Alors que les Palestiniens de Jénine fêtent leur victoire contre la machine de guerre israélienne et la confirmation de leur ferme volonté face à l’armée régulière et les forces de sécurité, la majorité des politiciens , militaires et experts concordent pour arguer qu’Israël n’a remporté aucun bénéfice stratégique de son attaque contre Jénine, cette ville qui compte 50 milles résistants. Le premier ministre israélien a déclaré- alors que ses forces avaient reçu l’ordre de se retirer- que la guerre contre Jénine se poursuivrait en tout état de cause. Le ministre israélien de la défense Yoav Galant a déclaré que l’armée reprendrait son chemin vers Jénine au cas où elle viserait le déclenchement d’opérations d’évacuation des terroristes. Se qualifiant de « L’opposition responsable », « Benny » Gantz , Yaïr Lapid, Merav Michaeli ont déclaré leur soutien absolu à l’armée et aux forces de sécurité. L’ancien ministre de la défense Benny Gantz a annoncé que “ nous soutenons les forces de sécurité et l’armée et nous sommes confiants dans leur pouvoir à réaliser la mission. Nous prions pour eux pour qu’ils puissent rentrer en paix. Nous -en tant qu’ opposition responsable - soutenons l’ancien gouvernement dans sa guerre contre le terrorisme ». Yaïr Lapid le fondateur de Yesh Atid et premier ministre alternant dans l’ancien gouvernement a déclaré que « nos enfants sont égorgés ». Il n’a rien dit à propos des enfants palestiniens pour poursuivre en disant : « Israël a pleinement le droit de se défendre. » et d’ajouter : « Nous soutenons les forces armées et le gouvernement israélien à cet égard ». Enfin, la dirigeante du parti travailliste Merav Michaeli a annoncé calmement qu’elle soutenait pleinement les forces de sécurité. Il est logique que ces responsables annoncent leurs positions de soutien du gouvernement tant que la question porte sur une opération militaire contre les Palestiniens, la plus importante en Cisjordanie depuis plus de vingt ans.
La violence comble la lacune politique
Ce qui est vraiment surprenant, c’est que les commentaires israéliens- dans leur majeure partie- à propos de ce qui se passe à Jénine n’ont pas émis le jugement que la vraie solution du conflit israélo-palestinien ne serait jamais militaire et que la bonne solution de ce conflit- loin de tout entêtement et extrémisme- est la recherche d’une solution politique qui serait admise par les deux parties et garantie par les grandes puissances mondiales et la communauté internationale. Cette absence presque absolue de l’idée de recherche d’une solution politique laisse un vide largement béant pour verser l’huile sur le feu surtout lorsque les sentiments s’attisent à la faveur d’opérations militaires – connues par les deux parties- d’avoir un lourd bilan parmi les victimes innocentes surtout du côté palestinien à cause de la suprématie terrestre et aérienne de la machine de guerre israélienne. Il est illogique que ces deux parties optent pour la solution militaire qui a scellé son échec à plusieurs reprises.
Tout le monde est d’accord pour dire que l’opération militaire baptisée « La maison et le jardin » par Netanyahou n’a pas changé le moins du monde la situation stratégique à Jénine qui, aux dires de Meir Ben-Shabbat - qui a occupé les plus importants postes de sécurité en Israël, conseiller à la sécurité nationale d'Israël et le chef du service de sécurité intérieure « Shin Bet »- est sur le point de devenir une autre « Gaza » au nord de la Cisjordanie. Néanmoins, l’opinion publique israélienne est plus préoccupée par la réforme judiciaire adoptée actuellement par le gouvernement que par la recherche d’une solution politique à la cause palestinienne. Il s’avère pertinent que le plus court chemin pour obtenir un soutien immense, lors des sondages d’opinion, est de lancer une opération militaire contre les Palestiniens. Tel était le chemin pris par Netanyahou au mois de mai dernier par son agression contre Gaza et son massacre d’un certain nombre de dirigeants du « Mouvement du Jihad islamique en Palestine ».
