Depuis la guerre de Jénine déclenchée par Netanyahou, Ben-Gvir et Smotrich, c’est la pensée biblique sanguinaire qui domine le paysage politique israélien même contre les juifs modérés. Et le conflit israélo-palestinien ne se réduit plus simplement à son issue et à la partie qui réussira à étendre son emprise sur la zone C définie sur la carte des accords d’Oslo ; il est devenu - du point de vue du gouvernement israélien- une équation produit nul : le territoire historique palestinien est indivisible ; partant, la solution des deux Etats est impossible. Les Palestiniens ne peuvent plus y vivre : ils doivent être éradiqués de leur territoire et exterminés. L’identité palestinienne doit faire l’objet d’une épuration complète, car, en fait, son existence rappelle le criminel courroucé, son crime, les victimes qu’ils ont des droits à récupérer, et présente au monde entier le témoignage que jamais la paix ne verra le jour sans le droit et la justice.
Des répercussions sur le conflit israélo-palestinien
La dernière version de la guerre de Jénine déclenchée avec le début de l’année en cours a engendré de graves répercussions qui se feront sentir - sur une grande envergure- sur le conflit israélo-arabe. A savoir, parmi les plus importantes, la forte chute de l’autorité nationale palestinienne, déclenchée avec la guerre de Gaza en 2014, au fond de l’abîme de la scène politique palestinienne ainsi que la suspension des négociations avec les Israéliens. Cette chute a été contrebalancée par la fortification d’autres organisations palestiniennes telles « Hamas » et Le « Jihad musulman ». Cette chute a impliqué également le recours à l’utilisation des balles et non des pierres. Et, selon les rapports du Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien, 147 actes terroristes ont été exécutés en Israël et en Cisjordanie, depuis le début de cette année dont 120 fusillades signalant une augmentation de 80% . A quelques jours du grand Baïram, il est prévu que les troubles en cours à Jénine et en Cisjordanie se poursuivent jusqu’à la fin de la fête.
Il est prévu que cette confrontation dure rien que parce que cette nouvelle guerre va de pair avec un plan israélien féroce d’expansion coloniale en Cisjordanie déclaré le 18 juin qui implique la construction de 4500 nouvelles habitations dans les colonies israéliennes et la régularisation d’environ 70 avant-postes coloniaux que l’ancien gouvernement israélien avait considérés comme illégaux et auxquelles le premier ministre israélien Netanyahou a ajouté mille autres habitations à bâtir dans les plus brefs délais dans la colonie de « Eli » près de laquelle quatre israéliens ont trouvé la mort le lendemain de la pénétration par effraction dans le camp de Jénine. Cette expansion coloniale se produit parallèlement à une vague féroce d’attentats perpétrés par les colonisateurs armés contre les villes et les villages palestiniens, au vu et au su des forces de l’ordre et de l’armée à l’exemple de ce qui s’est produit dans la ville de « Turmus Ayya », le village de Al-Lubban ash-Sharqiya près de Ramallah et dans la ville de Huwara qui a connu des attentats semblables au début de cette année. Les colonisateurs armés ont mis le feu dans des dizaines de maisons, de voitures et de vergers. Ils ont également attaqué des installations économiques dont des usines et des ateliers et des commerces palestiniens. On a même tiré contre ceux qui fuyaient les incendies reproduisant ainsi les scènes de massacres exécutés par des gangs armés tels « Haganah », « le groupe Stern, Lehi » et L’ « Irgoun ». Galvanisant davantage la cruauté et la barbarie des colonisateurs, le ministre de la sécurité nationale israélienne, Itamar Ben-Gvir a déclaré, mercredi dernier, devant la Knesset que « nous avons besoin d’une opération militaire qui raserait les bâtiments et massacrerait les populations. Telle sera notre réponse au terrorisme ».
