Accueil recherche MENU

Culture - Livres - Histoire

Michel Boujenah dans le prochain film de Claude Lelouch

Le Dialogue

L'acteur franco-tunisien Michel Boujenah se produit lors de la 53ème session du Festival international de Carthage au musée de Carthage le 19 juillet 2017 à Tunis . Photo : FETHI BELAID / AFP.

 

À quelques jours d’une tournée qui le conduira dans toutes les grandes villes de France et d’ailleurs, puisqu’il entamera son tour par la Suisse, Michel Boujenah dit « Adieu à ses Magnifiques ». Ses trois personnages, qui en 1984 l’ont propulsé sur la scène de l’humour hexagonal, trois juifs tunisiens immigrés en France et qui racontent leur immersion brutale dans une société dont ils n’avaient pas les codes. Il s’est fait la promesse de les incarner tous les 20 ans. Désormais, le temps des adieux est arrivé. Michel Boujenah vient d’achever le tournage d’un film sous la direction de Claude Lelouch et a écrit une pièce toute en émotion, sur laquelle il revient pour Le Dialogue.

 Les Magnifiques, « C’est la génération de son père », Maxo, Julot et Guigui. Des héros du quotidien qui ont grandi, vieilli et sont devenus au fil des décennies, les gardiens de la mémoire. Internet a creusé un abîme entre Les Magnifiques et leurs enfants et petits –enfants et leur crainte est que la poussière de l’oubli efface les traces de leur passage sur terre. 

Le spectateur passe du rire aux larmes : « C’est comme cela que je suis fabriqué » confie l’acteur, avant d’ajouter : « C’est naturel chez moi. Je suis drôle jusqu’au moment où je suis triste, ou triste jusqu’au moment où je suis drôle ». Ce qu’il traduit parfaitement par son écriture. Mais que l’on se rassure, ce spectacle ne sont que les adieux de ces trois vénérables grands pères et non les siens. 

Ils étaient « Magnifiques » et ils doivent partir comme « des Magnifiques », précise l’acteur. Ces « Magnifiques, sont beaucoup de moi, peut-être moi », écrit Boujenah qui n’entend pas en rester là de sa vie, car il a des projets plein la tête. 

 

L’amour de ses racines 

Si les Magnifiques sont une ode à ses origines tunisiennes, son attachement n’est pas un argumentaire marketing, c’est une réalité. La Tunisie qui l’a vu naître, il la porte en lui et tout le relie à cette histoire de son enfance et de ses ancêtres, jusqu’au nom de sa villa, « Salammbô », qui rappelle le roman de Flaubert. Mais Salammbô, contient le mot paix « Salam » et « Bo » qui signifie, ici. Cette paix entre Juifs et Arabes qu’il appelle de ses vœux, commence à se concrétiser au plan politique depuis le traité de paix israélo-égyptien, et plus récemment avec les Accords d’Abraham. 

Cette amitié retrouvée est symbolisée par « Shlomo », un film du réalisateur maroco-québécois, Mohammed Marouazi, dont c’est le premier long métrage, qu’il a tourné dans le port de Larache au Maroc. Un film qui retentit comme un hymne à la paix entre juifs et musulmans, mais aussi entre le royaume chérifien et Israël qui ont noué des liens politiques et économiques. 

Shlomo « c’est l’histoire d’un juif qui meurt, et qui rend son dernier souffle sur un tapis de prière ». Et là commence la comédie, car les musulmans décident qu’il doit être enterré selon le rite musulman et les juifs qu’il faisait partie de la communauté. Naturellement, Michel Boujenah incarne le personnage de Shlomo, aux côtés de Rachid Badouri, humoriste et acteur québecois, d’origine marocaine : «  c’est à cause de lui que je meurs dans le film, car il a oublié de m’apporter mes médicaments » souligne l’acteur avec humour. Loin d’être un sujet polémique, « Shlomo » se veut au contraire divertissant, fraternel, comme  l’ambiance sur le tournage : « on a passé un moment fabuleux, de fraternité, un moment inoubliable ». 

