Dans quelques jours, les dirigeants des pays arabes se réuniront au 32ème sommet arabe à Riyad en Arabie Saoudite, désigné par le « sommet de l’entente et de la réconciliation » ou « le sommet de la ressuscitation des institutions de l’ordre arabe ». Entre la tenue du dernier sommet arabe en Algérie en novembre 2022 et l’autre prévue à Riyad le 19 mai 2023, la politique arabe est entraînée dans un énorme raz de marée.
Les réunions des dirigeants des Etats arabes et leurs ministres des affaires étrangères se sont accélérées. En décembre 2022, Amman, la capitale de la Jordanie, a accueilli une réunion de coordination entre les ministres des affaires étrangères de l’Egypte, de l’Irak et de la Jordanie; ainsi qu’elle fut le siège de la tenue de la conférence « Baghdâd 2 » pour discuter de la reconstruction en Irak avec une participation arabe qui a réuni des pays de tout bord : sur le plan arabe , tous les pays du Conseil de la Coopération du Golfe, l’Egypte et la Jordanie, sur le plan régional, la Turquie et l’Iran et sur le plan international, le président français Macron et nombre d’institutions internationales de financement : ainsi que la tenue à la capitale saoudienne, Riyad, de ce qu’on pourrait appeler une mini- conférence arabe au sommet avec le président chinois et auquel a participé les dirigeants des pays du Conseil de la Coopération du Golfe avec l’Egypte, l’Irak, la Jordanie, la Tunisie, le Liban, la Mauritanie, le Yémen et le Soudan.
Le mois suivant, en Janvier 2023, Abu Dhabi fut le siège d’une réunion de consultation entre les présidents des Emirats, du Qatar, de Bahreïn, du Sultanat d’Oman, de l’Egypte, et de la Jordanie. Au cours de cette période, les présidents des pays arabes ont accru le rythme de leurs échanges de visites. A titre d’exemple, en 2022-2023, le président égyptien Abdel Fatah El Sissi a visité l’Algérie, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, la Jordanie, le Sultanat d’Oman, le Bahreïn et le Koweït. De tels contacts et interactions ont illustré un nouveau climat des relations arabo-arabes.
En novembre 2022, l’Algérie a cherché à inviter la Syrie à participer à la conférence au sommet et à occuper son siège inoccupé depuis 2011, Son ministre des affaires étrangères est allé jusqu’à effectuer des visites, à cet effet, à un certain nombre de pays arabes qui n’ont pas abouti à un consensus. Et la Syrie n’a pas participé au sommet.
En 2023, le paysage politique a connu un certain changement surtout au lendemain du tremblement de terre qui avait frappé la Syrie et provoqué de graves pertes en vie humaines et de gros dégâts matériels. Par la suite, une délégation de l’Union Interparlementaire Arabe réunissant huit présidents de parlements arabes s’est rendue à Damas. La Tunisie a déclaré la reprise totale de ses relations avec la Syrie et a nommé son ambassadeur à Damas. Les consultations au sujet de la Syrie se sont multipliées dont la réunion, le 14 avril, de Djeddah entre les ministres des affaires étrangères des pays du Conseil de Coopération et leurs homologues en Egypte, en Jordanie et en Irak. Elle fut suivie par une autre en Jordanie le premier mai, De telles rencontres ont culminé le 7 mai, au Caire, lors de la Conférence extraordinaire de la Ligue Arabe au niveau de son conseil des ministres des affaires Etrangères dans son communiqué final qui a invité la Syrie à réintégrer l’organisation et ses organes. Cette décision a ouvert la porte à la participation du président syrien au sommet de Riyad. Cette décision a lié le retour de la Syrie à son exécution des compromis et des engagements qui lui incombe en vertu des conclusions de la réunion d’Amman dont la prise de démarches graduelles de résolution de la crise selon le principe de « pas à pas » en vue d’appliquer la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Un comité ministériel de la Jordanie de l’Arabie Saoudite, de l’Irak, du Liban, de l’Egypte et du Secrétaire général de la Ligue Arabe a été créé en vue d’en assurer le suivi et assumer cette responsabilité.
Une telle décision n’était pas facile. Un certain nombre de pays arabes s’y opposaient sous prétexte que le gouvernement syrien devait préalablement entreprendre des mesures de résolution de la crise politique avant son retour à la Ligue arabe. De plus Washington s’est également montré contre. Un communiqué du département d’Etat américain a confirmé que la Syrie ne mérite pas le retour à la Ligue arabe.
Il importe d’accorder une très grande importance aux termes de cette décision qui reflète la tendance actuelle des dirigeants arabes : « La Ligue arabe tient à lancer un rôle arabe leader dans les efforts de résolution de la crise syrienne ». Cette position ne se limite pas uniquement au dossier syrien mais s’étend également à d’autres questions arabes et régionales dont le Yémen et le Soudan. Elle fut illustrée au cours des entretiens qui ont débuté au Yémen ainsi que dans la formation d’un comité réunissant l’Egypte, l’Arabie Saoudite, et le secrétaire général de la Ligue arabe en vue d’entrer en contact avec les parties de la crise soudanaise et parvenir à sa résolution politique. Le ministre égyptien des affaires étrangères s’est rendu aussitôt après au Tchad et au sud Soudan.
Parallèlement, une autre position arabe s’est concrétisée vis à vis de la guerre russo-ukrainienne, partagée entre le respect du droit international et le non soutien absolu du côté occidental : la plupart des pays arabes ont voté en faveur d’une décision condamnant l’invasion russe de l’Ukraine et se sont abstenus de voter la décision de suspension de l’adhésion de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies comme ils n’ont pas adopté les sanctions économiques imposées contre Moscou et ont établi de grandes relations économiques et commerciales avec la Chine. Les pays arabes membres de l’OPEP ont adopté la même position conforme à leurs intérêts nationaux.
Ce nouvel esprit arabe s’est manifesté à travers l’adhésion de quelques pays arabes à l’Organisation de coopération de Shanghai à savoir l’Arabie Saoudite, l’Egypte et le Qatar en tant qu’associés au dialogue. Le Koweït, les Emirats Arabes Unies et le Bahreïn ont commencé leurs démarches dans ce sens. De plus cinq pays arabes - L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unies, l’Algérie, l’Egypte et le Bahreïn- ont entrepris leur consultations afin d’adhérer au BRICS.
Il est clair qu’une tendance arabe général se confirme dans le sens de l’entente et de la réconciliation et de la fin des conflits régionaux en mettant l’accent sur les missions du développement interne. Et, sur le plan international se confirme l’orientation vers une diplomatie indépendante qui ne s’engage pas à soutenir complètement et tout le long de sa ligne de conduite une force internationale quelconque.
Voyons alors à quoi aboutira la conférence sur l’entente et la réconciliation à Riyad.