Dans un récent entretien au média Al Ain France, le président français Emmanuel Macron a réitéré son plein soutien à la présidence de la COP28, prévue du 30 novembre au 12 décembre 2023 aux Émirats Arabes Unis et ce malgré les critiques. Un sursaut de Realpolitik bienvenu !
Répondant aux questions d’Al-Ain News, sur les préparatifs de son pays pour la COP28 en marge de sa participation à un sommet qui réunissait les dirigeants de l'UE et de l'Amérique latine à Bruxelles, le chef d'État français a rappelé : « Je soutiens évidemment la présidence de la COP ».
« C'est toujours une responsabilité éminente, et donc nous ferons tout pour que ce soit un succès », a ajouté Emmanuel Macron.
Le président français a également souligné l'importance de ce rendez-vous climatique, alertant des dérèglements climatiques que le monde subit actuellement et depuis plusieurs décennies.
« C'est une année importante de rendez-vous et ce que nous sommes en train de vivre dans nos pays le montrent très clairement », a estimé Emmanuel Macron, mettant en garde contre : « les dérèglements climatiques sont là et nous avons à les subir ».
Évoquant à juste titre les efforts de l'Europe visant la neutralité carbone et la réduction des émissions, Macron a souligné que l'Europe est la région la « plus réglementée au monde ».
« L'Europe est un continent qui est aux avant-postes, puisque nous avons non seulement adopté la neutralité carbone 2050, mais des objectifs 2030 de réduction de 55 % de nos émissions », a-t-il déclaré.
Une COP 28 basée sur le réalisme et le pragmatisme
Or ne soyons pas dupes, derrière ces éléments de langage et ces belles paroles dont est coutumier Emmanuel Macron, il faut comprendre qu’il y a, une fois n’est pas coutume, une grande dose de réalisme international.
En effet, rappelons que la décision d’organiser la prochaine COP 28 à Dubaï à l’automne prochain a été critiqué par certains groupes d’écologistes. Surtout la nomination à sa présidence de Sultan Ahmad al-Jaber, ministre émirati de l’Industrie depuis 2020 et surtout PDG de la Compagnie nationale pétrolière d’Abou Dhabi.
Or, si les Émirats arabes unis (EAU) sont les septièmes producteurs mondiaux de pétrole, avec une production moyenne de 3,79 millions de barils par jour, d'après les plus récentes données de la US Energy Information Administration et que le pays, d’un peu moins de 9,4 millions d’habitants, a rejeté dans l’atmosphère 193,5 millions de tonnes de CO2 en 2021, d’après des données compilées par la Commission européenne, il n’en reste pas moins que par rapport à la plupart des États de la région mais aussi à d’autres pays de la planète, l’émirat est à la pointe de l’investissement dans les énergies renouvelables depuis quelques années. D’ailleurs, les EAU ont officiellement annoncé qu’ils souhaitaient atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
Mais à la différence encore une fois de ses voisins, les dirigeants émiratis, toujours très avisés, ont su rapidement diversifier leurs ressources et leurs activités économiques, basées au départ essentiellement sur leurs richesses en hydrocarbures. Très vite, ils se sont donc tournés vers le commerce, la finance, l'immobilier, le trafic aérien, le tourisme de luxe, les zones franches, les médias, les ports francs, le transit, l'enseignement, la culture, la haute technologie et la recherche scientifique (souvenons-nous de « Amal », le premier satellite arabe mis en orbite en 2021 autour de Mars !) et même le développement durable (notamment l’énergie solaire et le recyclage et la désalinisation de l’eau). Il en a résulté un développement économique conséquent et non exclusivement basé sur les seules rentes pétrolière et gazière donnant au pays l’allure d’une sorte de Hong Kong version moyen-orientale.
La dernière COP 27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, il y a quelques mois, a permis de trouver un compromis sur l'aide aux pays pauvres touchés par les changements climatiques, mais les parties ne se sont fixées aucune nouvelle ambition pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Or le choix hautement symbolique du lieu pour le futur sommet de novembre et décembre prochain, ne fait pas, on l’a dit, l’unanimité. Il sera pourtant une formidable opportunité pour que les acteurs mis en cause hier dans la crise climatique, puissent se présenter enfin comme les promoteurs des solutions de demain.
Ainsi, pour le président de la COP 28, Sultan Ahmad al-Jaber, le principal défi va être de démontrer que l’on peut faire partie du problème mais également de la solution, en apprenant du passé pour construire l’avenir.
