Pour qu’un dialogue aboutisse, il faut de prime abord convenir d’un certain nombre de paramètres où il doit s’inscrire. Une tâche qui a consommé trop de temps au Conseil d’administration du dialogue. Et, notre participation à ce dialogue scelle l’approbation au sujet de la plupart de ces déterminants. Nous lui leur rendons à cet effet un vibrant hommage et nous l’en félicitons.
J’ai toujours proposé et jusqu’à nos jours que le dialogue ait pour cadre la Constitution et la vision de l’Egypte 2030 déclarée par le président en 2015.Des centaines d’experts et de chercheurs ont œuvré à cet effet en vue d’explorer cette vision qui a passé en revue toutes les visions précédentes et a appelé à la participation de tous à un dialogue sérieux visant à parvenir à une formule quasi-intégrale de la vision de l’Egypte en 2030.
J’ai été chargé- par le secrétariat d’u dialogue- d’exposer aux participants au dialogue cette vision actualisée dont j’ai été l’un des artisans en 2014 afin de constituer un cadre de dialogue qui pourrait être réformé avec l’espoir qu’elle devienne la conception de 2050.
Je me suis acquitté de ma responsabilité de rencontrer la ministre de la planification et sa propre équipe de chercheurs qui ont élaboré la vision et ses possibilités avec professionnalisme, comme j’ai eu notamment une entrevue avec les deux ministres de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans le cadre d’un dialogue plus inclusif en vue d’explorer la vision prospective de l’éducation pour prendre connaissance des stratégies des deux ministères et de les mettre en exécution avant de réunir la nouvelle donne au sujet de la santé et de la population, de la gouvernance dans l’administration du pays, la sauvegarde de l’économie et de la société civile avec la mentalité du politicien et du réformiste.
Je pense que le dialogue national est- en premier lieu- un dialogue politique de haut niveau. Je me suis proposé de documenter une vision politique du pays en vue de la discuter dans le cadre d’un dossier politique qui prendrait en considération le respect de la philosophie de la Constitution qui représente le document et la référence qui doivent régir notre dialogue.
« Nous sommes en train de rédiger une Constitution qui parachève la construction du pays démocratique moderne doté de son gouvernement civil. » . Le régime politique est basé sur:
- La pluralité politique et partisane
- La passation pacifique du pouvoir
- La séparation des pouvoirs et l’équilibre entre eux
- La corrélation entre responsabilité et pouvoir
- Le respect des droits de l’homme et de ses libertés tels que définis par la Constitution.
Telle est l’introduction de la Constitution et son article 5 approuvés à la majorité absolue par le peuple en 2014. Aucun addendum n’y a été ajouté en 2019.
La Constitution comporte des articles que nous devons garder et d’autres qui- probablement pour une raison donnée- n’ont pas été appliquées. Les participants au dialogue- à ce que je pense- doivent en discuter comme nous devons les mettre en exécution surtout les dispositions portant sur la décentralisation et la plupart de ce qui a été dit au sujet de la séparation des pouvoirs et leur équilibrage ainsi que le mode d’application de la justice et le respect des libertés.
Le principe donc est de construire l’Etat civil démocratique moderne qui, de par sa définition, est doté d’un gouvernement qui protège et défend tous les membres de la société abstraction faite de leurs appartenances nationales, religieuses et intellectuelles et qui protège la vie privée et la liberté d’expression.
L’Etat civil doit répondre à l’intégralité de plusieurs principes; si l’un d’eux faisait défaut, l’Etat serait considéré comme défaillant. Il doit être fondé sur la paix, la tolérance, l’acception de l’autre, l’égalité des droits et devoirs, le respect des engagements de manière à garantir les droits de tous les citoyens qui ne seraient pas considérés comme une prime accordée par l’Etat mais comme un droit qu’il leur incombe de sauvegarder et d’interdire à quelques individus de la société de leur imposer leur culture sous couvert religieux ou idéologique.
