.
Bien sûr, les arguments avancés à l’appui de cette distance impérative à prendre doivent justifier sans discussion qu’on le déconsidère. Nier les années de guerre larvée et surtout fratricide qui ont précédé le 24 février 2022 permet, ainsi, de cautionner la seule position à adopter.
Revenir sur cette date est douloureux pour n’importe quelle personne sensée et sensible.
Parce que revenir sur ce qui l’a précédée est très peu sinon jamais relevé par nos médias dits « mainstream ». Et les personnes qui rappellent comment et pourquoi le Donbass est entré en guerre civile sont, en grande majorité, écartées desdits médias ou, si elles sont invitées, sont systématiquement interrompues.
Quant à celles qui ont plaidé pour la paix, leur appel est aussi noble que vite ramené à la marge. À la marge du discours qui doit prévaloir. Du discours qui doit dire combien la Russie est à bannir, à sanctionner, à conspuer, à présenter comme carrément barbare.
Nombre de personnes, toutefois, ne perdent pas leur sens critique et prennent peu à peu la mesure de la propagande auquel notre valeureux Occident est soumis. Demeurent, bien sûr, les inféodés relais du matraquage officiel. Si convaincus de « dire vrai » qu’ils agressent sans vergogne qui leur oppose un autre regard et vont jusqu’à rompre des liens d’amitié.
Voilà où nous a amenés notre « information ». À ce que l’on ne se comprenne plus les uns et les autres. À ce que l’on soit, de fait, considéré comme « poutinien » si l’on refuse de s’aligner sur une doxa imposée.
Lors de mon très bref séjour moscovite, j’ai eu l’occasion de discuter avec diverses personnes de ce qu’elles ressentaient, de ce qu’elles vivaient. Rien de fanatique, dans ce que j’ai entendu, juste des réalités rappelées et en général négligées par nos élites médiatiques. Par exemple, le nombre de familles déchirées, quand des membres des unes prennent les armes pour un camp et les autres pour le camp adverse.
De longue date, j’ai alerté sur ce qui allait rendre des peuples amis, ennemis. La faute aux Russes, bien sûr. Et cela suffit, plus besoin de s’interroger, Stepan Bandera peut avoir sa grande avenue à Kiev, les livres d’Histoire le consacrent, tout va bien, son passé nazi serait une fable. Pourquoi se casser la tête et chercher à comprendre ?
La russophobie dominait l’espace médiatique depuis une dizaine d’années et c’est peu dire, elle l’envahit maintenant.