Tous les jours, on nous rebat les oreilles par des histoires qui nous démontrent que nous vivons l’époque de la décadence des mœurs et des principes : une forte relation amicale relie des personnes pour quelque temps pour ne pas tarder, aux pieds d’une première épreuve, à se distendre et à se rompre ; le lien sacré du mariage fusionne deux êtres qui n’arrêtaient pas de s’échanger leur passions déchaînées pour se poursuivre en justice, au bout d’un certain temps, et lui substituer une altercation de haine et de conflit.
La personne dont les compétences et la logique étaient- dans le passé- objet de votre admiration ne tarde pas à connaître une profonde métamorphose et vous commencez - vous deux- à substituer vos sentiments d’appréciation par d’autres de tension, de haine et d’hostilité. La question qui se pose est la suivante : est-ce que ce comportement fait partie de la nature même de la personne humaine ? Ou provient-il d’une certaine déficience à assimiler le caractère des amis et amoureux au moment de le vouloir ou en cas de besoin !! C’est la raison pour laquelle nous sommes surpris, à un moment donné- par un certain comportement de la part des autres alors que peut-être n’ y aurait-il pas objet de surprise. C’est l’imam Ali Ibn Abi Talib qui nous en ou donne l’explication dans ces propos: « Aime ton amant modérément de crainte qu’il ne soit un jour ton ennemi et hais ton ennemi modérément de crainte qu’il ne soit un jour ton amoureux »
Devons-nous donc professer un amour raisonnable et non impétueux ou une haine sans fanatisme, injustice ou agressivité. Nous incombe-t-il de se prémunir par l’attente, la patience et l’endurance ? En fait, les gens ni ne parlent ni n’agissent toujours comme nous voulons et désirons. Les hommes ont des occupations et des préoccupations diverses et des intérêts qui se recoupent par instants pour diverger en d’autres moments. En outre, nous avons tous des priorités que nous ne connaissons pas à moins d’être confrontés à des dangers de la part même de nos proches.
C’est pourquoi l’inimitié ne doit pas être absolue, impérieuse et éternelle mais nous devons garder toujours un point de retour et de régression. Si vous fermez une porte ouvrez une fenêtre. Il en va de même en ce qui concerne l’amour et l’amitié. N’épuisez pas vos sentiments d’une manière absurde mais gardez toujours une ligne d’équilibre présente et bien tracée.
Néanmoins, il existe une idée contraire plus passionnante selon laquelle l’équilibre est le fruit de l’expérience et de la longue cohabitation avec les autres. Comme il est généré de l’effervescence des sentiments qui atteint son plus haut degré de jouissance, de fanatisme, d’intimité, d’amour, de passion, de jalousie et de tous les sentiments ardents. En fait, la sagesse revêt les sentiments d’un certain équilibre à long terme comme il écume quelque peu de leur ardeur alors que les sentiments excessifs accordent une extase qui pourrait ne pas durer ou habiter l’homme pour toujours.
Même en politique, les dirigeants qui ont fomenté les peuples et envahi les pays et crée des empires étaient des extrémistes par leurs idées, leurs conceptions et leurs actes.
Lequel des deux cas vous est le plus proche à votre esprit et à votre âme ?
J’ai relu - comme d’habitude- ce que j’ai rédigé. J’ai pensé à moi-même et aux changements que j’ai dû subir à travers le temps. J’ai constaté que j’ai vécu, jeune, l’effervescence des sentiments. j’ai joui intensément de la victoire et mon corps a du secréter des tonnes de l’alchimie des émotions. Mais en même temps, j’étais facilement enragé, je blâmais et n’acceptais jamais la défaite.
Au fil du temps, j’ai changé : volontairement en partie puisque je n’étais pas satisfait de me voir hâte à critiquer les autres avec virulence et involontairement en d’autre partie grâce aux vagues d’expérience et de sagesse qui ont déferlé sur moi ainsi qu’à la lecture et l’amitié de certains que j’ai croisé sur mon chemin. J’ai commencé à voir le bon côté des personnes de mon entourage. Je cherchais en eux tout ce qui était beau et contrôlait le déchaînement de ma colère au moment de la défaite.
J’ai commencé à mieux apprécier l’amitié et à moins sentir la passion et l’amour effrénés !!!
Ma vie a connu alors un bouleversement progressif et une modération volontaire. J’ai perdu donc la beauté et l’intensité de l’emportement et j’ai gagné le pérennité de l’amour.
Jeune, j’étais un étudiant révolutionnaire qui réclamait des changements instantanés et avec le temps, je devins un réformiste qui croit à l’importance de la progression et la planification graduelle en vue d’atteindre l’objectif. C’est la sagesse et l’expérience de la vie et de la capacité de choisir.
Tout acte que nous effectuons dans notre vie implique un choix même si nous pensons autrement.