Méditons ici au sujet de ce qui a été cité dans le préambule de la Constitution afin de le considérer comme base de notre dialogue et de nous poser franchement la question comment l’on pourrait réaliser ses onjectifs. Il nous faut également prendre garde et protéger le dialogue des personnes qui pensent faussement- même par bonne intention- que la stabilité et la sûreté de l’Etat découlent de l’immobilisme, du refus du changement et du pluralisme ; ces personnes qui pensent que si nous ne sommes pas dotés du pouvoir de convaincre les autres, il nous faut chercher à adopter une pensée unique, d’imposer l’obéissance et de réduire les choix.
A vrai dire, je comprends très bien la philosophie d’intervention de l’Etat dans la période transitoire qui a suivi la catastrophe du régime religieux en Egypte en vue de combler le vide politique par crainte du chaos. De plus, mû par mon expérience politique, j’appréhende également qu’il ne serait pas aisé d’usurper le pouvoir des mains de certains qui avaient détenu des pouvoirs démesurés au cours de cette même période. Après en avoir joui, ils ne pourraient pas s’en désister : ils s’y cramponneraient même davantage tant qu’ils abusent de la situation. C’est la nature humaine. Donc le changement ne sera jamais produits par les profiteurs qui ont intérêt – de bon gré- à maintenir telle qu’elle la situation en place. D’où le rôle que doit jouer le régime politique en place- une fois de plus comme il l’a fait auparavant en répondant à l’appel du peuple le 30 juin- instaurer les bases de la nouvelle république civile moderne comme concrétisée à travers l’appel du président à engager le dialogue et à le poursuivre.
En fait, l’Etat moderne s’érige sur deux principes : primo, la justice et l’application non éclectique du droit et secundo le développement humanitaire durable. Le citoyen est préoccupé actuellement par l’efficacité du régime, c’est à dire par son niveau de performance et de réponse aux revendications du citoyen, abstraction faite de son credo. Et cette efficacité n’est réalisable que par l’accession au pouvoir de la personne la plus compétente à travers un système qui la favorise; de plus, une telle efficacité n’est atteinte que par un système rigoureux de contrôle, de responsabilisation du pouvoir exécutif, et de détermination des périodes de mandat pour garantir le renouvellement de l’idéologie et la vivacité de la performance. Du point de vue politique, il nous faut mettre l’accent sur les points suivants :
- L’efficacité du régime
- La compétence des dirigeants
Le contrôle et la responsabilisation indépendante du pouvoir exécutif
- Un système de justice indépendant et efficace ( qui doit faire l’objet de la révolution effective)
- Un système éducatif et culturel qui permet aux citoyens de construire leurs aptitudes en vue d’avoir l’option de faire le bon choix et de contribuer au développement de soi et de leur société.
- L’engagement à appliquer l’essence même de la Constitution et ses articles ainsi que garantir les droits des citoyens.
Dans notre perspective d’un avenir politique qui garantisse le développement durable, nous recherchons, à travers ce dialogue, des initiatives qui réaliseront notre rêve d’une république civile moderne où s’équilibreront toutes les forces sur le terrain. De telles initiatives ne doivent pas priver le pays de ses ressources humaines ni de ses institutions nationales efficaces.Elles accorderont à la liberté sa juste valeur et le prestige qui permettent d’assurer la justice équitable qui ne laisse pas le champ libre à une mutation de la liberté en chaos ni de manipuler le droit d’une manière éclectique. Elle accorderont au peuple le libre choix, le droit de choisir judicieusement ses responsables au gouvernement.
Les forces armées égyptiennes détiennent actuellement les rênes du pouvoir et ne doivent jamais être placées politiquement face à la responsabilité de défier le développement ou de perdre sa valeur de référence au cas où elles ne respecteraient pas la Constitution et la légitimité ou même face aux révolutions subversives en réponse à l’appel du peuple.
Les forces armées ne doivent pas être responsables devant le peuple de la conjoncture politique ou économique. Nous devons sauvegarder leur rôle dans le maintien de l’indépendance de l’Egypte contre toute agression et de protéger le peuple et la Constitution le cas échéant.
