Création du poste d’envoyé spécial américain pour la normalisation et l’insertion régionale d’Israël
Les Etats Unis se sont rendus compte que leur perte du Moyen –Orient est celle du monde entier et qu’ils ne peuvent nullement remporter de victoire sur l’un des deux champs de bataille avec la Russie ou la Chine dans la guerre- importante et primordiale- qui les y oppose s’ils perdent le marché du Moyen-Orient considéré comme le centre géostratégique du transport, des communications et de l’énergie dans le monde, le véritable pont, le théâtre du conflit au pouvoir entre les forces terrestres et maritimes, le cœur de la civilisation et de la communication religieuse, intellectuelle et culturelle à travers le monde. L’importance du Moyen-Orient dans ce contexte est liée à la réflexion de Nicholas J. Spykman qu’il cite dans son ouvrage « The Geography of the Peace » (1944) : « Qui contrôle la frange maritime de l’Eurasie, gouverne l’Eurasie ( La théorie de Halford J. Mackinder) ; qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde ».
Il n’ y a nul doute que le Moyen-Orient est une région clé pour l’Eurasie tant qu’elle sert de barrière pour stopper l’extension de la Chine vers l’ouest du côté de l’Asie de l’Ouest et de l’Europe comme celle du prestige de la Russie vers les zones des mers chaudes dans la Méditerrané, la mer rouge et l’océan indien. Ceci nous explique la grande importance que représente la Syrie du point de vue de la stratégie Russe comme celle capitale de l’Iran et de l’Arabie Saoudite pour la Chine, car ils représentent la voie vers l’Europe. Partant, c’est, d’après nous la raison pour laquelle les Etats Unis rejettent l’hégémonie de forces qui leur sont hostiles au Moyen-Orient du nord de l’Océan indien à la Mer rouge et à l’est de la Méditerranée. Peut-être les Etats Unis ne s’étaient-ils rendus compte de cette vérité que trop tard. Nous ne pouvons comprendre la nouvelle stratégie américaine au Moyen-Orient que si nous nous rendons compte de la réalité que les Etats Unis n’ont plus seuls la force suffisante pour étendre leur hégémonie sur le monde ou sur cette zone comme c’était le cas avec la fin de la guerre froide et leur monopolisation de la prise des décisions stratégiques sur le plan régional. C’est pourquoi, les Etats Unis pensent que leur responsabilité majeure réside dans le fait de jeter les bases de l’intégration d’Israël dans la région sous leur propre emprise. Une politique qui justifie les dires d’Antony Blinken devant la conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) qui confirment que cultiver la normalisation entre Israël et les pays arabes surtout l’Arabie Saoudite et ancrer davantage son intégration dans la région est une question de sécurité nationale pour les Etats Unis.
Selon les commentaires américains au sujet des entretiens qui ont eu lieu entre les deux parties, la question de la normalisation des relations entre l’Arabie Saoudite et Israël a bénéficié de la part de Lion dans l’ordre du jour de la conférence. Néanmoins, les responsables américains conçoivent réduites les chances de réaliser cet objectif à court terme; pourtant, ils sont convenus de la poursuite entre les deux parties de leurs discussions à ce propos.
La veille de sa visite en Arabie Saoudite, Blinken a eu des entrevues avec le lobby sioniste-américain à Washington à travers la conférence de l’AIPAC au cours desquelles, il a envoyé des billets doux à l’Arabie Saoudite et des messages rassurants pour Israël comme il a reconfirmé l’engagement des Etats Unis à sauvegarder la sécurité d’Israël. De plus, il a mis en garde contre l’expansion des colonies israéliennes et la poursuite de la destruction des maisons des Palestiniens en Cisjordanie : pour lui, ceci ne va faire qu’écarter Israël loin de la voie de la paix avec les Palestiniens. Plus tard, il a reconfirmé que les relations entre Israël et les Etats Unis sont « blindées » et garantissent la sécurité de l’Etat hébreu. Il a également confirmé aux représentants des organisations sionistes que l’administration américaine plaide toujours pour une normalisation des relations entre Israël et ses voisins notamment l’Arabie Saoudite tout en signalant que l’amélioration des relations arabo-israéliennes ne doit pas se substituer à des progrès entre Israéliens et Palestiniens et ne doit pas se faire à leurs dépens. Il a également signalé que l’approfondissement des relations entre Israël et ses partenaires doit avoir des répercussions positives sur l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens et les perspectives de la solution des deux Etats.
