Le programme spatial émirati a été lancé en 2006 et son agence spatiale a été créée en 2014. Elle est dirigée par Sarah Al Amiri, 36 ans et également ministre d’État pour les hautes technologies des EAU. Le budget annuel de l’UAE Space Agency serait de 5 milliards d’euros par an. La détermination des Émirats arabes unis à devenir la première puissance spatiale arabe est sans faille…
Le principal atout des Émirats par rapport à tous les autres États du monde arabo-musulman c’est bien sûr sa formidable puissance financière et ses impressionnantes réserves budgétaires.
On connaît par exemple l’état catastrophique de l’économie et des finances de l’Iran à qui nombre d’observateurs ont prêté une ambition spatiale et parfois présenté comme principal rival des Émirats dans ce domaine.
Autre avantage des EAU est la coopération et les partenariats qu’ils ont pu tisser très tôt, depuis une décennie, avec d’autres puissances et agences étrangères dans ce domaine (NASA, CNES, ESA, JAXA – Japon –, KARI – Corée –, et à présent l’ISA – Israël –, etc…)
Par ailleurs, rappelons que les relations entre les EAU et l’Iran ne sont pas aussi tendues voire conflictuelles qu’on peut le penser… N’oublions pas que dans cette région rien n’est tout blanc ni tout noir. Il faut savoir que les avoirs de beaucoup de dignitaires du régime iranien sont en sécurité dans des coffres à Dubaï ! Et que les Émirats arabes unis, par pragmatisme, ont été durant ces dernières années un des pays qui a aidé, certes discrètement, la Syrie et surtout l’Iran à contourner les sanctions internationales pour leurs exportations et leurs importations…
L’Arabie saoudite de MBS nouveau concurrent ?
Même si l'Arabie saoudite, l’autre grande puissance financière du Golfe, a déjà envoyé le premier astronaute arabe et musulman de l'histoire dans l’espace en 1985, c’est depuis 2015 avec le nouvel homme fort du pays, le prince héritier Mohammed ben Salman (MBS), le grand modernisateur à marche forcée du royaume, que le programme spatial saoudien a été développé et accéléré avec pour ambition de devenir une grande puissance dans ce secteur, au même titre que son voisin et allié (et modèle) les EAU.
Certes, après une alliance géostratégique indéfectible depuis 2015 jusqu’en 2021, on peut déceler une nouvelle et certaine concurrence entre les deux puissances du Golfe voire même un nouveau champ de rivalité (que certains évoquent depuis deux ans) entre Riyad et Abou Dhabi.
Or malgré leur plus petite taille, les EAU ont une longueur d’avance dans ce domaine comme de manière plus générale dans la diversification économique.
Citons dès le début des années 2000, le développement, en coopération avec la Corée du sud, du satellite d'observation de la Terre DubaiSat 1 suivi par d'autres satellites de ce type. Puis la société émiratie de télécommunications Thuraya qui a mis en place en 2000 l'un des trois réseaux mondiaux de téléphone satellitaire. En 2019, un émirati, Hazzaa al-Mansoori, s’était envolé dans l’espace pour une mission de huit jours à bord de l’ISS. Il était alors le premier citoyen du pays à voyager dans l'espace. En février 2023, Le 26 février prochain, un autre émirati, Sultan al-Neyadi, avait lui aussi décoller à bord d’un vaisseau SpaceX vers la station internationale pour une mission de six mois.
La Mission martienne des Émirats ou Al-Amal, l'espoir en arabe, est lancée par une fusée japonaise H-IIA le 19 juillet 2020, et le 9 février 2021, la sonde réussit son insertion en orbite martienne, faisant des EAU la cinquième nation (et la première arabe !) à s'installer autour de Mars.
Le 25 avril 2023, c’est l’échec, lors de la phase finale de l'atterrissage, de la mission Rashid 1, avec l’astromobile Hakuto-R M1 qui s'écrase sur la Lune. La mission Rashid 2 avec un second exemplaire de l'astromobile devrait être lancée à une date qui reste encore à définir.
Enfin, le 27 juin dernier, les EAU ont inauguré leur Payload Hosting Initiative (PHI) avec le lancement d’un premier satellite, PHI-Demo.
Fierté nationale… et pragmatisme !
Bien évidemment, il y a énormément de fierté et de prestige avec le programme spatial des Émirats arabes unis. Or les Émiratis sont également dans une approche très pragmatique où ils veulent coûte que coûte former leurs spécialistes dans le secteur. Ainsi, comme évoqué plus haut, ils travaillent avec beaucoup de partenaires internationaux. On l’a dit, ils ont d’ailleurs signé de nombreux accords avec toutes les grandes agences spatiales de la planète. Ils développent énormément de programmes étudiants aux Émirats et ils envoient aussi leur personnel se former à l'étranger.
Ainsi, au-delà du prestige, de la gloire et du soft power que représentent les avancées émiraties, la nouvelle « République de Venise du Moyen-Orient » (cf. mon dernier ouvrage) sait pertinemment que le développement dans ce domaine a inévitablement un effet de ruissèlement et un impact important dans d’autres secteurs hautement stratégiques comme les communications, les hautes-technologies et bien sûr le militaire…
Bref, si les EAU poursuivent leur percée dans le domaine de l’espace, si stratégique sur le plan de la souveraineté nationale, ils pourront à l’avenir irriguer des pans entiers de l’économie locale et régionale tant les applications du spatial sont cruciales, riches et diverses…