Une photo prise le 10 octobre 2008 à l'Institut du monde arabe à Paris, montre un bronze de Napoléon Bonaparte dans le cadre de l'exposition "Bonaparte et l'Egypte, feu et lumières" . L'exposition retrace un siècle de relations entre la France et l'Égypte depuis la naissance de Napoléon en 1769, et l'inauguration du canal de Suez en 1869. Photo: Boris Horvat / AFP.
La campagne française d’Egypte menée par le général Napoléon Bonaparte est considérée comme un éveil non seulement de l’Egypte mais plus de l’Orient dans sa totalité. Avec elle, le monde entier s’est rendu compte de l’existence d’autres nations et de civilisations parallèles. En fait, elle est largement contestée : certains y voient le type même de l’expédition militaire qui cache les convoitises du colonisateur européen et qui reflète la concurrence franco-britannique pour l’Egypte et d’autres royaumes de l’Orient; alors que d’autres la conçoivent comme une campagne de civilisation qui a abouti à un saut spécifique dans l’histoire de l’Egypte moderne. Il suffit ici de rappeler que « la description de l’Egypte » est l’ouvrage légendaire rédigé par les scientifiques de cette campagne qui ont accompagné Napoléon et ont tout enregistré de l’Egypte : son agriculture, son industrie, ses animaux, ses oiseaux et ses antiquités comme si les canons de cette campagne n’étaient que les trompettes qui ont éveillé la nation égyptienne de son long assoupissement. Le grand philosophe égyptien, Fouad Zakaria, a critiqué ceux qui ont dénigré la campagne en disant que la perspicacité de l’histoire ne rend justice qu’à ceux qui le méritent. Comment se fait –il que nous qualifions la campagne égyptienne au Yémen d’être libérationniste et nationaliste alors qu’on s’abstient d’attribuer la même qualification à la campagne française qui était - au plein sens du terme- de culture et de lumières ?!! L’Egypte a connu une vraie transmutation grâce aux quelques années de coexistence avec la France pour devenir un Etat français de par sa pensée et sa culture. Elle est actuellement membre de l’ Organisation Française de la Francophonie (OIF) dont l’Egyptien et l’ancien secrétaire général des Nations Unis, Boutros Ghali fut l’un de ses plus grands pionniers. De plus, les effets de cette présence culturelle française héritée de ces trois ans de campagne dépassent de loin ceux éducatifs et culturels découlant de la présence britannique qui a duré plus de soixante-dix ans. Les universités égyptiennes, les centres de recherche, les maisons de la culture ont porté le cachet de la France à partir même du droit au point que le code civil égyptien n’est qu’une inspiration directe du « Code Napoléon » et « la description de l’Egypte » demeure le plus important ouvrage qu’a connu l’Egypte au cours de ces deux derniers siècles. En outre, les écoles françaises en Egypte sont meilleures -dans leur ensemble- que les autres écoles étrangères : les Français sont réputés par leur extrême loyauté vis à vis de leur culture qu’ils considèrent comme le lien étroit qui lie entre les peuples et les nations. C’est la raison pour laquelle, à l’issue de la guerre entre l’armée américaine et les rebelles de Taliban, les grandes puissances se sont empressées d’ouvrir leurs ambassades à Kaboul alors que les Français, partant de leur credo que la culture est le ciment de base des relations internationales contemporaines, se sont hâtés d’ouvrir leurs lycées. Ils partaient de la conscience que la diffusion de la culture française était le flambeau des nations, la source d’inspiration des peuples et un exemple de civilisation pour les défenseurs de la liberté instaurée par la révolution française qui a changé la situation non seulement en Europe mais est demeurée le réservoir culturel et intellectuel des régimes politiques et des systèmes juridiques contemporains. Il est vraiment surprenant de relever que les Egyptiens considèrent les francophones comme étant plus civilisés et ayant des manières plus raffinées que les autres: le français est la langue de la philosophie, des lettres et des arts et, par là, est objet de tout respect et de toute appréciation. Récemment, la fille égyptienne candidate à un mariage de classe devait parler le français et jouer au piano, deux qualités qui étaient signes qu’elle observait les convenances et était doté d’un certain prestige. Pour nous, la culture française est le symbole de tout respect. La compétition entre les deux cultures anglo-saxonnes et latines pourrait laisser prévaloir la première en raison du prestige des Etats - Unis considérés comme le prolongement culturel du Royaume Uni alors que la France affronte seule cette compétition acharnée et présente à l’humanité toute entière des figures de proue sur les plans artistique et scientifique. En Egypte nous trouvons l’Institut Français qui exerce une activité intense, l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO), une université privée ainsi que des dizaines d’écoles pour garçons et filles dont en premier lieu le Collège de la Sainte Famille dirigé par les pères Jésuites, le Collège Des Frères, Collège de la Mère de Dieu et le Collège du Sacré-Cœur. En outre, les relations égypto-françaises sont très étroites: sur le plan politique, le nom du général Charles De Gaulle demeurera pour toujours le symbole de la droiture politique et de la libération nationale. Nous gardons présent à l’esprit le télégramme envoyé par l’ancien président français à l’occasion du décès du président Gamal Abdel Nasser, en 1970, et à travers ses mots il vouait tout respect et estime au défunt président. C’est lui qui, en 1967, a déclaré l’embargo total sur les exportations d’armes à la partie qui serait la première à lever les armes ou à exécuter des opérations militaires. Et le Grand leader a tenu - sur le fond et la forme- à sa parole et est resté l’un des symboles phares de l’histoire moderne de l’Europe. Nous n’oublions pas qu’il était le président sauveteur qui a libéré la France à deux reprises: la première lors de la seconde guerre mondiale face à l’agression nazie et la deuxième grâce à sa conception logique à l’indépendance de l’Algérie.
Les relations égypto-françaises remontent loin dans l’histoire: elles ne prennent pas leur élan avec Napoléon ou Champollion pour prendre fin avec Dalida ou Youssef Chahine; elles sont ancrées au fond même des deux peuples que la France prend la stature de l’Etat qui adopte des positions autonomes et une vision particulière qui créent sa singularité. C’est l’Etat de la liberté et de la pensée libératrice qui font prévaloir la volonté du peuple sous un partage judicieux et pérenne des pouvoirs dans la République Française.