Le président turc Tayyip Erdogan et le Premier ministre suédois Ulf Kristersson se serrent la main aux côtés du secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg avant leur rencontre, à la veille d'un sommet de l'OTAN, à Vilnius le 10 juillet 2023. Photo : YVES HERMAN / POOL / AFP .
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a déclaré le 8 juillet 2023 que son homologue russe Vladimir Poutine se rendrait en Turquie en août prochain et a souligné son enthousiasme pour les pourparlers de paix dans lesquels Ankara pourrait jouer un rôle décisif.
Il a fait ces remarques lors d'une visite à Istanbul du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qu'il a salué comme son "cher ami".
Après plus de deux heures de pourparlers au manoir Vahdettin à Istanbul, Erdoğan a également soutenu l'adhésion de Kiev à l'OTAN et a offert une défense solide de l'indépendance de l'Ukraine, déclarant que la saisie du territoire ukrainien par la Russie avait enfreint le droit international.
Notant que la Turquie avait fait "le plus d'efforts" de tous les pays lors de précédentes tentatives diplomatiques et soulignant le rôle d'Ankara dans un accord permettant à l'Ukraine d'exporter des céréales hors de la mer Noire, Erdoğan a insisté sur le fait que la Turquie avait le "désir le plus sincère" de voir Kiev et Moscou de retour à la table des négociations.
Zelensky a également observé que "la Turquie est prête à assumer un rôle de leadership" dans le plan de paix de Kiev. Erdoğan a confirmé que les entreprises turques étaient prêtes à participer à la reconstruction de l’Ukraine.
Erdoğan et Zelensky espéraient que l'accord d'exportation de céréales serait bientôt prolongé, et le dirigeant turc a ajouté qu'il serait logique de commencer à le renouveler pour des périodes plus longues que tous les deux mois. Erdoğan a déclaré qu'il discuterait initialement avec Poutine de l'idée d'étendre l'accord à trois mois, mais a ensuite suggéré que le programme complet devrait durer jusqu'à deux ans pour aider à lutter contre la faim dans les pays les plus pauvres.
Le Président turc a assurément joué un numéro d'équilibriste au cours de la guerre. Tout en condamnant largement l'illégalité de « l’Opération Spéciale » russe en Ukraine et en fournissant des drones Bayraktar aux forces ukrainiennes, Ankara est également apparu comme une pièce maîtresse pour éviter de voter des sanctions, ne pouvant se permettre de s'aliéner Moscou en raison de sa forte dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.
La position dite « d’équilibriste » de Recep Tayyip Erdoğan, entre Kiev et Moscou, offre certes au président turc des avantages certains — à commencer par un rôle d’acteur incontournable sur la scène internationale. Il a ainsi été, on l’a dit, l'un des principaux artisans de l'accord sur l'évacuation des bateaux céréaliers de la mer Noire dernier.
Mais en refusant de choisir entre Ukraine et Russie – entre OTAN et Russie – Tayyip Erdogan se trouve en permanence sous pression de chacun de deux camps. Et doit, selon le contexte, donner des gages aux uns ou aux autres. Recep Tayyip Erdoğan a estimé que l'Ukraine « mérite » de rentrer dans l'Alliance atlantique et a appelé les deux pays, Russie et Ukraine, à « retourner aux pourparlers de paix ».
Dans le même temps, il ne manque pas de bloquer l’adhésion de la Suède à l'Alliance atlantique – et chemin faisant il accuse Stockholm d’abriter des « terroristes » kurdes du PKK –, pour mieux baisser la pression de ses alliés de l’Otan avant le sommet de Vilnius. Il n’hésite pas à le faire, au grand dam de Moscou, ce qui tent à prouver qu’il dispose d’une certaine marge de manœuvre vis-à-vis de la Fédération de Russie, confie la correspondante de RFI à Istanbul, Anne Andlauer.
L’Union Européenne devrait ouvrir la voie à l’entrée de la Turquie dans l’Union et ce avant que la Suède n’intègre l’Otan aurait déclaré Erdoğan
Mais il y a plus , contre toute attente, « l’Union Européenne devrait ouvrir la voie à l’entrée de la Turquie dans l’Union et ce avant que la Turquie n’autorise la Suède à intégrer l’Otan » aurait déclaré Erdoğan … rien que ça ! C’est en tout cas que ce que révèle le New York Times dans ses colonnes du 10 juillet 2023 https://www.nytimes.com/2023/07/10/world/europe/erdogan-turkey-sweden-nato.html?smid=tw-nytimes&smtyp=cur
Du reste, « la dernière supplique » de M. Erdoğan est intervenue un jour avant l'ouverture du sommet annuel de deux jours de l'OTAN, où les dirigeants, dont le Président Biden, avaient espéré obtenir l'approbation unanime des États membres pour permettre à la Suède de devenir le 32ème membre.
Par ailleurs, le Kremlin a bel et bien fustigé le rapatriement par le président ukrainien Zelensky de plusieurs commandants qui devaient rester en Turquie jusqu’à la fin du conflit à la faveur d’un accord entre Moscou et Kiev.
On notera volontiers qu’Erdoğan n'a pas tardé à manifester son soutien à Poutine lors de la mutinerie avortée d'Evgueni Prigojine en juin dernier, tout comme Poutine l'avait soutenu lors de la tentative de coup d'État turc encore très opaque de 2016. Et n’a-t-il pas été chaleureusement félicité par le Chef du Kremlin qui lui a donné du « cher ami » lors de sa réélection ?
Dans le même temps, on ne manquera pas de souligner que Joe Biden estime que l'Ukraine ne peut pas adhérer à l'Otan avant la fin de la guerre avec la Russie. « Je ne pense pas qu'il y ait unanimité au sein de l'Otan pour décider d'intégrer ou non l'Ukraine dans l'Alliance maintenant, en plein milieu d'une guerre », a déclaré le président américain dans un entretien à CNN. Les États membres « s'engagent à défendre chaque pouce de territoire de l'Otan. C'est un engagement que nous avons tous pris, quoi qu'il arrive. Si l'Ukraine entrait dans l'Otan alors que la guerre se poursuit, nous serions en guerre avec la Russie ».