La ruée d’un grand nombre de pays arabes vers le treizième sommet des BRICS, abrité par Johannesburg le22 août 2023, pour y soumettre leurs demandes d’adhésion a retenu l’attention des analystes. 7 des 22 pays ayant présenté leurs candidatures- soit un pourcentage de 32%- sont des pays arabes à savoir l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les EAU, l’Algérie, le Bahreïn, le Koweït et la Palestine. Alors que 3 des 6 pays invités à rejoindre les BRICS –soit 50% de leur nombre total- sont des pays arabes.
Ce fait dénote un changement, chez eux et auprès de leurs opinions publiques, de la position des Etats Unis et de l’Occident qu’ils ne considèrent plus comme un exemple à suivre au niveau du progrès. En outre, les pays arabes ressentent que la structure de l’ordre international est traversée par de lames de fond que l’Occident et les Etats Unis ont perdu respectivement leur haut classement hiérarchique et les caractéristiques qui favorisaient l’unipolarité.
Cette démarche arabe n’a pas été prise du jour au lendemain. L’Egypte avait formulé son vœu de rejoindre les BRICS depuis déjà quelques années. Elle a même participé, en tant qu’observateur, à certains de leurs sommets comme son président a assisté au sommet des BRICS de 2017 et elle a rejoint- autant que les EAU- « la Nouvelle Banque de développement » crée par les BRICS. Selon les déclarations du président de l’Afrique du Sud, en octobre 2022, le prince héritier saoudien a manifesté également sa volonté de rejoindre les BRICS. En novembre 2022, un responsable algérien a dévoilé que son pays a présenté une demande officielle pour y adhérer.
Il serait simpliste d’en fournir l’interprétation que ce fait est la manifestation de l’hostilité à l’égard de l’Occident. C’est erroné de le dire car les pays qui ont rejoint les BRICS maintiennent toujours des relations stratégiques avec les Etats Unis et l’Union européenne. Néanmoins, il est juste de dire que ces pays n’ont plus la même confiance d’autrefois dans Washington ou les capitales européennes; comme ils aspirent à avoir leurs propres politiques qui émanent de leurs intérêts nationaux.
Ce changement pourrait être interprété à la lumière de plusieurs indices: le plus pondérant serait les retombées négatives du retrait- désordonné- des Etats Unis d’Afghanistan en août 2021. Au terme de vingt ans de leur intervention militaire, depuis 2021, en vue de destituer le gouvernement des Talibans et de reconstruire les institutions politiques, économiques et éducatives grâce à leur forte contribution, Les Etats Unis ont changé leur position et négocié avec les Talibans dans le dos du gouvernement afghan partisan. Ils ont signé alors une convention de retrait des forces américaines en Afghanistan et abandonné le pays en proie à Taliban. Il n’ y a nul doute que plusieurs dirigeants arabes ont été retenus par ce paysage pour penser au sérieux des garanties politiques et sécuritaires que leur offrent les Etats Unis. Pis, les effets négatifs dus à l’initiative prise, moult fois en 2022, par la Réserve fédérale des États-Unis (FED), de hausser le taux d’intérêt sur les marchés émergents et faire monter en flèche le niveau de l’inflation les ont encouragés à rechercher d’autres choix et alternatives.
A cela s’ajoute l’intervention occidentale dans les affaires internes des Etats des fois au nom de la mondialisation et d’autres fois de la démocratie et des droits de l’homme ou pour exercer la pression contre eux pour ne pas coopérer avec la Chine au niveau des communications de la cinquième génération ou pour annuler un contrat conclu avec une société chinoise.
En contrepartie, la Chine a avancé à des pas de géants vers le sommet de l’ordre économique mondial. Elle a également soumis une conception qui va à contrecourant de la mondialisation- l’initiative « la ceinture et la route » basée sur le respect de la souveraineté des Etats et la non-ingérence dans leurs affaires internes et l’établissement des relations entre eux sur la base du principe des intérêts mutuels. Et, à ce propos, la Chine et la Russie se sont montré prêtes à transférer à ces pays, la technologie de pointe dont celle nucléaire à des fins pacifiques.
En outre, le point de vue de ces pays a été affecté par les retombées de la guerre russe en Ukraine qui célèbre bientôt son deuxième anniversaire alors que rien ne laisse présager sa fin imminente. En même temps, les pays arabes- dans leur grand majorité- ont voté pour la décision occidentale de condamner l’intervention militaire russe en Ukraine, ils n’ont pas navigué de conserve avec la position occidentale au sujet de la résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies par laquelle elle suspend la Russie du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies comme ils n’ont pas appliqué conjointement les sanctions économiques imposées contre Moscou.
Par contre, des relations étroites ont été développées entre la Russie d’une part et l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis d’autre part dans le cadre du groupe de « L’OPEP+» comme elles se sont consolidées avec l’Algérie. En outre, la célébration cette année du quatre vingtième anniversaire des relations entre le Caire et Moscou s’est manifestée par de multiples activités et forums dans les deux pays.
Les entretiens qui se sont déroulées dans le cadre des BRICS en Afrique du Sud et son communiqué final indiquent le refus de toutes les démarches unilatérales et la convocation à une évolution de la gouvernance mondiale par l’encouragement de l’instauration d’un ordre plus flexible, efficace et compétent et la nécessité de l’orientation du monde vers un système multipolaire qui permet aux petits pays davantage de liberté d’action et de flexibilité dans la prise de décisions et les aider à réaliser leurs objectifs de développement et exaucer les aspirations de leurs peuples.
Que l’adhésion de trois pays arabes aux BRICS soit la porte d’accès à une contribution institutionnelle arabe pour le changement de l’ordre international et la construction d’un monde nouveau.