Le président français Emmanuel Macron regarde le Premier ministre indien Narendra Modi (C) est accueilli par la ministre française des Affaires étrangères et européennes Catherine Colonna alors qu'ils arrivent pour une réunion au ministère des Affaires étrangères à Paris le 14 juillet 2023. Photo : JULIEN DE ROSA / PISCINE / AFP.
Le Président Emmanuel Macron entend être le premier dirigeant occidental à participer au prochain sommet des Brics (regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), qui doit se tenir à Johannesburg du 22 au 24 août 2023.
Dans cette perspective, le quotidien français l’Opinion, relayé par le quotidien russe Izvestia révèlent que Madame Colonna, la Ministre française des Affaires étrangères, avait fait connaître à Pretoria, le 20 juin 2023 « la disponibilité et l'intérêt » du Président Macron à participer au prochain sommet des Brics.
« J'ai fait état à mon homologue, Mme Naledi Pandor de la disponibilité du Président et de son intérêt à poursuivre le dialogue que la France entretient avec les Brics », avait déclaré Catherine Colonna à la presse au terme d'une visite officielle en Afrique du Sud.
Cette idée pourrait paraître pour le moins saugrenue… « Le pari est assurément un peu fou et inédit - un président français dans une enceinte qui veut concurrencer la gouvernance mondiale sous leadership américain », écrit Pascal Airault dans L’Opinion.
Pourquoi un chef d'État français, membre du G7, participerait-il à un sommet des Brics, un groupement d’États qui militent activement pour un monde multipolaire ?
Pour Madame Colonna, « il nous semble que dialoguer est toujours positif. Même quand on n'est pas 100 % d'accord sur tout, il faut parler pour se comprendre et pour trouver des solutions ». Et pourquoi pas « poursuivre ce dialogue, au sommet des Brics ou dans un autre format », confirmant que « le président de la République peut l'envisager si une invitation lui est adressée. ».
« Si le président Macron venait à participer, ce serait une innovation au modèle de participation des Brics, mais qui pourrait renforcer la portée mondiale de ce forum », a indiqué sans enthousiasme et sans conviction, le Ministre Naledi Pandor.
Dans le même temps, le souhait d’Emmanuel avait essuyé une volée de bois vert de la part de Moscou : « Il est clair que les chefs d’État qui conduisent une politique aussi hostile et inacceptable à notre égard, qui sont si déterminés à isoler la Russie sur le plan international et adhèrent à la ligne de l’Otan visant à nous infliger une défaite stratégique, n’ont pas leur place comme invités des Brics », a déclaré, le 22 juin 2023 2023, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, cité par le quotidien Kommersant.
Vu de Moscou Emmanuel Macron n’a pas sa place au sommet des BRICS
Et il va sans dire, que c’est l’hôte du sommet qui choisit les invités, a concédé le diplomate. (C’est aussi ce qu’avait indiqué le Premier Ministre Indien, Narendra Modi, lors de sa visite d’État à l’occasion du 14 juillet dernier). « Mais tous les pays membres des Brics doivent être consultés, et nous n’avons pas caché notre position à nos collègues d’Afrique du Sud »… En clair, vu de Moscou, Emmanuel Macron n’a pas sa place au sommet des Brics.
Vladimir Poutine est invité au sommet à Johannesburg, mais il est visé depuis mars par un mandat de la Cour pénale internationale (CPI) pour le crime de guerre de « déportation » d'enfants ukrainiens depuis l'invasion de l'Ukraine, des accusations que la Russie rejette en bloc.
Or pour Moscou, « La Russie a fait savoir que toute arrestation de son président en exercice équivaudrait à une déclaration de guerre ». « Cela ne serait pas cohérent avec notre constitution de risquer d'engager le pays dans une guerre avec la Russie », a souligné Cyril Ramophosa le Président sud-africain, estimant que cela contreviendrait à son devoir de protéger le pays.
En fin de compte, la Russie sera représentée par Sergueï Lavrov, son Ministre des Affaires Étrangères, lors de ce sommet des Brics, annonce la présidence sud-africaine, mettant ainsi fin, à plusieurs mois de tergiversation.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron entend mobiliser les pays du « Sud global » « pour les empêcher de basculer totalement du côté de la Russie ». Il a la ferme intention de les convaincre de s’engager dans de nouveaux formats de coopération, et les réconcilier avec les démocraties occidentales.
Dans cette perspective n’a-t-il pas organisé les 22 et 23 juin 2023 au Palais Brongniart à Paris un sommet pour un nouveau pacte financier mondial ? Son objectif ? Apparaître comme le nouveau militant d’un multilatéralisme rénové qui refonderait le système hérité de Bretton Woods, tout en y associant l'émergence des puissances des pays du Sud. D’où son insistance pour se faire inviter au prochain sommet des Brics en août prochain ?
Or, la volonté affichée du Président français est-elle suffisamment cohérente à l’aune d’une politique résolument atlantiste ? Rien n’est moins sûre…
De fait, « Le sentiment anti-occidental est très largement partagé si on prend les Brics, si on prend l’Afrique, on voit bien comment l’Afrique est montée contre nous. Comment elle cherche à faire en sorte que la France quitte l’Afrique… Il y a un sentiment extrêmement actif, On se trompe si on parle de neutralité (NDLR vis à vis de la Russie) Et cette capacité à jouer sur le levier du Monde est un élément qui joue assurément en faveur de la Russie, ne l’oublions pas…», comme le rappelle Dominique de Villepin, l’ancien Ministre des Affaires étrangères de la France, lors de la matinale de France Inter, le 8 juin dernier…