La sécurité énergétique est non moins importante que la sécurité alimentaire. Et si assurer les besoins de « la survie » est l’objectif majeur de celle-ci, la réalisation des buts de la survie, de la croissance et de l’évolution est la cible de celle-là. Ils sont les visées de la sécurité nationale qui s’associent du point de vue dynamique et sont indissociables mécaniquement. Disposer des ressources pétrolières était jusqu’à dernièrement le plus court chemin pour réaliser la prospérité. Mais voilà que l’époque de l’essence, du gaz et du charbon cède sa place graduellement à celle de l’énergie verte. C’est ainsi que l’énergie renouvelable, durable et propre est devenue comparable aux plantes vertes qui effectuent leur photosynthèse en libérant l’oxygène dans l’air. Les bouleversements écologiques les plus graves auxquels est exposé le monde fournissent la preuve de la gravité des dangers externes de l’économie de l’essence et du gaz. Ceci ne signifie pas une fin urgente de l’importance des ressources pétrolières: elles dureront mais cette réalité impose la nécessité de les transformer d’une énergie fossile enfouie dans le sol ou tarie en une autre renouvelable sur la surface de la terre selon des critères qui sauvegarderaient l’équilibre naturel entre l’homme et l’environnement. Partant, nous ne pouvons pas absolument compter sur l’énergie pétrolière en raison des fluctuations de la demande et des prix; comme elle ne peut nullement être le développement en soi par l’extraction, l’exportation et la dépense de ses recettes.
Diversifier l’économie
Le rêve du « pétrole-gaz » pourrait convenir uniquement pour aujourd’hui et non pour l’avenir. Les pays pétroliers cherchent à diversifier leurs économies et à instaurer les règles qui favoriseraient l’élan vers la période post-pétrolière par la diversification des investissements internes et externes, la localisation des industries de pointe après avoir abondement dépensé pour le développement de leurs ressources humaines et l’établissement d’une infrastructure technologique développée. En outre, en Egypte, la diversification de l’économie ne veut nullement dire passer d’un pôle à un autre mais une remise en valeur des divers secteurs modernes de production qui sont nées et se sont développés en Egypte depuis le dix-neuvième siècle pour subir des mutations profondes depuis la Grande guerre et jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale notamment dans les secteurs des industries manufacturées. Procéder de la sorte ainsi que transformer le secteur de l’agriculture en une industrie développée technologiquement intensive est une nécessité historique actuelle qui répond aux besoins de passer à l’énergie verte et à la quatrième révolution industrielle, de bâtir et de renforcer la résilience économique et de répondre aux grands défis écologiques et aux troubles géopolitiques importants qui envahissent le monde.
La politique économique qui a opté pour le pétrole et le gaz comme voie de développement a buté contre les obstacles économiques et financiers qui en ont découlé: une dépendance plus grande vis à vis des dettes pour financer le développement et non vis à vis de ressources non débitrices, l’offre de la production des biens a baissé par comparaison aux autres secteurs ; le besoin de l’importation s’est fait sentir davantage et les fluctuations des prix du gaz et du pétrole ont provoqué le déséquilibre de la balance commerciale avec le monde extérieur. Pis, le secteur de l’énergie a commencé à souffrir des dangers externes causés par un excès de consommation. Il s’ensuit que l’Etat a dû baisser les fournitures de gaz aux centrales électriques locales en vue d’économiser une plus grande quantité pour l’exportation sous l’enseigne de la rationalisation de la consommation de l’électricité.
Ne pas avoir le vent en poupe
Malheureusement, le but recherché par la volonté de baisser la consommation reste inatteignable en raison de la canicule que connait l’Egypte cet été qui a abouti à des pics de consommation sans pareil provoqués par l’usage des ménages qui accapare plus de la moitié de la consommation d’énergie. L’Etat s’est trouvé contraint à procéder à des délestages, c’est à dire des coupures d’électricité planifiées allant d’une à 6 heures par rotation dans toutes les zones géographiques et quartiers de l’Etat. L’autre coup du sort infligé à l’Etat est qu’il n’est pas parvenu à réaliser son objectif d’accroître les exportations de gaz, vu que sa demande, avec le liquéfié, baisse chaque année, d’avril à septembre; juste après en octobre, débute la saison de constitution des réserves commerciales afin d’affronter l’augmentation des besoins de consommation en hiver. Convoitant une certaine hausse des exportations et une diminution de la sujétion aux importations de gaz israélien, l’Etat a donc réduit les fournitures de gaz aux centrales électriques. La conséquence en était /une instabilité en électricité alors que les exportations sont restées au beau fixe et ont même diminué et a persisté la subordination au gaz israélien.
