Le président américain Joe Biden (à droite) marche avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky avant une séance de travail sur l'Ukraine lors du sommet des dirigeants du G7 à Hiroshima le 21 mai 2023. Photo : Susan Walsh / POOL / AFP.
L’autorisation donnée par Biden aux Européens de livrer des F-16 à l’Ukraine est de fait une manière d’effacer, par un coup de communication, le revers stratégique de Bakhmut et surtout, d’en tirer bénéfice pour l’industrie américaine…
La chute de Bakhmut, le Verdun ukrainien, est intervenue le 20 mai 2023 après une défense ukrainienne héroïque de 224 jours où Zelenski a engagé ses meilleures forces qui ont perdu jusqu’à 1000 morts par jour estime Gallagher Fenwick, grand reporter, spécialiste de l'Ukraine.
C’était le dernier verrou stratégique qui barrait la route aux forces russes vers Sloviansk et Kramatorsk, les deux dernières grandes villes de l’Oblats du Donetsk qui restent à conquérir avant d’atteindre ses frontières administratives ouest.
Cette perte risquait d’avoir un impact considérable sur le moral des forces ukrainiennes et sur ceux de leurs soutiens extérieurs dont les médias et consultants aux ordres n’arrêtaient pas d’annoncer jusqu’à ce jour l’imminence d’une contre-offensive ukrainienne qui ne pouvait être que victorieuse du fait de l’aide massive occidentale, notamment en chars lourds.
Evidemment il fallait tout faire pour masquer et atténuer ce potentiel impact négatif d’une victoire russe sur les forces ukrainiennes, sur la population de l’Ukraine et sur celles des pays qui la soutienne.
Ainsi l’autorisation donnée par Biden aux européens de livrer des F16 à condition qu’ils n’aillent pas survoler le territoire russe, vient à point nommé.
En effet, cette décision de Washington est bien jouée car elle fait coup triple :
- Les médias des pays européens se sont jetés sur cette annonce pour réduire au strict minimum le temps et les commentaires concernant la perte stratégique de Bakhmut et se sont répandus immédiatement sur les qualités des F16 qui est promu au rang de nouvelle « potion magique » permettant de continuer à croire à la victoire de l’Ukraine.
- Elle n’est pas de nature à inquiéter réellement l’état-major russe et donc n’accroit pas le risque de nucléarisation du conflit que Washington veut éviter à tout prix.
Bien exploitée par la propagande ukrainienne elle peut avoir un impact positif sur le moral des combattants ukrainiens mais n’aura aucune incidence concrète à moyen terme sur la puissance de feu de l’Ukraine et sur la défense de son espace aérien pour deux raisons :
-les européens sont équipés majoritairement de la version du F-16AM/BM MLU, fabriquée sous licence en Europe jusqu’en 1980, et qui sont en cours de remplacement, par exemple aux Pays-Bas, par des F-35A. Ces F16 entrés en service il y a plus de 40 ans sont surclassés par les chasseurs russes les plus modernes et n’ont aucune chance de mettre en danger le dispositif russe protégé par des S400 ;
- plus important encore, ils ne pourront pas servir à l’Ukraine pour acquérir une supériorité aérienne avant plusieurs années parce que savoir piloter un avion de chasse et une chose, combattre avec lui en est une autre. Un pilote ukrainien aguerri sur Mig peut acquérir une « compétence consciente » sur F -16 en un an. Mais passer en « compétence inconsciente » c’est-à-dire être capable de combattre sous stress par « réflexe » prendra plusieurs années. En effet, dans un affrontement aérien avec un pilote russe, ce dernier agira avec des « réflexes » acquis depuis plusieurs années sur MIG alors qu’« inconsciemment » un pilote ukrainien fera agir les réflexes qu’il a appris sur MIG car il n’aura encore qu’une « compétence consciente » sur F-16. Le film « Mavericks » constitue le meilleur outil pédagogique de cette réalité.
- Cette décision est tout bénéfice pour l’industrie américaine car elle va accélérer le rythme de construction et d’exportation des F-35 dont le coût unitaire avoisine les 200 millions de dollars.