Vingt ans après le début de la guerre en Irak, comment décrire la situation actuelle du pays ? Quels sont les plus grands défis auxquels il est confronté et comment envisager son avenir à long terme, après des années de crises intestines ?
Tout d’abord, il faut bien rappeler que la situation délétère actuelle en Irak est en grande partie la conséquence de l’intervention américaine de 2003. La politique du regime change, du nation building et d’ingérence des Etats-Unis, des néoconservateurs républicains et des idéologues démocrates, afin d’y instaurer une utopique et illusoire démocratie à l’occidentale, a été un véritable fiasco, une tragédie pour l’Irak et toute la région. L’ingérence iranienne en est elle aussi la cause et est d’ailleurs de plus en plus rejetée par la population irakienne, toutes confessions confondues.
De plus, L’Irak fait partie des 10 pays les plus corrompus de la planète. En quinze ans, plus de 400 milliards d’euros d’argent public auraient été détournés. Tout ceci est légitimement révoltant pour des habitants d’un pays riche en pétrole mais où près de deux Irakiens sur cinq vivent en dessous du seuil de pauvreté !
Or, pour rétablir des infrastructures et des services publics dignes de ce nom, il faudrait en priorité une refonte totale de la gouvernance du pays (surtout dans le domaine de l’intégrité des responsables politiques) mais ça, nous en sommes encore très loin…
C’est la raison pour laquelle depuis quelques années, le pays est traversé par des manifestations récurrentes et des émeutes parfois sanglantes.
Enfin, même si le sentiment national ne doit pas être sous-estimé et que le nationalisme irakien est toujours vivace dans toutes les communautés, il n’en reste pas moins que les règlements de compte interreligieux ou intercommunautaires ont aggravé la fragmentation de la société irakienne.
Peut-être que le rapprochement récent sous l’égide de la Chine entre Riyad et Téhéran apaisera les tensions entre chiites (majoritaire et globalement soutenus par l’Iran) et les sunnites (minoritaires et eux, appuyés par l’Arabie saoudite, entres autres). Nous verrons bien…
Assurément l’influence et la présence croissante chinoise dans la zone aussi. Les Chinois, on le sait, ne veulent en aucun cas des tensions et encore moins des troubles ou d’un conflit ouvert dans la région. Ceci pour préserver justement leurs importants et vitaux approvisionnements en gaz et en pétrole et également pour la sécurité de leurs nouvelles Routes de la soie.
Même si Pékin est très attentive et très stricte quant à l’utilisation (voire aux détournements) de ses investissements à l’étranger, reste à savoir si la puissance chinoise, qui s’interdit, à raison, toute ingérence, parviendra, d’une manière ou d’une autre et mieux que les Occidentaux par le passé, à réduire par sa seule influence la corruption, véritable fléau dans ce pays et la région, et à imposer une meilleure gouvernance et une certaine probité aux responsables irakiens… A moins que, soyons un peu rêveur, que ces derniers prennent enfin conscience par eux-mêmes, à l’instar dernièrement des États égyptien ou saoudien – qui, échaudés par les printemps arabes et leurs funestes conséquences, ont engagé, comme jamais dans l’histoire de la région, une lutte acharnée contre la corruption et le gaspillage –, de la nécessité d’une grande dose de sens du bien commun dans toutes leurs politiques pour assurer la prospérité, la modernisation et la stabilité de leurs nations afin qu’elles affrontent du mieux possible les défis futurs…