Des répercussions sur la scène régionale et internationale
La guerre de Jénine a provoqué jusqu’à nos jours, la colère ardente du monde arabe comme en Turquie et en Iran et dans les Etats entretenant des relations diplomatiques avec Israël à l’instar de l’Egypte, de la Jordanie, des Emirats Arabes Unis, du Maroc et d’autres telle l’Arabie Saoudite. Dans un communiqué aux termes virulents, le ministère égyptien des affaires étrangères a condamné l’attentat barbare contre Jénine et son bombardement par les drones et a accusé l’Etat hébreu de violer le droit international humanitaire. La Jordanie a manifesté sa colère bleue à travers des communiqués qui agitaient le spectre de la vengeance. Les Emirats Arabes Unis ont appelé Israël à baisser le niveau de la tension, la Turquie a condamné le fait de cibler les civils, l’Iran a indiqué que la résistance palestinienne mettra fin à l’agressivité d’Israël et le Qatar a condamné le nouveau chapitre de l’escalade contre les Palestiniens. Sur le plan international, Bruxelles et Paris ont publié des communiqués condamnant Israël et prônant l’accalmie. L’Union européenne a confirmé la nécessité de stopper l’expansion coloniale en Cisjordanie. La réaction la plus pratique a été émise par le gouvernement marocain qui a décidé d’annuler la prochaine réunion ministérielle du forum de Néguev qu’il devait accueillir le mois prochain.
La colonisation contre le nucléaire iranien
Les Etats Unis ont pris l’initiative de condamner l’attaque terroriste qui a ciblé les Israéliens à proximité de « Eli » en Cisjordanie. Selon le département d’Etat américain, Washington éprouve une terrible inquiétude vis à vis de la poursuite des actes de violence en Israël et en Cisjordanie tout le long des dernières semaines qui ont provoqué des victimes et des blessés parmi les Palestiniens et les Israéliens. Il s’est engagé à coopérer avec Israël et l’autorité palestinienne en vue de renforcer les démarches visant à apaiser l’escalade. Néanmoins, la position de l’administration américaine actuelle est défaillante vis à vis d’Israël en raison du lancement imminent de la campagne présidentielle américaine. Bien plus, l’histoire des conflits politiques entre Israël et les Etats Unis se soldaient toujours par un troc rentable pour Israël sur trois aspects: premièrement, renforcer la colonisation, deuxièmement recevoir des aides militaires et des garanties sécuritaires, troisièmement, renforcer sa position politique en guise de préparation à un nouveau round de différends entre les deux parties.
Le différend actuel portant sur l’expansion coloniale en est lié à un autre plus sévère qui porte sur la position adoptée vis à vis du programme nucléaire iranien. Avec l’escalade de la tension à cause du litige portant sur les efforts déployés par Washington en vue de signer un accord avec l’Iran sur la non possession de l’arme nucléaire, Israël a repris l’adoption de sa tactique préférée de perpétrer plus d’attentats contre les Palestiniens, de piller leurs territoires et de détruire leurs propriétés. Pour qu’Israël accepte de passer sous silence l’accord américano-iranien, il veut que Washington n’accorde nulle importance à son expansion coloniale en Cisjordanie et à Jérusalem-est ainsi qu’aux attentats barbares contre les Palestiniens qui ont pris la forme d’homicides intentionnels extrajudiciaires et d’une violation cruelle des règles du droit international humanitaire.
C’est l’essence même de la transaction recherché par le premier ministre israélien Netanyahou auprès du président américain Biden. Elle émerge actuellement à la surface du litige israélo-américain et à quelques semaines du déclenchement de la campagne des élections présidentielles américaines à travers laquelle le lobby sioniste pratique une politique qui devancerait l’intérêt israélien sur celui des Etats Unis. Bien que le camp républicain aux élections soit gravement fissuré à cause de la mise en examen de Trump, les chances de réussite des démocrates pourraient connaître un chamboulement sans pareil. L’administration Biden est tout à fait consciente que tout accord avec l’Iran au sujet de son programme nucléaire générera une forte opposition au sein du Conseil des députés dominé par les Républicains.