En 2023, Michel Boujenah a joué dans trois films parmi lesquels figure le film de Maxime Gasteuil « 14 jours pour aller mieux, dans lequel il interprète le père du héros du film : « il s’agit d’un petit rôle mais j’ai accepté la proposition de Maxime, car je l’apprécie beaucoup et son projet était excellent ». Pour la deuxième fois de sa carrière, après les « Misérables », sorti en 1995, il sera l’un des acteurs principaux du dernier Lelouch. 

 

« Finalement » !

C’est une règle établie par Claude Lelouch : « nous ne sommes pas autorisés à parler du film que nous venons de tourner avec lui », mais « finalement » qui n’est autre que le titre du prochain Lelouch. Michel Boujenah accepte d’en dire plus : « avant chaque prise, il nous donne la ligne, mais nous avons toute notre liberté d’acteur. Avant de commencer à jouer une scène, il vient nous dire ce qu’il attend de nous, il n’y a pas vraiment de scenario. Nous sommes beaucoup dans l’improvisation et l’acteur qui accepte de tourner avec lui, ne peut qu’être heureux ».

Mais après cela tout se joue au montage, dans lequel Michel Boujenah décrit une aventure unique par son intensité : « là est la surprise, et j’avoue attendre avec impatience la première diffusion, car tourner avec Lelouch c’est une aventure humaine pleine de surprises ».  

L’histoire est celle de deux avocats, respectivement interprétés par Kad Merad et Michel Boujenah. La folie s’empare de l’esprit de Kad Merad et Michel Boujenah sera chargé de le défendre. Petite précision, Kad Merad est dans le film l’époux d’Elsa Zylberstein. Mais pour l’heure nous n’en saurons pas plus. Il y a Boujenah acteur, mais aussi scénariste avec des projets plein la tête : « j’aimerais écrire un scénario sur les riches et les pauvres, et j’ai écrit une pièce sur ces personnes qui vivent dans les théâtres et les font vivre ».

 

Mettre à l’honneur les « invisibles »

Pendant le COVID, Michel Boujenah a fait le point sur sa vie, sur ses années passées dans les théâtres, auxquelles il souhaite rendre hommage en mettant à l’honneur dans une pièce, trois femmes, qui passent le plus clair de leur temps dans cet univers. Il déplore le fait que les femmes n’aient pas assez de rôles. Aussi, a-t-il décidé de les propulser sur le devant de la scène. « J’ai écrit une pièce qui met en scène une ouvreuse, une femme de ménage et une jeune actrice, qui pour vivre exerce l’activité d’ouvreuse. Mais un jour, tous les acteurs de la pièce à l’affiche tombent malades et ce sont elles qui vont assurer la représentation du soir ».

À travers cette pièce, Michel Boujenah a voulu rendre hommage à ces personnes « transparentes », celles auxquelles personne ne prête attention, comme l’a fait Murielle Barbery dans « l’élégance du hérisson » et Philippe Le Guay dans « les femmes du 6ème étage », un film qu’il apprécie pour la justesse et l’émotion qui s’en dégage. Le film l’a beaucoup marqué : « je pense qu’inconsciemment, cela m’a énormément marqué, mais plus encore un incident qui a eu lieu à l’opéra de Nice. Je répétais un spectacle dans le bar. Je suis sorti en claquant la porte, parce que j’étais mécontent de ma répétition. Et en sortant brusquement, j’ai renversé une femme de ménage qui m’écoutait derrière la porte. Je me suis excusé et elle m’a dit : vous avez tort de ne pas être satisfait, car c’est votre meilleure répétition, vous avez été formidable ». Un échange qui lui est allé droit au cœur et qui a eu l’effet d’une révélation. Dès lors, il n’aura plus qu’une idée en tête, celle de consacrer une pièce à ces personnes « invisibles » et qui pourtant, il le reconnaît, ont souvent un goût artistique d’une grande justesse, et une immense culture.