La gigantesque baleine saoudienne s’est lancée en direction de la haute mer se libérant ainsi de l’emprise américaine traditionnelle imposée à la politique étrangère saoudienne; néanmoins les Etats Unis cherchent à l’attirer dans les eaux peu profondes : réussiront –ils ou bien ce mammifère marin continuera-t-il sa navigation vers sa destination ?
En fait, en réalisant ainsi son énorme saut économique, financier et diplomatique, l’imposante baleine saoudienne engendre une formidable force de nature à contribuer à une consécration d’un nouveau rapport de force au Moyen-Orient érigé sur les principes de bon voisinage, de non-agression, de dialogue et de coopération en vue de réaliser la prospérité et la paix juste pour les peuples de la région. Cet équilibre brigué restera toujours inassouvi tant que la force nucléaire pacifique arabe lui fera défaut, surtout avec le monopole israélien de l’arme nucléaire, le progrès enregistré par le programme nucléaire iranien et la protection recherchée par la Turquie sous l’ombrelle nucléaire de l’OTAN auquel elle adhère. En outre, la relation du monde arabe avec les pays voisins non-arabes manifestera un déséquilibre structurel tant qu’il n’ y aura pas de localisation de la technologie nucléaire et à travers laquelle une appropriation d’une force nucléaire pacifique indépendante. Et. Si la politique étrangère saoudienne épouse de nos jours une voie courageuse dans son dialogue avec l’Iran et Israël, il faut dire que le dialogue d’une position de force est l’unique garant de sa réussite: vu que le dialogue est la voie judicieuse du règlement des conflits et de conciliation des intérêts sans qu’il ne constitue la meilleure garantie de leur règlement juste. La garantie d’aboutir, à travers le dialogue, à des résultats positifs justes et non hostiles, c’est d’y être engagé par une position de force et non de faiblesse, étant donné que ce deuxième type de dialogue tente les autres parties au dialogue de réaliser des bénéfices de la part d’un seul côté et qui seraient non équilibrés même s’il est effectué sur la base d’une équation qui n’est pas produit nul.
L’importance de la localisation de la technologie nucléaire
La dernière conférence au sommet de la Ligue arabe à Djeddah n’a pas abordé le dossier de la localisation de la technologie nucléaire alors qu’elle a porté- entre autres- sur le sujet de la localisation de la technologie de la production alimentaire. Elle n’a aucunement fait appel non plus à l’exemption des armes nucléaires de la zone du Moyen-Orient : pourtant c’ est une condition sine qua none de la stabilité de la région afin de contrecarrer le rôle hostile d’Israël exercé contre ses voisins. Néanmoins, cet état des lieux apporte de l’eau au moulin des canaux diplomatiques et militaires à travers lesquels les Etats Unis cherchent à confirmer leur parti-pris vis à vis d’Israël qui refuse la possession par l’Iran de l’arme nucléaire et de l’Arabie Saoudite de la technologie nucléaire pacifique axé sur la localisation de la technologie complète du cycle du combustible nucléaire, à partir de la production du yellowcake à la production de combustible nucléaire. La technologie pacifique nucléaire n’est plus signe de prospérité économique mais est devenue une caractéristique indispensable à la compétition technologique et économique entre les Etats du monde. Face au club officiel des puissances nucléaires- plus Israël- qui cherche à monopoliser les secrets de la technologie nucléaire, l’Arabie Saoudite a décidé de ne pas capituler et d’entamer ses démarches dans le sens de la localisation de la technologie nucléaire, considéré par les Etats Unis et Israël comme un virage dangereux loin de l’équilibre des forces du Moyen-Orient qu’ils avaient tracé. C’est pourquoi, ils s’évertuent-depuis quelques mois- à prendre dans leur filet l’imposante baleine saoudienne dans les eaux peu profondes de manière à garantir leurs intérêts respectifs et leur parti-pris pour un effort militaire probable contre l’Iran. On appelle par eaux peu profondes deux éléments essentiels : primo, la consécration du principe de Netanyahou de la paix contre la paix et non celui de la terre contre la paix ; secundo, faire participer- au maximum- l’Arabie Saoudite à une structure militaire contre l’Iran sous couvert de la réalisation de la sécurité régionale traduisant, par-là, la vision américano-israélienne qui trouve que l’Iran est la menace principale à la paix et à la sécurité au Moyen-Orient.
L’intensification de la coopération militaire
La coopération militaire américano-israélienne vise -essentiellement- à adresser une message dissuasif à l’Iran et à ouvrir la voie à une coopération identique de grande envergure avec les pays arabes avec, à leur tête, l’Arabie Saoudite en vue de créer « une force dissuasive américano-israélo-arabe» face à l’Iran qui pourrait aller jusqu’à mener une action militaire visant à entraver sa détention d’une arme nucléaire et à mettre un terme à ses activités « déstabilisatrices » au Moyen-Orient comme le confirment les Etats Unis et Israël ainsi que garantir la sécurité de la navigation maritime dans les cours d’eaux internationaux au Moyen-Orient tels le détroit d’Hormuz, de Bab-al-Mandeb, le canal de Suez et le détroit de Gibraltar. Cette politique militaire s’est intensifiée depuis le mois de mars en raison de deux facteurs respectivement tactique et stratégique : la menace grandissante représentée par l’Iran et ses alliés régionaux contre les forces américaines en Syrie, en Irak, au détroit d’Hormuz, au nord de l’océan indien et en Mer rouge et la reconstitution de l’équation de l’équilibre des forces au Moyen-Orient après l’accord historique conclu, au mois de mars dernier, au sujet de la reprise des relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et l’Iran avec la médiation de la Chine.