Comme dans toutes leurs positions politiques et dans d’autres dossiers, et à l’inverse de nombreux autres États dans la zone, les Émiratis ont toujours démontré leur sincérité par les faits et les actions.
On peut aisément donc croire le nouveau président de la future COP, lui qui a présenté, comme on l’a dit plus haut, un plan réaliste pour une stratégie visant à atteindre la neutralité climatique de son pays d’ici 2050. Comme lorsqu’il a déclaré et affiché sa volonté réelle de travailler avec l'industrie énergétique pour accélérer sa décarbonation, en promouvant notamment des solutions de différentes natures, tel l'hydrogène vert, qui est un des enjeux du monde énergétique de demain.
Ministre émirati de l'Industrie, président d’une compagnie pétrolière, il connait parfaitement les problèmes, les contraintes et les besoins des industriels. Mieux que personne, il aura donc une vision et une approche pragmatique pour faire face aux problèmes soulevés et prendre les bonnes décisions afin d’essayer de relever le défi climatique.
La question de l’après-pétrole a toujours été fondamentale pour les EAU, qui, on l’a vu, en ont pris conscience bien avant tous leurs voisins. Pionnier en la matière, c’est au final, un intérêt existentiel pour l’émirat et on ne peut que raisonnablement faire confiance en ses dirigeants, quant à leur volonté réelle de faire évoluer positivement les choses dans ce domaine…
L’organisation de la COP 28 aux EAU est également une reconnaissance politique internationale pour ce pays qui s’est imposé depuis une dizaine d’année comme une sorte de « nouvelle République de Venise » du monde arabe de par son influence croissante dans la région.
Ainsi les Émirats se sont dotés d’une force armée de 65 000 professionnels et de forces spéciales compétentes, bien équipées et surtout très bien formées. Le budget de la Défense est de 14,3 milliards de dollars en 2015, soit 5,34 % du PNB, soit en proportion, l’un des plus élevés du monde.
Les EAU un allié important de l’Occident et surtout de la France
Les EAU, membres par ailleurs du Conseil de coopération du Golfe, ont également signé de nombreux accords de défense et de coopération militaire notamment avec la France et les États-Unis (mais également avec la Russie et la Chine), qui lui fournissent aides et matériel militaires haut de gamme.
Dans le même temps, depuis quelques années, la diplomatie d’Abou Dhabi est très active dans le monde arabe. L’Émirat s’est positionné comme le fer de lance contre le terrorisme et l’islam politique, aux côtés de l’Égypte de Sissi et de la « nouvelle » Arabie saoudite de Mohammed ben Salman, et comme cela n’avait jamais été fait par le passé.
Les EAU ont aussi signé les historiques Accords d’Abraham (avec Bahreïn, le Maroc et le Soudan) en septembre 2020 avec Israël. Très écoutés et influents dans la région, ils en sont depuis l’un des piliers ainsi que de la normalisation politique en cours et des nouvelles perspectives commerciales et stratégiques entre les autres pays arabes et l’État hébreu.
Enfin, n’oublions pas les Émirats font également partis des 88 pays francophones ou francophiles, membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Un sursaut de Realpolitik française bienvenu… mais peut-être pas pour les bonnes raisons
Pour la France, et son président le sait pertinemment (il a eu raison de résister aux pressions des écologistes !), il y a de nombreux et très importants partenariats culturels et environnementaux comme nous venons de le voir. Mais surtout économiques et commerciaux. C’est d’ailleurs peut-être, et malheureusement, la seule raison valable aux yeux d’Emmanuel Macron…
Quoi qu’il en soit, et c'est le plus important, les Émirats Arabes-Unis sont aussi un allié géostratégique précieux, essentiel voire primordial pour Paris. La France a de nombreux accords de défense et de coopération militaire (ainsi que dans les domaines du renseignement et de la lutte contre le terrorisme) avec ce pays où la France possède une base et une présence militaire permanente.
Les EAU sont donc un modèle et un vecteur de modernisation et de développement pour la région mais également de paix (Accords d’Abraham avec Israël). Et surtout, ne l’oublions pas, ils sont à la pointe – avec l’Égypte de Sissi et la « nouvelle » Arabie saoudite de Mohammed ben Salman – dans la lutte contre le jihadisme et l’islam politique qui sont nos ennemis communs, principaux et existentiels pour nos deux pays…