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Émeutes en France

Émeutes en France : le grand entretien du Dialogue avec David Lisnard

Photo : JOEL SAGET
Photo : JOEL SAGET / AFP

Membre des Républicains, David Lisnard, 54 ans, est notamment maire de Cannes depuis 2014, vice-président du conseil départemental des Alpes-Maritimes depuis 2015 et président de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins depuis 2017. 

« Travailleur acharné », « très apprécié » par les habitants de Cannes où il a été réélu avec 88 % des voix en 2020, l’énergique élu de terrain, et président de son propre mouvement, « Nouvelle énergie », David Lisnard est à la tête, depuis 2021, de l’influente Association des maires de France (AMF). A droite et même ailleurs, il est l’homme qui monte et certains évoquent déjà son nom pour la présidentielle de 2027…

En attendant et face à la vague violente d’émeutes en France consécutives à la mort de Nahel, altoséquanais de 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier, David Lisnard a appelé à des rassemblements ce lundi 3 juillet, devant les mairies, qui ont été un succès. « Il faut un retour à l'ordre et que l'État assume sa mission d'ordre public » a-t-il déclaré face aux micros.

Il accorde au Dialogue un entretien exclusif sur cette semaine de violence.

 

Propos recueillis par Angélique Bouchard

 

Le Dialogue : David Lisnard, après l'attaque à la voiture bélier du domicile du maire de l’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), vous avez appelé à un "sursaut civique" en France. Aujourd’hui, les bandes de jeunes ont investi pendant 6 jours les villes, souvent les centres, pillant les commerces, attaquant les édiles locaux, les policiers et tous les symboles de la République et de la France. Quelle est votre analyse sur les origines de cette situation ?

David Lisnard : L’année dernière, nous écrivions dans une tribune, avec Naïma M’Faddel et Maurice Berger, que la multiplication des actes de violence des plus jeunes était « le reflet d'une décivilisation caractérisée par la loi du plus fort, le non-respect dû aux anciens et même de la vie humaine ».

L’élément déclencheur – la mort de ce jeune homme dont la Justice s’est saisie immédiatement et clairement, ce qui est à l’honneur de notre état de droit – n’est évidemment qu’un prétexte pour toute une frange de la population qui méprise la République et ses institutions, rejette notre démocratie et ses valeurs, déteste la France.

Il faut saluer le travail des forces de l’ordre qui sont intervenues chaque nuit, dans des conditions d’extrême violence, avec un sang-froid remarquable. Mais la lucidité doit nous amener à constater que comme prévu l’ordre est aussi revenu par les dealers.

Les racines du mal, nous les connaissons depuis des années et les vivons au quotidien en tant que maires, sur le terrain. Ces émeutes, d’une rare violence, sont le reflet d’une crise de l’autorité et d’un écroulement civique qui viennent de loin : effondrement de notre école publique, abandon de toute politique d’assimilation républicaine, immigration incontrôlée et beaucoup trop nombreuse, faiblesse judiciaire, défaillance de l’État régalien sous le poids de l’État technocratique.

 

Vous avez été reçu ce mardi à l’Élysée, avec les quelques 250 maires dont les villes ont été touchées par les violences, quel a été le message du président Emmanuel Macron et qu’elle a été selon vous sa stratégie devant cette crise ? Le président aurait voulu « prendre le temps de bien comprendre les raisons des violences » et « entame une réflexion en profondeur avant d’y apporter des solutions concrètes »… N’est-ce pas encore une fois la preuve d’une totale déconnection du réel d’une certaine élite ?  

Oui. Et l’expression aussi d’une politique qui est une succession de séquences de communication quand il faudrait une action constante, méthodique, évaluée, ajustée. Au lendemain des grands rassemblements organisés par les maires de centaines de communes en France à l’initiative de l’AMF pour appeler au retour à l’ordre et à la paix civile, le Président de la République a convié un ensemble de maires dont la commune a subi des dégâts en raison des émeutes. Il a annoncé une loi d’urgence de réparation, dont le contenu est encore à définir. A l’AMF, nous portons déjà un ensemble de solutions concrètes pour agir dans l’immédiat, afin de faciliter la mise en œuvre des mécanismes d’assurance, financer la reconstruction et revoir la politique de la ville. Mais il faut avant tout que ce soit les casseurs qui assument la réparation, pas les contribuables. Par ailleurs, la réponse à cette crise ne pourra se limiter pour les maires à des dispositifs conjoncturels d’urgence. Les maires sont toujours en première ligne, au quotidien comme dans les grandes crises sanitaires, sécuritaires ou sociales : il faut donc que les communes retrouvent leur pouvoir d’agir, c’est-à-dire des responsabilités et des moyens à la hauteur de leur mission. C’est tout le sens des multiples propositions en matière de libertés locales que nous portons à l’AMF. Maintenant, ce qu’il faut de la part de l’État, c’est des actes.