Evaluation de « La maison et le jardin »
Des études multiples qui ont évalué l’attaque contre Jénine, celle de Meir Ben-Shabbat, publiée, le 5 juillet courant, par le quotidien « Israel Hayom » est placée au haut du pavé. Il aurait besoin d’une lecture approfondie afin d’en dégager les idées clés. Ben-Shabbat a passé près de trente ans de sa vie professionnelle à l’intérieur du service de sécurité intérieure d’Israël « Shin Bet » qui dépasse de loin les liens de tout autre service avec la sécurité intérieure du pays. Ce grand responsable a participé à la planification de nombre d’opérations de grande envergure contre les foyers de la résistance palestinienne avant celle commise contre Jénine. Bien que Ben-Shabbat ne fasse plus officiellement partie du gouvernement, il entretient toujours des liens étroits avec les questions de sécurité nationale; il est actuellement à la tête de l’un des plus importants centres d’études stratégiques en Israël « l'Institut Misgav pour les affaires de sécurité nationale et la stratégie sioniste » à Jérusalem. Les idées principales qui servent d’armature à l’article de Ben-Shabbat sont comme suivant :
Premièrement : selon l’ancien conseiller à la sécurité nationale d'Israël, l’opération militaire israélienne à Jénine était indispensable et incontournable. Pourtant, en contrepartie, elle est jugée insuffisante à changer la situation au nord de la Cisjordanie qui, selon lui, est devenue la reproduction de l’état des lieux à Gaza. Et il a confirmé qu’Israël ne doit jamais permettre que la situation à Jénine évolue d’une manière comparable à celle de Gaza.
Deuxièmement :Vingt ans après, l’opération militaire israélienne baptisée « Le bouclier défensif », Jénine est redevenue une des bases de la résistance, s’inspirant de l’esprit combatif historique symbolisé par Izz al-Din al-Qassam mort en martyr lors d'une bataille contre les Britanniques, à l’époque du mandat. L’une comme l’autre opération - comme cité dans le discours militaire et politique d’il y a vingt ans- ont eu un but unique celui de « détruire l’infrastructure » de la violence à Jénine.
Troisièmement :le principe de base de toutes les opérations militaires israéliennes contre les Palestiniens- comme signalé par Ben-Shabbat, est « qu’elles réalisent leurs objectifs avec le moins de pertes possibles. ». Parmi ces pertes à éviter ou limiter, il cite la diffusion de la violence sur d’autres fronts ainsi que les préjudices diplomatiques. Reste- comme Ben-Shabbat l’a bien indiqué- que le grand facteur à très bien prendre en considération est celui de la « sécurité des forces » et de les prémunir contre tous les actes de représailles entrepris dans d’autres régions ainsi que contre les opérations des « loups solitaires » qui ont eu lieu dernièrement à Tel-Aviv. Il a mis l’accent sur la nécessité d’entreprendre les préparatifs nécessaires pour assurer la sécurité des forces sans perturber la routine quotidienne de la vie surtout que des milliers de Palestiniens passent tous les jours en Israël pour y travailler. Il a appelé également à hausser le niveau d’alerte à l’agence israélienne de sécurité interne « Shen Bet » afin de surveiller le déplacement des Palestiniens au nord de la Cisjordanie ainsi que de leurs concitoyens qui sont partis vivre en Israël dans le cadre de la politique de « regroupement familial »
Quatrièmement : L’autorité nationale palestinienne ne pourra pas assumer le rôle qui lui incombe. La question principale que pose Ben Shabbat est : « Quelle situation régnerait-t-elle à Jénine après la fin de la dernière opération militaire ? » Et c’est lui-même qui en fournit la réponse en précisant que l’évaluation actuelle de l’opération ne laisse prévoir aucun changement stratégique par rapport à ce qui précède. L’administration de Jénine est, en fait, du ressort de l’autorité nationale palestinienne et on ne s’attend pas à ce qu’elle exerce un rôle différent de celui d’autrefois : les habitants de Jénine considèrent comme « trahison nationale » le simple fait de coopérer avec Israël sur le plan sécuritaire ou simplement autoriser les forces israéliennes à pénétrer dans le camp. Une état de choses qui ne pourrait qu’affaiblir la position de l’autorité palestinienne par rapport à des organisations comme « Hamas » ou le « Mouvement du Jihad islamique en Palestine ». Shabbat en a déduit qu’il est vraiment exclu que l’autorité palestinienne déploie le moindre effort pour évacuer les combattants ou mettre fin aux activités hostiles à Israël se déroulant à Jénine. Partant, il n’est guère étonnant de dire « qu’Israël poursuivra l’exécution de cette mission. » Et Shabbat d’ajouter : « Si l’on ajoutait à cet état des lieux, la faiblesse latente dans la structure même de l’autorité palestinienne, et la persistance des conflits internes au sujet de l’héritage politique de Mahmoud Abbas, il s’avérerait extrêmement difficile de garder l’optimisme au sujet du pouvoir des forces de sécurité palestiniennes de contribuer à « la lutte contre le terrorisme à Jénine » et de conserver les fruits remportés par l’opération militaire qui s’y déroule.
