La mort tragique du jeune Nahel constitue un événement dont la portée psychologique ne peut être appréhendée qu'à travers ce prisme. En effet, la grande majorité des citoyens ne se retrouvent jamais dans une situation où un policier doit les menacer d'une arme à feu. C'est une réalité que nous ne connaissons habituellement que par l'intermédiaire du cinéma. Ce jeune homme a pourtant vécu cette effrayante réalité. Toutefois, ce n'est que le début de l'énigme psychologique. À travers ses précédentes interactions avec les forces de l'ordre, le jeune homme aurait dû avoir une certaine compréhension de leur comportement dans des situations critiques, et savoir qu'ils ne portent pas des armes sans raison.
Quand le policier s'est posté devant le pare-brise de sa limousine Mercedes-Benz jaune, braquant son pistolet sur Nahel, ce dernier aurait dû comprendre l'extrême gravité de la situation. Et que l’agent de police devait être sous un stress intense. D'ailleurs, la position du policier lui offrait une vision claire de l'intérieur du véhicule, tout comme Nahel pouvait clairement voir l'officier. Ils étaient ainsi en contact visuel direct.
Cependant, ce qui défie le bon sens, c'est ce qui s'est passé ensuite. Comment a-t-il pu démarrer la voiture alors qu'un policier le tenait en joue? Pire, il aurait même pu écraser l'agent. Pourquoi n'a-t-il pas anticipé qu'il mettrait le policier dans une situation où il serait contraint de tirer? Il n'y a qu'une seule réponse logique à cette question. Nahel ne percevait pas le policier comme un représentant de la loi, comme une personne mandatée par l'État pour maintenir l'ordre. Les trois concepts fondamentaux à la coexistence au sein d'une communauté : l'État, l'ordre et les personnes autorisées à le maintenir, ne représentaient rien pour lui.
Si cette ignorance était le résultat d'une prise de drogues qui aurait affecté ses capacités de prise de décision rationnelle, l'enquête le déterminera. Dans notre analyse, nous présumons que les drogues n'ont pas influencé sa décision fatale.
Il semble donc que Nahel lui-même, en état de pleine responsabilité, ait pris cette décision parce qu'il ne reconnaissait pas l'autorité, ni l'agent de police qui la symbolisait. On pourrait le comparer à un Meursault moderne, le héros de L'Étranger, le célèbre roman d'Albert Camus sur l'absurde. Pour lui, aucune autorité n'a de sens, qu'elle soit divine ou humaine. Il est une sorte d'autiste social : l’histoire se termine par sa mort, simplement parce qu'il n'est pas conscient des liens fondamentaux qui constituent la société. Cela soulève une question : un tel événement aurait-il été possible en France sous les règnes de Charles de Gaulle ou George Pompidou? La réponse est non : à l'époque, de telles choses n'arrivaient pas.
L'ancien ambassadeur de Slovénie à Paris, le professeur André Capuder, relate dans un ouvrage comment, en 1965, il a tenté de dérober un livre de Soeren Kierkegaard dans une librairie de Nancy. Il écrit, se mettant à la troisième personne : « Le vendeur et propriétaire de la librairie l'a empêché de commettre son acte. Il a poursuivi André dans la rue, lui rappelant qu'il fallait payer pour le livre. Le prix n'était pas exorbitant, seulement trois francs, mais suffisant pour faire appel à la police. À l'époque de la France sous De Gaulle, la police se montrait impitoyable envers les voleurs. » Cette dernière phrase en dit long sur cette période. Qu'est-il donc arrivé pour que la loi et l'ordre soient suspendus dans la société ? La réponse est simple : c'est le résultat de la plus dévastatrice révolution anthropologique de l'histoire moderne, celle de 1968, qui se basait sur le marxisme d'un côté et le postulat de la société de consommation de l'autre.
Nous faisons ici référence aux événements de mai de cette année-là, lorsque Charles de Gaulle dut se retirer en Allemagne pour assurer sa sécurité. Même si la situation en France - et en Europe - s'est par la suite apaisée, la révolution de 68 a entamé une transformation de la structure sociale établie, ou plus précisément de sa hiérarchie. Les révolutionnaires de l'époque souhaitaient démanteler la civilisation et sa structure sociétale. L'autorité en était le fondement, c'est pourquoi ils s'y sont attaqués en premier. La révolution a donc gravement porté atteinte à ce pilier. Par exemple, elle a placé l'élève sur un pied d'égalité avec l'enseignant. De même, elle a sapé l'autorité paternelle : le slogan « papa pue » était parmi les plus populaires de l'époque. Aujourd'hui, les enfants dirigent le monde en commandant leurs parents. Prenez l'exemple de Greta Thunberg, devenue une spécialiste en tout. Le bouleversement de 68 a également répudié l'autorité des responsables politiques. D'où découle une conclusion peu encourageante : autrefois, la classe politique en Occident incarnait l'idée régalienne, celle des monarques, adaptée à des circonstances différentes ; aujourd'hui, elle a quasiment disparu.