La production, le rendement et les utilisations
Les données concernant la production du gaz dans les cinq premiers mois de l’année en cours ( de janvier à mai) illustrent une régression au plus bas niveau enregistré au cours des trois dernières années. La production quotidienne ayant atteint 5 milliards et 841 millions de pieds cubes contre 7 milliards 193 millions de pieds cubes en septembre 2021; en d’autres termes, la production actuelle a baissé de près d’un milliard 352 millions de pieds cubes par jour soit l’équivalent d’environ 18,8% en dessous du pic de production, Selon les estimations de l’agence de notation financière américaine « Fitch Ratings Ltd », la production annuelle de l’Egypte baisserait de 4% par rapport à celle de l’année dernière pour atteindre 51 milliards de mètres cubes par an. Néanmoins, les chiffres réels de production de l’année en cours laissent prévoir une deuxième chute.
La cause principale de cette diminution de production revient à la régression de celle du champ de « Zohr », le plus grand gisement de gaz en Egypte et à l’est de la Méditerranée. Sa contribution est de l’ordre de 40% de la production égyptienne globale de gaz. Et, bien que la capacité maximum de production prévue de ce champ soit de 3,2 milliards de pieds cubes par jour, ce chiffre n’a jamais été atteint, bien plus sa production a affiché un certain recul de 2,7 à 2,2 milliards de pieds cubes à cause des opérations de surexploitation du gisement et la hausse du taux de tarissement des gisements égyptiens de production pour atteindre entre 10 et 15% par an. Economiquement parlant, la durée de vie des gisements de gaz naturel en Egypte varie seulement entre 6,5 et 10 ans. L’exploitation abusive du champ de « Zohr » a conduit à des complications techniques au niveau de l’opérabilité et l’infiltration de l’eau aux couches de gaz que la production a régressé en dépit des tentatives du fournisseur d’énergie « Eni » de renforcer l’infrastructure des puits de production et de creuser de nouveaux puits pour contrecarrer le recul de production.
Alors que l’Etat tient à sauvegarder le flux de ressources suffisantes de l’exportation du gaz liquéfié, la régression de la production du champ de « Zohr » d’une valeur de 500 milliards de pieds cubes par jour a rendu impérieux la compensation de cette chute par l’augmentation des importations de gaz naturel d’Israël et par la réduction des fournitures en gaz des centrales électriques dans le cadre du plan de rationalisation de la consommation d’électricité, publié l’année dernière.
Une augmentation de la demande locale en gaz- de l’ordre variant entre 8 et 9 milliards de pieds cubes par jour- est prévue jusqu’en 2027. En contrepartie, la production locale prévue varie au minimum entre 5,5 et 6 milliards de pieds cubes par jour et au maximum entre 6,5 et 7,5 milliards de pieds cubes, selon le scénario qui prendrait en considération l’augmentation qui serait enregistrée au cours de nouvelles découvertes exécutées dans des régions de concessions soumises effectivement ou à soumettre au cours des deux années à venir, selon les estimations de l’Institut de l’énergie de l’Université d’Oxford.
Secteur énergétique/budget
L’un des paradoxes époustouflants de l’évolution de la gestion économique en Egypte est que le système bureaucratique est devenu une simple façade de collecte et de dépense de fonds alors que les autorités publiques économiques et de services représentent le secteur central des affaires de l’Etat parallèlement à d’autres services qui pourraient être réglementés par le droit ou par des lois spéciaux. Avec la promulgation de la nouvelle loi du budget, la relation entre le Trésor public et ces autorités se limite à leur financement avec l’obtention- si possible- de leur excédent d’activités. En vertu de ce qui précède, la relation entre le secteur pétrolier et gazier et l’Etat est déterminée par le lien entre l’Autorité générale du pétrole et le Trésor public qui se résume fondamentalement dans le fait que l’Autorité reçoit les subventions de la part du Trésor en contrepartie du virement- si possible- de l’excédent financier.
Les subventions du Trésor accordées à l’Autorité du pétrole
Les subventions supportées par le Trésor public de l’Etat en faveur de l’Autorité générale du pétrole pour l’exercice 2023/2024 est de l’ordre d’environ 119,4 milliards de livres égyptiennes soit plus de 3,8 milliards de dollars ( cours de la Banque Centrale) dépassant ainsi les allocations de l’année dernière (48,1 milliards de livres égyptiennes) d’une valeur de 248% ! et dépassant les subventions effectives obtenues par l’Autorité au cours de l’exercice 2019/2020 (18,5 milliards de livres égyptiennes) de près de 642%! Des chiffres qui reflètent une augmentation excessive du coût évalué supporté par l’Autorité pour justifier son obtention d’une subvention sextuplée par rapport à ce qui lui était alloué il y a trois ans et deux fois et demie plus grande que ce qu’elle recevait dans le cadre du budget de l’année dernière. Seule l’Autorité générale du pétrole reçoit 26,4% des subventions allouées aux autres autorités publiques officielles de l’Etat.