La guerre permanente
Shabbat infère - par là - qu’Israël vivra toujours dans un état de guerre permanente avec les Palestiniens et que toute opération future sera condamnée à un sort identique à celui de l’opération de Jénine; d’autant plus que l’autorité nationale palestinienne ne pourra jamais jouer le rôle de « policier » en faveur d’Israël dans les territoires palestiniens occupés à l’avenir, ce rôle débattu actuellement par le gouvernement israélien. A ce stade, il m’importe de signaler que les responsables israéliens tendent actuellement à largement utiliser- et depuis la constitution du gouvernement sioniste religieux extrémiste au lendemain de la victoire de la droite sioniste dans les élections de novembre dernier- l’expression « Judée-Samarie » : le discours politique des membres du gouvernement -dont Netanyahou- éclipse le terme de « Cisjordanie » rien que parce que l’actuelle administration israélienne a pour objectif la judaïsation de la Cisjordanie et la transmutation des Palestiniens en une minorité ou en un groupe de second degré dans une société purement juive qui jouirait de conditions de vie meilleures que celles qu’elle endure actuellement. Et Shabbat prévoit que l’opération de « la maison et le jardin » serait renouvelée en permanence et a proposé que l’armée israélienne la nomme « la tonte de la pelouse » partant du fait que le gazon du jardin a besoin- de temps à autre- d’être rasé et taillé pour se débarrasser des mauvais herbes qui y poussent. Ce nom suggéré par l’ancien responsable israélien de sécurité implique le fait de considérer « le jardin comme une partie de la maison » et ses propriétaires comme responsables du jardinage surtout que l’autorité nationale palestinienne, ce présumé policier se trouve inapte à assumer le rôle requis. Nous comprenons alors des propositions avancées dans l’article de Shabbat que les Israéliens conçoivent les Palestiniens comme des « ennemis » à moins de prouver le contraire. Ils pensent qu’ils sont un encombrement inadmissible et qu’ils ne sentiront jamais la paix en leur présence. Une telle vision des choses est le reflet d’une grave équation et que la présence de l’une de ses deux branches nie celle de l’autre. C’est pourquoi, elle aura besoin d’un changement de fond en comble afin d’ouvrir la voie à la coexistence pacifique. Il n’ y a nul doute que la guerre pérenne est susceptible d’engendrer toujours des sentiments individuels et des démarches négatives de la part des fondateurs qui œuvrent contre l’instauration de la paix.
La paix perdue
Si tout porte à croire à l’idée du retour- récurrent- de l’armée israélienne à Jénine même après être parvenue à liquider les trois cents personnes suspectes, la question se pose toujours au sujet du gouvernement israélien et pourquoi ne cherche-t-il pas la voie de réalisation de la paix au moment où tous les gouvernements arabes tendent la main en vue d’établir des relations gratuites avec Israël. Yaïr Lapid a déclaré dernièrement que les enfants israéliens font l’objet de massacres et de tirs de balles. Il n’ y a nul doute que le meurtre des enfants ne réjouit personne- qu’ils soient palestiniens ou israéliens. C’est un principe humanitaire à observer sans discrimination. Il est illogique qu’un pays fonde son avenir sur la durabilité de la guerre surtout que se présentent des chances de réalisation de la paix entre tous les peuples de la région sur la base du droit, de la justice, et du respect des libertés et des droits fondamentaux. Bref, l’épopée de Jénine met la cause palestinienne dans son ensemble à sa juste place en étant le cœur du conflit du Moyen-Orient et qu’elle doit jouir de la priorité suffisante pour être traitée de la sorte et selon le principe de « la terre contre la paix » et non celui de Netanyahou de « la paix contre la paix » qui tente d’arracher ou même de disloquer la cause palestinienne de sa structure organique dans la région pour la jeter aux requins qui la dévoreront.