Un envoyé spécial américain pour la normalisation
Blinken a déclaré devant AIPAC que l’administration américaine a décidé de créer prochainement le poste d’un responsable qui aurait pour mission de « plaider » pour la normalisation et l’intégration d’Israël dans la région sur la base des « accords d’Abraham ». Cette idée soulevée ces derniers mois a fait l’objet de longues discussions dans le cadre des efforts déployés dans le sens de l’insertion d’Israël dans la région et l’accélération de la normalisation des relations avec l’Arabie Saoudite. C’est la première fois que l’administration américaine dévoile officiellement ses vraies intentions à travers les déclarations de Blinken. Il avait ajouté que le président Biden est animé par la foi que l’intégration d’Israël dans la région est « la voie vers la réalisation de plus de sécurité, de stabilité et de prospérité dans la région. » Partant, atteindre cet objectif est la pierre angulaire de la politique américaine au Moyen-Orient. De plus, le rôle de l’envoyé spécial américain à la normalisation et à l’intégration d’Israël dans la région ne se limitera pas à uniquement plaider en faveur de cette mission parmi les gouvernements mais également à travailler dans le secteur privé et dans les ONG se trouvant dans les pays arabes et Israël. Bien que Blinken n’ait fourni aucune information supplémentaire au sujet de ce nouveau poste crée par l’administration américaine, des sources israéliennes ont indiqué que l’un de ses candidats est l’ancien ambassadeur des Etats Unis en Israël Dan" Shapiro. Parmi les figures de Proue qui exercent des rôles clés dans le soutien de la stratégie américaine au Moyen-Orient: l’envoyé spécial américain au Moyen-Orient Brett McGurk et l’envoyé spécial de Biden pour les affaires énergétiques internationales et la première candidate au poste du nouvel ambassadeur des Etats Unis en Jordanie Yael Lambert. Nul n’ignore que des relations organiques lient ces personnes à Israël et qu’elles œuvrent toutes à promouvoir les intérêts israéliens au Moyen-Orient; d’autant plus, que la décision de créer un poste américain de haut niveau d’un envoyé spécial qui se chargera de la mission de normalisation et d’intégration d’Israël au niveau régional navigue de conserve avec le refus du président américain Biden de nommer un envoyé spécial pour les affaires de paix entre les Israëliens et les Palestiniens, à l’instar de ses prédécesseurs.
Selon l’administration américaine, le moment n’est pas propice pour annoncer des initiatives de paix entre Israël et les Palestiniens; par contre, l’administration reprend actuellement le mode de gouvernement de Trump qui plaçait la promotion des accords d’Abraham en tête des priorités de la politique américaine au Moyen-Orient. Et, bien qu’il ait confirmé que la normalisation n’est pas une solution substitutive du processus de paix, Biden a relégué la paix au second plan de priorité et l’a considérée de moindre importance par rapport aux intérêts de la sécurité nationale américaine au Moyen-Orient. En outre, ses confirmations au sujet des relations entre Israël et les Palestiniens laissent la forte impression que l’administration américaine actuelle, telle la précédente, considère que l’amélioration des relations entre les deux parties et des conditions de vie des Palestiniens par des mesures partielles tout en conservant l’état des lieux de nos jours seraient suffisants pour que la normalisation fasse un bond et qu’Israël soit intégré- sans entraves- dans la région.
La fin du principe de « pétrole contre défense »
L’attitude saoudienne déterminant la politique américaine à son égard et vis à vis du Moyen-Orient en général a connu un net virement de la politique étrangère saoudienne adoptée par le prince Mohammed ben Salmane qui consiste à renverser le principe du « pétrole contre défense » qui régissait les relations entre les deux parties depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Dernièrement, l’Arabie Saoudite a décidé que sa politique pétrolière doit refléter ses intérêts nationaux et que la défense doit être une responsabilité nationale de premier lieu sans jamais dépendre des intérêts américains de la sécurité nationale. Néanmoins, les Etats Unis n’ont pas saisi jusqu’à nos jours les catalyseurs de la politique étrangère saoudienne au point que certains experts des relations internationales américaines tel Jonathan Fulton, notre confrère non résident au « Conseil Atlantique » qui qualifie les relations saoudiennes avec les Etats Unis de « stratégiques » alors que celles avec la Chine de « passagères» : une vision qui ignore ou passe sous silence les catalyseurs de force et de développement à travers les canaux avec la Chine et les provocateurs de faiblesse et de stagnation dans les relations avec les Etats Unis. Les évolutions survenues depuis le mois de juillet de l’année dernière montrent que l’Arabie Saoudite refuse toutes les pressions exercées contre elle pour s’adapter aux intérêts occidentaux au dépens de ses intérêts et ceux des autres pays exportateurs de pétrole.