C’est pourquoi, il nous faut choisir une nouvelle formule qui respecte l’équilibre des forces et ne mène pas à la déstabilisation des fondements de l’Etat civil. Ce but doit être recherché par toutes les parties prenantes dans la société et faire l’objet d’un dialogue sincère et sans scrupules.
Je pense que le régime présidentiel en vertu duquel le président élu détient de larges pouvoirs est exemplaire pour l’Egypte, Il représente la réalité politique depuis 1952 bien que nous prétendions le contraire.
Ce régime mène au despotisme à moins qu’il ne soit limité au plus par deux mandats successifs ne dépassant pas douze ans dans leur ensemble. Ce principe est stipulé par la Constitution : il représente un choix constitutionnel qui ne peut pas être amendé par aucun pouvoir pour garantir sa propre survie.
Le système parlementaire européen ne convient pas aux peuples où sévissent l’analphabétisme et la pauvreté. Néanmoins, il est parallèle au régime présidentiel qui accorde des pouvoirs étendus au président et une représentation parlementaire qui garantisse le libre choix des élus locaux. Ce système pourrait ne pas élire les meilleurs éléments en raison de l’analphabétisme et de l’ignorance. Il doit pourtant exister à moins de priver la majorité d’exprimer leurs opinions.
C’est pourquoi le régime bicaméral devient- tel qu’en dispose la Constitution amendée- un besoin vital hormis le scrutin de liste, ce mode d’élection adopté lors des dernières élections parlementaires.
Restent plusieurs détails à étudier. Et moi je trouve que le dialogue national pourrait être apte à en discuter afin de contrecarrer la récurrence des erreurs politiques commises par l’Etat, de créer une volonté active qui catalyse le pouvoir et de responsabiliser le pouvoir exécutif au niveau centralisé et décentralisé et sans entraver le développement.
La décentralisation dont dispose les Constitutions actuelle et précédentes et que nous devons appliquer graduellement constituent le canal de communication qui nous permet de prêter l’oreille forte au peuple au niveau du village, de la localité, de la ville et du gouvernorat. C’est également la mission que devrait endosser le dialogue national. Il incombe donc d’ériger le tout sur deux piliers : l’application de la justice équitable et un plan de développement humain à travers l’éducation et les soins sanitaires et qu’il ne faut abdiquer sous aucune circonstance.
Il nous faut nous rendre compte des risques de l’application de la démocratie sous un environnement instable ou en cas d’absence de l’aptitude à choisir en raison de l’ignorance, de la pauvreté ou des deux à la fois.
Nous ne devons également pas omettre de vue que la campagne d’élections oriente l’opinion publique surtout si elle n’est pas armée par la science et le savoir. Intimidée, tentée ou menacée, elle influence le résultat des élections. Il faut mettre en relief à cet effet, l’utilisation de l’argent à des fins politiques de manière à déterminer les choix dans une société dominée à 30% par la pauvreté.
Pourtant la question est loin de se limiter uniquement aux urnes. La démocratie passe par un nouveau test au niveau du respect par l’élu des libertés, de la Constitution, de la loi, de l’équilibre des pouvoirs et de la responsabilisation.
Où réside donc le bouclier qui garantisse une démocratie saine, stable et durable ? Et, comment l’application pourrait-elle avoir lieu dans notre pays ?
En Occident, des traditions ancestrales protègent l’autonomie de l’individu, ses droits et son amour propre de toute coercition exercée par l’Etat, l’église ou même par la majorité des citoyens à travers un cadre- fondé sur le mariage entre la démocratie, la liberté et l’ordre établi- qui protège les droits des minorités et les libertés. Par contre, chez nous en Orient, le système éducatif et culturel ni ne développe cette orientation ni n’ancre ces axiomes dans l’esprit collectif.
Je rappelle à cet effet que la Constitution est le père de toutes les lois et a été instaurée en vue de réglementer la vie à l’intérieur de l’Etat. En outre, son rôle de référence, convenue par la société, est maximisé lorsque les différends naissent entre les différentes factions.
