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Ukraine/Russie

La responsabilité de l’Elysée dans la tragédie ukrainienne

Le Dialogue

Le président français Emmanuel Macron serre la main du président ukrainien Volodymyr Zelensky avant une réunion en marge du sommet de l'OTAN, à Vilnius, le 12 juillet 2023. Les puissances occidentales offriront à l'Ukraine un ensemble d'engagements de sécurité à long terme, après que l'OTAN ait anéanti les espoirs du président ukrainien. d'un calendrier clair pour rejoindre l'alliance. Le dirigeant ukrainien doit s'entretenir avec les 31 dirigeants de l'OTAN lors de leur sommet à Vilnius, un jour après les avoir critiqués pour ne pas avoir progressé plus rapidement pour intégrer l'Ukraine. Photo : Ludovic MARIN / AFP.

 

Alors que la défaite militaire de l’Ukraine se profile à l’horizon, il semble important de s’attarder sur le rôle de l’Elysée, et plus précisément du Président de la République, dans cette tragédie humaine et sociale. En effet, en rétrospective il semble clair qu’Emmanuel Macron, et avant lui François Hollande, avait maintes possibilités d’agir pour arrêter cette guerre dès 2014 et même après le 24 février 2022.

La situation catastrophique dans laquelle se trouve maintenant la société ukrainienne, avec un pays qui se vide de sa population et une économie en chute libre, sous perfusion atlantiste incertaine, exige qu’on s’attarde sur le rôle de la France dans cette triste affaire. 

Jusqu’à l’entrée en guerre de la Russie, les présidents Macron et Poutine ont eu plusieurs entretiens et on est en droit de se demander sur la base de quelles informations le président français discutait avec son homologue russe. En effet, les renseignements français comme d’autres services occidentaux, ne semblaient pas comprendre la réalité du terrain, les capacités de l’OTAN et celles de la Russie. D’ailleurs, le général Vidaud, chef de la Direction du Renseignement Militaire (DRM) en fera les frais, à tort ou à raison, dès le mois de mars 2022.  

Macron n’a pris aucune initiative pour apaiser la situation lors de ces entretiens avec Poutine. Il y a deux choses évidentes qui auraient eu avoir un impact immédiat : mettre publiquement une forte pression sur Zelensky pour entamer les discussions avec les « séparatistes » de Donetsk et de Lougansk, comme le stipulait clairement les accords de Minsk. Et deuxièmement : donner une promesse écrite aux Russes que la France n’accepterait jamais l’Ukraine dans l’OTAN (un nouveau membre doit être voté unanimement). L’Ukraine gardait alors le Donbass, la Russie s’assurait de ne pas avoir l’OTAN en Ukraine et l’ensemble de la région restait en paix.

Mais faisant fi de la réalité de ce conflit, l’Elysée a choisi de s’aligner sur Washington au lieu de proposer une solution pragmatique et réaliste dans l’intérêt des protagonistes et des Français. Résigné à jouer le rôle qui lui est attribué, ou réellement convaincu de cette position, Emmanuel Macron ne chercha jamais une solution pacifique à la crise. 

Ignorance ou collusion de l’Elysée ? La charge est lourde dans les deux cas.

En juillet 2022, une conversation privée entre Macron et Poutine fuite dans les médias français. Dans la bande audio, Macron et son conseiller apparaissaient clairement dépassés par les explications de Poutine ; comme s’ils ne connaissaient pas le contenu des accords de Minsk II. 

Il faut évidemment se rappeler que la France s’est portée garante, sous la présidence de François Hollande, des accords de Minsk II. Ils ont été votés à l’unanimité 15-0 au Conseil de Sécurité de l’ONU (dont la France évidemment) et font donc partie du Droit International. Suite à son élection présidentielle, Macron dit en juin 2017 qu’« il faut qu’on se donne encore quelques mois pour réussir dans le cadre de ces accords ».

Pourtant, nous savons aujourd’hui que ses mots du président français ne voulaient absolument rien dire, puisque François HollandeAngela Merkel, V. Zelensky et P. Porochenko ont tous confirmé, indépendamment les uns des autres, qu’ils n’avaient jamais eu l’intention d’implémenter ces accords. L’objectif était uniquement de laisser le temps à l’Ukraine de se réarmer.

Une fois la guerre commencée, Russes et Ukrainiens ont assez rapidement trouvé un terrain d’entente, ce qui a été attesté par de nombreux témoins dont l’ancien Premier Ministre israélien Naftali Bennet et l’ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder. Macron était directement informé des négociations entre les deux belligérants, selon une récente étude allemande« Comment la chance pour une paix en Ukraine a été perdue - l’Occident voulait au lieu continuer la guerre ». Celle-ci montre en effet que « l’OTAN avait déjà décidé lors d’un sommet spécial le 24 mars 2022, de ne pas soutenir ces négociations de paix (entre l’Ukraine et la Russie)." 

Il est donc tout à fait vraisemblable que Macron connaissait le plan de Washington de faire échouer ces négociations qui, contre l’attente occidentale, se dirigeait vers un accord de paix. Pour cela le Premier Ministre britannique à l’époque, Boris Johnson, débarqua à l’improviste à Kiev le 9 avril 2022 pour annoncer à Zelensky que la paix avec les russes était hors de question. Maintenant que l’Ukraine perd, elle est progressivement abandonnée par ces mêmes Occidentaux… 

L’image qui ressort de la description ci-dessus est celle d’un exécutif français et des services de renseignement qui sont soit des amateurs soit des saboteurs de la politique étrangère française. D’une part on peut y voir une ignorance ahurissante, au vu de l’influence démesurée qu’ils ont sur le destin des peuples européens ; et d’autre part un assujettissement certain aux directives venants de Washington, qui voulait depuis longtemps une guerre par procuration afin affaiblir la Russie. 

Il est clair que le Président Macron est resté passif alors qu’il avait la possibilité d’agir en faveur de la paix, et ceci à plusieurs reprises. La conséquence de cela est grave, non seulement pour le peuple ukrainien, mais aussi pour les Français et les Européens qui subiront pendant de nombreuses années l’impact économique des sanctions contre la Russie.

Ces événements montrent, encore une fois, l’importance de reconsidérer le rôle de l’Etat selon les idées de Frédéric Bastiat ; à savoir qu’il est essentiel de réduire la capacité de nuire de l’Etat, en réduisant sa taille et son influence. Il n’est évidemment pas acceptable de mettre autant de responsabilité entre les mains de quelques personnes, qui comme si souvent n’ont ni la capacité, ni la volonté, de défendre les intérêts de ceux qui les ont élus. 

 

 

Finn Andreen est un libéral suédois vivant en France, auteur à Contrepoints, membre du Cercle Bastiat et du Mises Institute (USA).

Nikola Mirkovic est auteur de Le Chaos ukrainien. Comment en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? (Publishroom Factory 2023)