Il faut toujours garder présent à l’esprit qu’Israël s’opposait à l’accord initial de 2015 : c’est la raison pour laquelle une crise s’est déclenchée avec l’administration du président Obama au cours de laquelle Netanyahou a usé de l’accentuation de l’activité colonialiste en Cisjordanie comme arme pour monter un chantage contre l’administration américaine qui a réagi en s’abstenant d’user du droit de veto, dans le Conseil de Sécurité, contre une résolution qui considère « les colonies comme une entrave sur la voie de la paix ». Et, malgré les tentatives d’Obama de satisfaire Netanyahou par une affaire d’aides militaires d’une valeur de 38 milliards de dollars pour garantir « la suprématie qualitative d’Israël sur ses voisins », les groupes de pression israéliens ont sanctionné le parti démocrate en battant aux élections son candidat aux élections présidentielles dans la même année 2016. Alors que Netanyahou avait déclaré, au cours de la réunion du gouvernement israélien, dimanche 18 juin courant, qu’il pouvait cohabiter avec l’accord américano- iranien prévu, il n’a pas tardé à adresser une critique acerbe à l’administration américaine à cause de sa position négative à l’égard du nouveau plan de colonisation approuvé par le gouvernement. Et, le lendemain lundi, il a adressé un message précisant implicitement que l’expansion coloniale n’est que la contrepartie du mutisme israélien via à vis de l’accord américano-iranien.
Placer le sujet de la colonisation au point de mire des relations israélo-américaines dans le but d’escalader la tension et le chantage et d’obtenir des bénéfices supplémentaires est une tactique traditionnelle adoptée par Tel-Aviv dans ses relations avec Washington depuis l’éclatement des premières tensions entre eux en 1956 lorsque David Ben Gourion a refusé de se retirer du Sinaï et qui ont duré jusqu’à l’approbation accordée, en 1957, par le président américain Dwight David Eisenhower, à Israël de conserver le village égyptien « Um 'al-Rashrash » qui surplombe le golfe d'Aqaba et d’y construite une grande colonie qui constituera plus tard la ville israélienne de Eilat en contrepartie du retrait d’Israël du Sinaï. Depuis, il a eu, plus d’une fois, recours à cette tactique : lors de la crise Reagan- Begin au sujet de l’achat des avions Awacs pour l’Arabie Saoudite en 1981 qui fut désamorcée par la signature d’in accord de coopération stratégique par Caspar Weinberger et Ariel Sharon ; De plus, Israël a poursuivi sa politique d’expansion coloniale en vue de consolider la thèse de la « terre d’Israël » qui considère les Palestiniens de Cisjordanie comme des étrangers vivant sur un territoire israélien. La tension a repris dix ans plus tard à travers les différends entre Shamir et Georges Bush senior en 1991 qui s’est soldée par la défaite de Bush dans les suivantes élections présidentielles pour rejoindre ainsi la courte liste des présidents qui ont assuré un seul mandat présidentiel et Israël a obtenu des aides militaires d’une valeur de 10 milliards de dollars tout en poursuivant sa politique expansionniste de colonisation en vertu d’une transaction politique conclue avec le nouveau président américain Bill Clinton.
En usant cette fois-ci de la carte de la colonisation, Israël poursuit la même tactique mais d’une manière barbare conjuguée à l’usage de la force et non de la loi. Et, comme l’administration Biden cherche à faire passer l’accord nucléaire avec l’Iran, en cours de négociations, par un décret exécutif présidentiel pour éviter de déclarer ses détails ou de le discuter au Congrès, elle aurait besoin de s’entendre avec l’administration Netanyahou pour éviter une confrontation au Congrès qui pourrait coûter à l’administration la perte des élections présidentielles l’année prochaine.
Vu que l’administration américaine est d’une faiblesse immense, il n’est nullement prévisible que les Etats Unis exercent une pression réelle contre Israël pour qu’il stoppe la colonisation ou freine les attentats contre les Palestiniens ; c’est ce qui fait de la guerre de Jénine l’un des points charnières de l’histoire du conflit palestino- israélien. La raison en est que cette guerre, caractérisée par une agressivité barbare et placée sous la houlette d’un gouvernement sioniste religieux extrémiste, pourrait mettre un terme à toute discussion réaliste au sujet de la solution des deux Etats ; Et c’est quand la solution des deux Etats sera dépourvu de son fondement pratique qu’Israël poursuivra sa politique de liquidation et d’évacuation des villages palestiniens en Cisjordanie afin de réaliser la théorie de la « terre d’Israël » et d’ancrer le principe de la suprématie de l’Etat hébreu sur le territoire palestinien.