Aux moments de discorde et de révolution, la référence constitutionnelle acquiert davantage d’importance lorsque la main haute est le lot de la partie la plus organisée, la mieux financée et qui a voix au chapitre. Pourtant, nous avons pris l’habitude, à ce moment historique, de ne pas avoir recours à cette référence, d’annuler la Constitution pour que le destin de la nation soit donc entre les mains de son dirigeant.
C’est vrai que la liberté est le garant mais elle n’est pas synonyme du chaos mais d’un certain degré d’organisation. La liberté a besoin de balises et parfois de certains étaux. La liberté est efficacement sécurisée derrière certaines barricades protectrices. Et, c’est ce type de liberté qui, à travers les âges, a secrété la démocratie libérale moderne en Occident. Et c’est ce que nous ne pouvons pas attendre qu’il se produise en Orient.
Nous devons rétablir l’équilibre entre la démocratie, la liberté et le besoin d’organisation : les sociétés démocrates ont besoin de mécanismes et de nouveaux jalons pour affronter les problèmes et les conditions de l’époque actuelle.
Le point de départ sera donc la justice, la ferme application du droit selon des principes non éclectiques, ainsi que la conception de la loi en tant qu’entraves sages qui font des citoyens des individus libres dans le cadre de la liberté de la société. Et tout cela sera l’émanation d’une Constitution respectée autant par le gouvernant que le gouverné. Notre pays a besoin d’un gouvernement puissant sinon nous assisterons au dérapage des institutions publiques et à l’arrêt du développement. La question qui se pose à ce stade est : « comment garantir qu’il n’y ait pas de virage vers la dictature ?
La réponse réside en une seule chose, celle de garantir la passation pacifique du pouvoir qui assure la durabilité du développement et l’accumulation des expériences.
Je confirme que le savoir est le nerf névralgique de ce développement et la porte d’accès à ses niveaux multiples auxquels nous aspirons. Et le savoir se reflète sur l’évolution de l’économie, la politique et la société toute entière et sur tous les autres aspects de l’activité humanitaire. Au fil des années, elle a joué un rôle décisif dans l’ascension comme dans le déclin des nations ainsi que dans la formulation des orientations du présent et de l’avenir. C’est la raison pour laquelle je reprends ici mon discours au sujet de la vision de l’Egypte à exécuter au niveau de l’éducation, de la culture, des soins sanitaires, de la jeunesse, et du sport qui construit l’homme dans une société constituée essentiellement d’enfants et de jeunes.
La meilleure des conceptions pour un pays est de favoriser toutes les chances possibles à l’exploitation des capacités humaines afin de réaliser un meilleur niveau de bien-être à tous.
L’Egyptien est l’objectif comme il est l’outil principal de la réalisation de ce développement. J’aimerais bien signaler que le développement en ce sens ne signifie pas seulement une augmentation de la richesse ou du revenu de la société mais d’autonomiser les hommes et les femmes, les jeunes et les seniors, d’activer leur participation à la société et le bon emploi de leurs énergies et capacités pour se servir eux-mêmes et servir leur patrie avec l’utilisation optimale et juste des ressources pour que les générations présentes ne lèsent pas leurs successeurs.
Je tiens à dire que l’éducation est le portail du savoir qui est la base du développement, de la construction des capacités et la favorisation des opportunités.
Mesdames et messieurs
L’accumulation des expériences et la passation pacifique du pouvoir sans destruction ni chaos est le seul chemin qui assure la durabilité de toute politique ou application.
Je peux ici confirmer que l’Egypte possède les potentialités humaines et les compétences professionnelles et sa force de frappe constituée par ses jeunes disposés à l’éducation et à l’entrainement de manière à lui permettre en une seule décennie de se tailler une place parmi les pays développés. Néanmoins le vrai défi consiste dans l’application et la durabilité qui exigent un engagement vis à vis de la vision et une gestion compétente à tous les niveaux sans abdiquer la réalisation des indices d’évaluation de la performance à des moments bien précis déclarés aux citoyens. Comme le besoin s’impose d’une dose d’optimisme et de positivisme forgée par certaines décisions ressenties par le peuple afin qu’il récupère l’espoir de l’action.