J’ai déjà raconté des histoires, dans mes anciens articles, portant sur maître Mamoun le gardien du musée de l’art islamique. J’ai expliqué comment il y a sacrifié sa vie et combien je me souviens toujours de ces belles et splendides anecdotes que j’ai vécues avec un grand nombre d’ouvriers, de gardiens et d’administrateurs de musées qui sont presque irremplaçables. Tous, ils m’ont accompagné tout le long de ma carrière professionnelle jonchée de découvertes archéologiques ou m’ont côtoyé dans les musées ou dans les bureaux d’administration archéologique. Ces autorités portent en Egypte le nom de « L’inspection des sites archéologiques ». Malheureusement cette junte n’a pas reçu son dû par une gratification méritoire. Ces hommes resteront pour toujours les soldats inconnus, les héros de l’épopée des découvertes archéologiques. Toujours l’archéologue maître d’une découverte donnée gagne une grande renommée alors que ces hommes restent toujours dans l’oubli. C’est pourquoi, il nous incombe de manifester de la gratitude à leur égard en expliquant le rôle qu’ils ont accompli de même qu’en honorant les grands ouvriers et porteurs qui ont accompli la charge de transporter les statues et les sarcophages géants soit en les déplaçant à l’intérieur même du musée ou des lieux de leur découverte vers le musée. La première question que se pose le visiteur du musée égyptien est comment ces monuments gigantesques, statues, sarcophages et tableaux, ont été déplacés des lieux déserts où ils ont été découverts. En fait, une magnifique histoire se cache derrière chaque statue ou sarcophage du musée. L’histoire d’une œuvre grandiose dont le personnage clé sont des ouvriers analphabètes mais dotés d’un génie et d’une intelligence innée hérités à travers les siècles depuis le temps de leurs ancêtres les pharaons les artisans de la civilisation. Des histoires qui malheureusement n’ont jamais été écrites. Le meilleur moment de toute ma vie après celui des découvertes est celui de voir ces ouvriers et porteurs, faisant la queue et montant l’un derrière l’autre sur la tribune pour être honorés alors que tout le monde applaudit chaleureusement leurs dons. Depuis 2002, le Haut Conseil des antiquités adopte une nouvelle politique en ce sens en honorant ces rands hommes qui ont vécu dans l’ombre et qui-sans eux- il n’y aurait jamais eu de découvertes archéologiques ou de livres d’histoire. Je me souviens du premier jour de mon travail - il y a déjà quarante ans - au Service des antiquités - qui se trouvait derrière le musée égyptien- lorsque j’ai trouvé un haut fonctionnaire qui avait pris sa place à l’entrée du bâtiment où les employés signaient leur présence en train de noter les noms des absents. L’interrogeant sur la raison de son acte, il m’a répondu qu’il notaient les noms des employés qui signaient présents pour leur collègues absents pour présenter une plainte contre eux. C’est à ce moment-là que j’ai juré de ne pas continuer à travailler dans ce service. Mais mon destin avait un autre mot à dire et me suis aussitôt trouvé dans le site de « Kôm Abou Billou » où j’ai rencontré un maître ouvrier nommé « Docteur » comme marqué sur son acte de naissance. Les ouvriers l’appelaient « patron docteur » Un homme simple qui ne savait ni lire ni écrire mais à vrai dire, il méritait bien son nom : il était expert dans le domaine des fouilles archéologiques et de la restauration des monuments. Un art difficile à apprendre par la lecture des livres mais nécessite une expertise acquise sur les sites même. Le patron docteur savait comme le fond de sa poche tous les détails des fouilles qu’il est capable de repérer le lieu d’une tombe et d’en extraire les pièces archéologiques sans les endommager par une simple égratignure. Il a tout appris de son père et de son grand père qui faisaient partie de la première génération d’archéologues. Ils ont acquis leur expérience sur les sites les plus célèbres. Ils appartiennent tous à la Haute Egypte, de la ville de « Faqt » du gouvernorat de Qena. Ce patron docteur est mon premier professeur qui m’a appris l’art des fouilles et de la restauration des monuments. C’est grâce à lui que je me suis passionné pour les antiquités. Repose en paix mon cher professeur «patron docteur » !