 

Selon vous, la réponse politique a-t-elle été adaptée et à la hauteur ? Les moyens ont-ils été tous mis en œuvre pour rétablir l’ordre républicain en France ?

Les maires ont pris localement toutes les mesures qu’ils pouvaient mais cela ne peut répondre au déchaînement de ces hordes de voyous. L’État, qui a le monopole de la mission de maintien de l’ordre, a engagé des moyens opérationnels mais les forces déployées ont été insuffisantes si l’on regarde le nombre d’équipements publics détruits (commissariats, écoles, mairies, médiathèques, prisons, etc.) et la multitude de magasins pillés. Outre la facture immédiate, lourde, l’image de notre pays est à nouveau abîmée sur le plan international, après les émeutes du Stade de France il y a quelques mois et le mensonge de l’État sur leur origine.

Il faut entendre le désarroi de ceux qui ne demandent rien à personne et qui se lèvent chaque matin pour aller travailler, tenir un commerce. Certains ont perdu leur voiture ou leur outil de travail. Les contribuables ne doivent pas subir la double peine. Et la réponse devra aussi être structurelle par une nouvelle politique de réarmement de l’État régalien, de redressement éducatif, de réduction forte de l’immigration, de lutte contre la bureaucratie, d’ambition culturelle.

 

Ces dernières heures ont a pu remarquer une certaine accalmie. Vous avez déclaré que ce sont « les dealers qui remettent de l'ordre », mais que « dans quelques mois, quelques années, il y aura encore des émeutes urbaines ». Le mal est donc beaucoup plus profond. C’est un problème dont les solutions devraient être trans-partisanes. Or il semble encore inextricable, sans fin et qui un jour pourrait pousser le pays vers l’abîme. N’est-ce pas déjà trop tard malheureusement ?

Oui, c’est une réalité, que confirment d’ailleurs bon nombre de policiers. La situation s’est apaisée bien-sûr grâce à l’excellent travail des forces de police et de gendarmerie mais aussi parce que les chefs de bandes et les dealers ont demandé aux émeutiers de cesser les violences pour reprendre leurs trafics. Des quartiers entiers sont sous l’autorité d’un ordre mafieux. 

Non, il n’est jamais trop tard. Il n’y a pas de fatalité. Et de leur côté, malgré leurs faibles moyens juridiques d’action, les maires ne baissent pas les bras.

L’État doit réinvestir durablement ces quartiers et ne plus se contenter de déverser des milliards sans contrôle. Il faut casser les ghettos qui se sont constitués et pratiquer de nouveau une vraie politique d’assimilation pour qu’un étranger, d’où qu’il vienne, quelles que soient sa religion, sa couleur de peau, ses origines, puisse être fier de devenir Français et aime la France.

 

Pour le criminologue Alain Bauer, la situation que vit le pays ne peut se terminer que de deux façons : « Il n’y aura a pas de déstructuration, il y aura un ordre autre qui va apparaître, soit un ordre purement criminel et la France ressemblera à Haïti, soit il y aura un ordre autoritaire, un puissant retour à l’ordre ». Êtes-vous d’accord avec cette analyse ? En tant que responsable politique de terrain et d’expérience, quelles sont vos propositions de fond pour une autre alternative ?

Un retour à l’ordre est en effet nécessaire. C’est un impératif immédiat. Cet ordre doit être celui de la république et pas des mafias. C’est en effet un des enjeux ! Et il va falloir s’attaquer structurellement aux causes profondes de ce chaos.

L’éducation doit être prioritaire avec d’une part le retour des fondamentaux le matin et d’autre part la pratique des « soft kills » l’après-midi, le respect des adultes, donc le retour bien sûr de l’autorité du professeur, de l’exigence et de la méritocratie.

La Justice doit sanctionner sans état d’âme quand cela est nécessaire, avec une réforme de la justice pénale des mineurs et l’activation systématique de la responsabilité pénale des parents comme je le propose depuis des mois avec Alexandra Martin, députée des Alpes-Maritimes. 

A-t-on d’ailleurs réfléchi au fait que si ce jeune Nahel avait été sanctionné comme cela aurait dû être le cas pour ses multiples infractions, il ne se serait peut-être jamais trouvé dans la situation tragique ayant conduit à sa mort ? Ce qui n’enlève rien au besoin que Justice soit rendue sur cette mort.

Le renvoi systématique des délinquants et criminels étrangers dans leurs pays d’origine est une nécessité et la maîtrise de notre politique migratoire une urgence absolue.

Et puis laissons aux maires, qui démontrent au quotidien un dévouement hors du commun, la liberté d’agir sur le plan local. Lorsque l’on ne sait plus vers qui se tourner, les maires sont bien souvent le dernier lien social, concret, universel.