Et, c’est dans un esprit d’amour et de partage de points de vue que mon ami Ahmed El Gueyoushi m’a envoyé une lettre portant sur un article de madame Sanaa Al Bissi au sujet de Dr. Zaki Naguib Mahfouz où elle reporte ces paroles échangées dans l’interview qu’il lui a accordé :
Dans ma jeunesse, j’étais très émotionnel surtout en cas de divergence de points de vue. Quel que soit le sujet du débat, je me mettais à défendre mon idée avec ardeur et acharnement comme si le monde entier tirait vie de la justesse de mon idée et je devenais trop triste si je perdais en jeu et enjoué si je gagnais. Ma colère s’exacerbait pour des journées durant si je subissais une certaine honte que je ne pouvais pas rendre. Et mon sang avaient failli se glacer dans mes nerfs à chaque déception. La vie m’a appris la froideur et que la vive émotion signifie l’incapacité de réfléchir profondément. C’est vrai que le plaisir de vivre a diminué lorsque les émotions ont refroidi au fond de mon âme mais il faut dire que les douleurs de la vie se sont également émoussés par la suite. Je n’hésite point à choisir - à la fois- peu de plaisir et de peine ou même trop toujours ensemble. Si je n’éprouve plus le plaisir d’un amour fougueux qui est l’apanage des jeunes, je dois dire que je sens une certaine paix intérieure et en suis exempte de ces peines et douleurs. Et si les jeunes savent comment aimer, les vieux savent comment être amis. Et, l’amitié n’est en fait qu’un amour où l’émotion a été assagie et débarrassée de ses maux ; c’est un engagement réaliste à travers un lien calme dénudé de la fougue de l’émotion et revêtu de l’expérience de la vie. Combien de sang surabondant a coulé à l’occasion de caprices individuels ; et combien les hommes auraient été heureux dans un paradis terrestre si leurs émotions s’étaient apaisés et ne les avaient pas précipités dans une aberration aveugle. »
Peut-on appeler cette période mûre de notre vie de « froideur émotionnelle » et serait-elle la source de notre bonheur ou de notre malheur ?
Après avoir lu l’article de madame Sanaa Al Bissi, j’ai fermé les yeux et me suis étonnée de cette télépathie avec le grand philosophe Dr. Zaki Naguib Mahmoud, Je me suis souvenu de l’influence qu’a exercé sur moi ses paroles. Lorsque j’ai été candidat aux élections pour la première fois en 1995 et plus tard lors de ma carrière politique, il m’avait parlé de la force de la personne qui se désiste. Et ses idées ont forgé mon moi politique. Peut-être m’étais-je écarté- plus d’une fois- des portefeuilles ministériels à cause de cette foi que j’avais en cette philosophie politique humaniste. C’est pourquoi même les grands responsables politiques n’arrêtaient pas de me poser la question : « Mais à vrai dire qu’est-ce que vous voulez ? » Et, c’est parce que vraiment j’y avais mis une croix que j’étais fort et plus apte à choisir et à me départir d’engagements qui allaient à l’encontre de ma philosophie. C’est ce qui créait la confusion des dirigeants qui n’arrivaient pas à comprendre mes intentions parce qu’ils n’arrivaient même pas à croire que j’avais renoncé à mes projets de départ.
J’ai également subi l’influence de monsieur Khaled Mohamed Khaled, Malgré la différence d’âge, il faisait partie du cercle de mes amis. De plus, il était souvent hospitalisé pour convalescence à l’hôpital Badrawi; ce qui m’offrait l’occasion de discuter longuement avec lui. Et, j’ai été surpris de lire ma propre histoire dans son dernier ouvrage : « Docteur Hossam Badrawi est un excellent médecin qui accorde son passepartout à chaque nouveau venant du monde des fœtus et utérus. Il est poli, de bonne réputation et tient un discours agréable à propos des autres, fait leur éloge en faisant revenir à chacun son dû. » J’ai été très impressionné par ses paroles pour devenir plus conscient des qualités que je portais en moi-même et j’ai commencé à les ancrer dans mon âme, Khaled Mohamed Khaled m’avait dévoilé ma vérité que je m’y suis cramponné davantage et me suis efforcé de la développer.
Et c’est mon amie cultivée qui me fit cette remarque pour me dire : « A vrai dire, je ne vois pas que tu es atteint par une certaine froideur ou par une modération monotone comme je le trouve chez d’autres personnes. Je sens que ton équilibre est différent : un équilibre dans ton moi. Cet équilibre pourrait être dû au passage des vives émotions de la jeunesse et de la recherche du plaisir et de l’extase à la sagesse mûre et au contrôle des sentiments et à la réflexion ; ou peut-être cet équilibre est le fruit d’un amalgame entre ces deux côtés pour constituer le minerai de l’entité humaine. Toute émotion violente est porteuse d’extase et de sagesse et derrière toute sagesse couve une vive émotion.
Si nous évoquons ici la symbolique des couleurs et leurs significations, l’orange à titre d’exemple serait l’une des couleurs les plus vives, les plus chaudes et les plus attirantes. Il n’est pas une nuance entre le jaune et le rouge mais un amalgame et un mélange homogène entre eux. Il en est également de l’émotion et de la sagesse : les deux sont orange.
Bref, la providence m’a accordé la chance de croiser sur mon chemin des amis sages comme mes professeurs d’école et d’université et les grands intellectuels qui ont forgé mon esprit dont : Al-Akkad, dr. Taha Hussein, d. Zaki Naguib Mahmoud, monsieur Khaled Mohamed Khaled, Ihsan Abd El Koudous, Gobran Khalil Gobran et autres. Chacun d’eux a forgé de son côté ma culture et mon identité et, moi de ma part, je me suis inspiré d’eux pour créer mon moi et devenir moi-même.