En vertu de l’article 3 de la loi financière générale unifiée numéro 6 de l’année 2023, la relation entre les autorités et les unités économiques et le budget général de l’Etat se limite à l’excédent qui est alloué au Trésor général de l’Etat, en plus des contributions et des crédits. Pratiquement parlant, le Trésor public de l’Etat n’a aucun pouvoir sur les budgets de telles autorités qui gèrent elles-mêmes leurs propres affaires financières et selon les règles qu’elles fixent. Pourtant, elles empruntent des banques en sus des allocations qui lui sont allouées grâce à la garantie du gouvernement et ne sont pas engagées à les rembourser.
Le pétrole et la balance commerciale
A la préparation du budget du nouvel exercice et malgré les prémisses de faiblesse qui commencent à affecter le marché du gaz naturel, le ministère du pétrole a déclaré qu’il avait l’intention d’augmenter de 15% la valeur des exportations pétrolières au cours de l’exercice actuel pour parvenir à près de 21 milliards de dollars et d’accuser une augmentation pareille en 2024 pour atteindre 24 milliards de dollars. Néanmoins de telles estimations ne sont pas basées sur des chiffres et des vérités qui confirment leur crédibilité. Quatre raisons principales sont pointées du doigt : premièrement, les fluctuations des prix du pétrole et du gaz sur le marché international et les pressions à la baisse exercées sur le prix du gaz ; deuxièmement, la régression de la production égyptienne de gaz naturel et l’incapacité à ajouter de gros réserves jusqu’à nos jours ;Troisièmement, les sociétés internationales ont devant elles de grandes chances d’investissement plus rentables et moins coûteux dans d’autres régions du monde telle l’Afrique ; quatrièmement, les compagnies d’énergie cherchent à diversifier leurs investissements et leurs sources d’approvisionnement en Méditerranée par l’augmentation de ceux en provenance de l’Algérie et de la Lybie.
Il n’est guère étonnant que le chapitre des exportations pétrolières, dans la balance des paiements des neufs premiers mois de l’exercice actuel, accuse une régression de 13,7 à 11,1 milliards de dollars soit près de 19%, provoquant une baisse de l’excédent de la balance commerciale pétrolière de 59,5% pour se limiter à 1,7 contre 4,1 milliards de dollars au cours de la même période de l’exercice précédent. Selon les dernières déclarations exprimées à Vienne par le ministre du pétrole, une régression des revenus des exportations du gaz liquéfié d’une valeur de près de 50% est prévue au cours de l’année en cours (2023) en raison du recul des cours internationaux. Les exportations égyptiennes de gaz liquéfié a battu un chiffre record exceptionnel l’année dernière d’une valeur de 8,4 milliards de dollars par rapport aux 3,5 milliards de dollars enregistrés en 2021.
Les investissements pétroliers: le rendement et le coût
Au cours des neuf premiers mois de l’exercice qui a pris fin en juin dernier, l’inflow global des sociétés étrangères opérant dans le secteur pétrolier ont augmenté pour atteindre 4,2 milliards de dollars contre 3,8 milliards au cours de la période précédente avec une augmentation d’un milliard de dollars à titre d’investissements nouveaux. La valeur des virements vers l’étranger en contrepartie du remboursement de la valeur des coûts supportés par les sociétés au cours des explorations, du développement et des opérations qui ont atteint 5,1 milliards de dollars. En d’autres termes, la balance nette des investissements dans le secteur représente des transferts vers l’étranger d’une valeur de 925 millions de dollars au cours de ladite période. En contrepartie, les partenaires étrangers reçoivent un quota d’environ 50% de la production ajouté aux intérêts des crédits de financement.
Les incitations à l’investissement convenues avec les sociétés internationales en 2015 incluent une reformulation de l’équation qui fixe les prix par lesquels le gouvernement achète la production des sociétés afin que le prix d’un million d’Unités Thermiques Britanniques (UTB) atteigne près de 6 dollars avec également le remaniement du seuil des prix garantis et l’établissement d’un programme de règlement des arriérés dues aux sociétés qui avaient atteint environ 6,3 milliards de dollars en 2013. En vertu des accords avec les sociétés, le prix du gaz payé par l’Etat, de la concession de Sherouk et de celle de la Méditerrané dans les eaux profondes touche 5,88 dollars pour 1 million de UTB ( les sociétés Eni, Edison et Shell). Le prix du gaz extrait des gisements du Sahara occidental dont le gaz de schiste a été augmenté jusqu’à 5,45 dollars (Shell et Apache). Le prix minimum du gaz obtenu des compagnies étrangères en général est de 3,95 au lieu de 2,65 dollars.