Il existe bien sûr des exceptions, mais elles ne font que confirmer la règle. La caractéristique royale est que le souverain ne poursuit pas son propre intérêt, mais celui de la communauté. Prenons par exemple la reine Elizabeth d'Angleterre, qui a fait ses adieux en septembre 2022, elle était la dernière monarque de la vieille école. Nous pourrions nous rappeler des innombrables choses qu'elle a accomplies pour la Grande-Bretagne. Cependant, il serait difficile de trouver quoi que ce soit qu'elle ait fait pour sa propre personne. En revanche, ses enfants sont une toute autre histoire.
Ils sont célèbres pour leurs aventures scandaleusement piquantes. Leurs plus jeunes descendants font partie de cette catégorie de célébrités où tout est dédié à l'auto-promotion, donnant naissance à un égoïsme incomparable. Se soucient-ils du royaume? Meghan Markle, le Prince Harry et le poids de la couronne ? Un oxymore.
Quel est le lien entre ce qui s'est passé avec Nahel et les propos précédents ? On a conclu que ce malheureux jeune homme ne reconnaissait pas les fondements de la société occidentale et française, en particulier ceux liés à la loi, à l'ordre et à l'autorité. L'élite politique au pouvoir les respecte-t-elle ? La réponse ne peut être affirmative. Jean-Luc Mélenchon - dans un autre contexte, certes - a affirmé que la police est présente pour tuer. Qu'elle tue. Michel Onfray suggère que le chaos actuel lui convient, car il aspire à la présidence de la République. Un homme d'État à qui le chaos est favorable ? Un nouvel oxymore. Mais pas le seul. La majorité des politiciens, censés défendre la loi et l'autorité, a fait le contraire. Elle a résisté à ces principes en ne condamnant pas les émeutes qui ont transformé certaines régions de la France, y compris des bibliothèques (à Marseille) et des librairies (à Nantes), en champs de ruines. Une fraction de la classe politique, nationale et étrangère (comme le parti allemand Die Linke, par exemple), a même soutenu ces actes. Comment pourrait-il en être autrement, alors que beaucoup sont imprégnés par l'idéologie de la révolution de 68, fondée sur le rejet de l'autorité ?
Cela devient évident si l'on compare le plus grand Français de l'histoire moderne, Charles de Gaulle, au président actuel. Si le premier représentait la figure paternelle et était ainsi le père de toute la nation, le second est l'incarnation de son contraire. Il a épousé sa mère, ou plus précisément son enseignante. Il se comporte comme un éternel adolescent, un puer aeternus. Par définition, ces individus ne peuvent pas assumer la responsabilité d'un pays. Les événements récents ont démontré que Emmanuel Macron n'est pas à la hauteur de sa fonction et devrait, en conséquence, démissionner.
Mélenchon est un trotskiste, idéologiquement basé sur le marxisme. En mai 1968, il rejoint le Lycée Rouget-de-Lisle de Lons-le-Saunier. C'est là qu'il s'est affirmé comme l'un des leaders du mouvement étudiant, montrant une grande passion et un bon sens de l'organisation. Plus tard, il s'est engagé en tant que membre de l'Union des étudiants communistes. Lors des dernières élections, sa plateforme politique (NUPES) a rassemblé le Parti écologique, les Verts et les partis communiste et socialiste de France. Mélenchon est contre le substrat de la civilisation qui est la notion de l’autorité. Il est un soixante-huitard, par excellence. En cela, il s'identifie au président actuel. Les deux constituent le pouvoir en France. Avec lui, il forme le groupe le plus fort du Parlement. Les deux partis qui y sont majoritaires ont donc en commun le fait de s’opposer aux valeurs de l'Occident. Le troisième oxymore, le plus sidérant. Si Mélenchon y a été conduit par le marxisme dans ses dérivés post-modernes, Macron y est arrivé par une autre voie, bien différente. Il a été lancé en politique par le capital, ayant gagné son premier million grâce aux Rothschild. L'argent a fait de lui un mondialiste pour qui la France, entité fondamentale de la civilisation, ne représente pas grand-chose. Sa culture, par exemple, il la déclare inexistante. Inutile de dire que l'un et l'autre ont les médias français de leur côté, à un degré presque absolu.
Michel Onfray a souligné qu'il n'y a pratiquement aucune différence entre Mélenchon et le président français actuel : « Macron et Mélenchon défendent la même chose. L’internationalisme ; ils défendent la haine de la France ; ils défendent l'immigration massive. L'immigration, Mélenchon trouve cela très bien, le patronat et les socialistes de même. »
La conclusion s'impose d'elle-même. L'affaire Nahel est le reflet logique de la décadence que traverse la société occidentale, et en particulier la société française. Pouvez-vous imaginer Charles de Gaulle dire que la culture française n'existe pas ? Même François Mitterrand est représenté avec un livre sur son portrait officiel. Pouvez-vous imaginer Macron avec un livre ? Toutes ces questions cachent la réponse à la mort du jeune homme à Nanterre. Nous avons démonté les mécanismes sociaux fondamentaux et nous nous étonnons maintenant de l'anarchie qui en résulte. Quel aveuglement ! Il y en aura encore plus à l'avenir.