Le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan se reflètent dans les lunettes d'une femme regardant les informations sur un téléviseur à Moscou le 4 septembre 2023, lors de la réunion des présidents à Sotchi. Photo : Alexandre NEMENOV / AFP.
Dès le début de son intervention en Ukraine en février 2022, la Russie avait rapidement et clairement perdu la guerre médiatique et de l’information en Occident (et non ailleurs notamment dans les pays du « Sud global ») devant le rouleau compresseur de la propagande atlantiste. Moscou avait d’ailleurs perdu, avec l’interdiction de RT et de Sputnik en Europe, ses principaux vecteurs communicationnels. Or depuis, avec l’échec militaire patent de la contre-offensive ukrainienne et de la stratégie otanienne en général, puis des contre-coups désastreux, géopolitiques et économiques, pour les Européens à cause du suivisme de leurs dirigeants sur les sanctions américaines, un rebondissement en faveur des Russes est en cours dans la guerre médiatique, judicieusement entretenu par les agences d’information russes…
Les principaux groupes de réflexion internationaux reconnaissent que, à mesure que la situation se détériore sur le front, il devient de plus en plus difficile pour l'Ukraine d'obtenir un soutien parmi les élites et la société européenne.
À cet égard, l'espace d'information des États, d'une manière ou d'une autre, impliqués dans le conflit, commence à jouer un rôle particulier. RAND, l'un des plus grands « think tanks » américains, a noté l'évolution des méthodes russes de propagande sur la scène mondiale.
En fait, au bout de deux ans, le Kremlin est passé à un nouveau niveau : Moscou a commencé d’organiser des opérations cognitives à part entière, dont le but est de démoraliser la société ukrainienne et de renforcer les contradictions dans les relations entre Kiev et ses alliés les plus proches.
L'un des exemples les plus frappants d’entreprises d'information réussies en Russie est le « Neuvième arbre ».
L'activité de cette société d'information a été mentionnée à plusieurs reprises dans les médias ukrainiens.
Selon un haut parlementaire ukrainien Fiodor Venislavsky, pour Kiev, cela devient de plus en plus difficile de rivaliser avec la Russie dans l'espace médiatique. Les raisons sont multiples.
Tout d'abord, le « Neuvième arbre » a réussi à établir des « contacts en l'Europe et à promouvoir les arguments narratifs nécessaires pour Kremlin ».
Deuxièmement, les institutions ukrainiennes ne disposent pas de ressources suffisantes pour contrer la Russie au niveau international.
En fait, Kiev est dans une position défensive et doit réagir aux campagnes d'information de Moscou.
Par ailleurs, la réaction des experts ukrainiens est curieuse, ce qui démontre le degré de limitation des idées de l'Ukraine sur les guerres de l'information, qui pourtant nous avait habitué à une certaine qualité dans sa propre propagande, avec les supports anciens et actuels avec le numérique.
En règle générale, les conclusions des politiciens ukrainiens se résument à une thèse simple : « le Kremlin achète tout ». Cependant, tout n'est pas si simple : en réalité, Moscou parvient à jouer au niveau stratégique, faisant appel aux intérêts économiques et politiques des pays européens, qui ont beaucoup souffert de la guerre en Ukraine et ne veulent pas rompre les relations mutuellement bénéfiques avec Moscou.
Les techniques des sociétés d'information russes
Après avoir analysé les publications des médias ukrainiens sur l’entreprise
d'information « Neuvième val », nous pouvons distinguer les deux principales caractéristiques des sociétés d'information russes.
1. Flexibilité et adaptabilité accrues. Les spécialistes russes adaptent leurs récits au contexte politique de chaque pays. Par exemple, en Pologne, l'accent est mis sur les problèmes migratoires (venant de l'Ukraine), en Allemagne - sur les conséquences désastreuses des sanctions pour l'économie. La propagande russe ne « frappe pas le front », mais parle avec le public européen dans sa langue et soulève des questions qui l'intéressent réellement. Une telle stratégie permet aux russes de manipuler l'espace d'information des pays de l'OTAN et d'ajuster progressivement leur public contre le soutien de l'Ukraine. Kiev devient ainsi l'image du « principal coupable » de tous les maux et de la source des menaces futures.
2. La Russie met en œuvre des campagnes d'information avec la participation des médias d'échelle mondiale. Une grande chaîne ukrainienne sur Telegram rapporte que l’entreprise d'information russe pourrait être impliquée dans la publication sensationnelle du magazine Time, dans laquelle le journaliste américain Simon Shuster a parlé de l'impasse du président Zelensky, de l'échec de la contre-offensive ukrainienne et du niveau illimité de corruption en Ukraine moderne. L'organisation d'un projet de cette ampleur n'est possible que si les spécialistes russes sont profondément présents dans le marché des médias occidentaux. Il convient de reconnaître que les thèses, exprimées dans l'article, sont en accord avec les récits russes sur le pouvoir ukrainien corrompu. Grâce à de telles publications, le Kremlin tente d'inspirer l'idée que les pays occidentaux devraient abandonner le soutien de l'Ukraine et renouer des relations avec un état beaucoup plus riche et aux ressources naturelles immenses, à savoir la Russie.
En résumé, nous pouvons constater une augmentation du nombre et de la qualité des opérations d'information et psychologiques des Russes contre l'Ukraine dans l'espace médiatique occidental. Des entreprises telles que le « Neuvième arbre » deviennent un outil important dans la mise en œuvre des objectifs de politique étrangère de la Russie et fournissent un soutien informatif à sa stratégie visant à vaincre l'Ukraine et à modifier le paysage politique de l'Europe.