Selon le dernier rapport publié par l’agence de presse américaine « Bloomberg news », l’Arabie Saoudite exerce actuellement au niveau de la livraison de pétrole à un échelon mondial le rôle joué par la Banque Centrale dans l’émission du dollar. Autrefois, l’OPEP jouait le rôle de producteur pondérant pour sauvegarder des prix stables sur le marché mondial du pétrole. Maintenant, L’Arabie Saoudite assume, seule, ce rôle, le cas échéant. A citer à ce stade, sa décision, prise récemment, de réduire sa production de pétrole à compter du mois prochain. Il est à signaler que l’Organisation OPEP+ regroupe d’autres pays en dehors des anciens membres à l’exemple de la Russie. Il est à noter que les Etats Unis avaient exercé, plus d’une fois, des pressions sur l’Arabie Saoudite en vue qu’elle obtempère aux revendications d’augmenter et non de réduire la production afin d’offrir du pétrole bon marché aux pays industrialisés occidentaux aux dépens des pays de l’OPEP et de la Russie. C’est ce qu’a refusé l’Arabie Saoudite. Par contre , elle occupe la place de leader de la réduction sur le marché lorsque le prix du baril de pétrole tombe en dessous de 80 dollars. Les Etats Unis y voient un soutien de la Russie dont les exportations pétrolières lui font gagner des ressources importantes.
La fin du principe du « pétrole contre la défense » a ouvert la voie devant l’Arabie Saoudite afin qu’elle diversifie ses sources d’armement et libère sa politique étrangère du joug des intérêts américains. Dans ce contexte, un terrible séisme a secoué le monde lorsque l’Arabie Saoudite a repris ses relations diplomatiques avec l’Iran et qu’une nouvelle page d’extension des relations avec la Chine a été ouverte sur les plans militaire, économique et diplomatique. Alors qu’’il s’avère difficile d’obtenir des informations détaillées au sujet de la présence du dossier des relations entre l’Arabie Saoudite et la Chine à l’ordre du jour des discussions entre le prince Salman et Blinkin, les évolutions récentes de ces relations ne laissent surgir aucun doute au sujet du succès remporté par la Chine dans le renforcement de ses relations avec l’Arabie Saoudite surtout au niveau de l’exportation des armes en réponse à l’étau imposé par les Etats Unis et dans les domaines de la technologie de pointe, du commerce du pétrole et de l’investissement dans les industries des énergies renouvelables. Il est à noter que seulement deux jours après le départ de Blinken, l’Arabie Saoudite a été l’hôte d’une grande conférence du Forum économique arabo-chinois alors qu’une tendance s’ancre davantage dans le sens de la création d’une zone franche commune entre les pays du Golfe et la Chine. En outre les relations entre l’Arabie Saoudite et la Chine avancent à des pas de géant surtout avec les efforts- soutenus par la Chine- déployés par l’Arabie Saoudite en vue de rejoindre le groupe du «BRICS»; à cela s’ajoute la décision prise en mars dernier par le gouvernement saoudien en vue de devenir membre de l’organisation de coopération de Shanghaï (OCS).
La localisation de la technologie nucléaire
En réponse à la demande de Washington d’établir des relations normales avec Israël, Riad a accepté à deux conditions: premièrement que les Etats Unis ne s’opposent nullement à la localisation de la technologie nucléaire pacifique dont la capacité à produire dans son ensemble le cycle du combustible nucléaire ainsi que l’Arabie Saoudite n’objecte pas qu’un tel processus se produise sous la supervision de l’Agence de l’Energie Atomique; deuxièmement, que la normalisation aille de pair avec l’accord d’établir un Etat palestinien indépendant et viable sur les territoires occupés par Israël le 4 juin 1967 avec pour capitale Jérusalem-Est. N’ayant rien réalisé de palpable à célébrer au sujet des deux dossiers: la localisation de la technologie nucléaire et l’établissement de l’Etat palestinien, les entretiens entre l’Arabie Saoudite et les Etats Unis ont inscrit les relations entre les deux pays sur un nouveau parcours correcte du point de vue de l’approfondissement de la coopération économique entre les deux pays notamment aux niveaux de l’énergie propre, de la technologie et de la coopération pour résoudre les problèmes politiques en suspens dans la région dont les situations au Yémen et au Soudan. Blinken a également soulevé- d’un point de vue général- le dossier des droits de l’homme dont des questions bien précises telles les appréhensions de certains activistes des droits de l’homme parmi lesquels Abdullah Al-Qahtani, ce citoyen américain dont le père Mohammed Abdullah Al-Qahtani a été écroué pour dix ans après avoir fondé un groupement des droits civiques en Arabie Saoudite et dont on ignore le destin. Sur la liste des détenus, citée par Blinken, figure les noms du théologien Salman al-Ouda, les enfants de l’ancien chef des services de renseignements Saad bin Khalid Al Jabri, le défenseur des droits de l’homme Mohammed Al-Qahtani et l’agent de secours Abdulrahman Alsadhan.