Dans la foulée, ces derniers mois ont connu une trainée de visites importantes effectuées en Israël par le secrétaire américain à la défense Lloyd Austin , le chef d'État-Major des armées des États-Unis Mark Alexander Milley, le commandant du commandement central des Etats Unis Michael Erik Kurilla qui visaient à intensifier la coordination militaire américaine au Moyen-Orient en mettant particulièrement l’accent sur l’organisation de manœuvres communes visant à montrer leur capacité à diriger une action militaire contre l’Iran ciblant en premier lieu ses installations nucléaires. La presse israélienne a divulgué ces derniers jours une partie de la proposition américaine formulée auprès de l’Etat hébreu en vue de participer à un plan commun de manœuvres militaires à cet effet. Les fuites publiées par les médias israéliens mettent en cause l’objectif de telles visites et craignent qu’elles ne soient qu’une partie d’une manœuvre visant à neutraliser l’aptitude d’Israël à accomplir seul un acte militaire contre l’Iran. Cette proposition a été rejetée par l’autorité israélienne comme le confirme le correspondant à Tel-Aviv du site web d’information américain « Axios ». A ce que nous pensons, cette position revient- en premier lieu- à la volonté de l’Etat hébreu de ne pas échanger avec le commandant américain des informations des services de renseignements, logistiques ou militaires sensibles propres à ce sujet et de sauvegarder autonome sa capacité à effectuer une action militaire contre l’Iran. Rien que parce qu’Israël se considère comme « la référence » principale de l’activité militaire américaine au Moyen-Orient et, dans un sens plus large, représente le « guide stratégique régional » des Etats Unis dans la région. Ceci ne veut pas dire qu’Israël peut seul effectuer une action militaire isolée contre l’Iran : un grand débat politique et militaire au plus haut niveau se déroule même à l’intérieur du pays hébreux lui-même.
Il était probable jusqu’au neuf mars dernier que l’Arabie Saoudite participe- même indirectement- et à travers des préparatifs logistiques ou autres- à ce plan américain proposé. Néanmoins, après que le royaume saoudien a repris ses relations avec l’Iran et parcouru un bon bout de chemin sur la voie de l’établissement de relations régionales et internationales indépendantes de la décision américaine dans le cadre d’une nouvelle politique étrangère vis à vis de la région et du monde, il n’est nullement prévu qu’il rejoigne ce plan militaire américain. La visite effectuée, le 17 mai dernier, par le général Michael Erik Kurilla à Riyad au lendemain de sa visite à Israël démontre combien les Etats-Unis tiennent immanquablement à leur pari de « pêcher la baleine saoudienne » soit par la coordination contre l’Iran ou la naturalisation avec Israël. Quoique difficile, ce pari dénote la détermination américaine qui pourrait provoquer davantage de tension et de déstabilisation au Moyen-Orient.
La réponse saoudienne
En contrepartie de la tentative américaine d’établir un rapprochement avec l’Arabie Saoudite au niveau de « la coordination avec l’Iran » et « la naturalisation avec Israël », le royaume sunnite cherche à bénéficier de l’aide américaine sur deux points cruciaux :premièrement l’exercice d’une pression suffisante sur Israël afin qu’il accepte la solution des deux pays au sujet de la cause palestinienne et le début des mesures pratiques dans ce sens ; deuxièmement la fourniture des aides nécessaires au programme nucléaire pacifique de l’Arabie Saoudite afin qu’elle puisse lancer le cycle complet du carburant nucléaire sans le recours américain aux pratiques coercitives (voire aux sanctions) et y arrête absolument son opposition.
Le dernier sommet de la Ligue arabe à Djeddah a mis l’accent sur l’importance de la cause palestinienne considérée comme étant la question névralgique de la politique arabe adressant ainsi un message fondamental aux deux autorités israélienne et américaine. Pourtant, le sommet de Djeddah n’a pas soulevé le sujet de la localisation de la technologie nucléaire en Arabie Saoudite ou dans le monde arabe ni non plus celui de rendre la région du Moyen-Orient exempte des armes nucléaires et des armes de destruction massive afin de mettre fin à la tension et au déséquilibre et d’instaurer la paix au Moyen-Orient. Bien qu’aucune détente américano-saoudienne au niveau des deux questions palestinienne et nucléaire ne soit prévue - du fait de l’occupation des Etats Unis- sur le plan intérieur- par l’approche des élections présidentielles et –sur le plan extérieur- par la guerre froide contre la Russie et la Chine- il serait utile d’exposer la conception du président américain Dwight David Eisenhower au sujet du droit de tous les pays du monde à avoir accès à la technologie nucléaire pacifique et d’interdire la prolifération des armes et non de la technologie nucléaire. C’est ce sujet qui fera l’objet de notre prochain article.