Les chercheurs accordent un intérêt accru au rôle exercé par la Chine sur les plans aussi bien économique que politique. Ce dernier s’est confirmé récemment, en février et mars 2023, que l’on pourrait dire- sans exagération- que les décisions qui seraient prises par la Chine constitueraient le facteur déterminant au sujet de l’avenir de l’ordre mondial.
L’on compte parmi ces évolutions, l’initiative chinoise de fin février pour mettre fin à la guerre en Ukraine et la déclaration de Pékin du 10 mars au sujet d’un accord saoudien- iranien visant la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays grâce à une médiation chinoise. Cet exploit diplomatique est chargé de significations profondes pour autant qu’il embarrasse les Etats Unis qui insistent sur l’idée que leur présence militaire dans la région du Golfe vise à protéger les pays arabes de la menace iranienne ; de plus la Chine est intervenue dans une région considérée- historiquement- comme une zone d’influence américano-occidentale, d’autant plus que cette médiation signale que l’Arabie Saoudite et les pays de la région désirent de nouvelles approches qui résoudraient les problèmes de la région et où la Chine aurait un plus grand rôle.
En outre, les capacités militaires de la Chine se sont confirmées à travers sa coopération et participation à des entraînements et des manœuvres avec d’autres pays. Les exemples abondent : du 17 au 27 février, elle a participé avec la Russie et l’Afrique du sud à des manœuvres maritimes à l’Océan indien ; du 15 au 20 mars, des manœuvres maritimes l’ont réunie à la Russie et à l’Iran à proximité du détroit d’Hormuz ; de plus, elle a déclaré, le 23 mars dernier, que l’armée chinoise a intercepté le destroyer américain « Milius » à cause de son entrée dans les eaux territoriales chinoises en mer de Chine méridionale. Néanmoins, l’armée américaine avait allégué la liberté de navigation et de commerce en confirmant que le destroyer naviguait en haute mer.
La tension s’est intensifié dans les relations avec les Etats Unis à la formation du cabinet ministériel chinois le 12 mars 2023 avec la nomination en tant que ministre de la défense du général Li Shangfu sanctionné par les Etats Unis. La Chine a également haussé le ton de ses critiques adressées aux Etats Unis lorsqu’elle a publié, le 20 mars dernier, un communiqué portant sur « l’état de la démocratie aux Etats Unis » où elle a signalé que Washington a gravement violé les buts et les principes de la Charte des Nations Unies comme elle a interféré dans les affaires internes des autres pays d’autant plus qu’elle est « l’Etat le plus belliqueux de l’histoire du monde » et la source de la menace nucléaire de par le monde. Cette tension économique était liée à la réduction du quota de la Chine en bons américains du trésor d’une valeur de 20% en février 2023 comparée à la même période de l’année dernière. La Chine a remporté ainsi une nouvelle victoire sur le volet de son blocus diplomatique de Taïwan. Le 26 mars, l’Etat de Honduras a déclaré la rupture des relations diplomatiques avec Taïwan et l’établissement de relations avec Pékin. C’est ainsi que le nombre de pays ayant des relations diplomatiques avec Taïwan a baissé à 13.
La visite du président chinois Xí Jìnpíng à Moscou, le 20 mars, représente un événement de grande importance dans l’évolution actuelle des relations internationales. La veille de la visite, le site internet du ministère chinois des affaires étrangères a diffusé un article présidentiel intitulé « Aller de l’avant pour ouvrir un nouveau chapitre d’amitié, de coopération et de développement commun entre la Chine et la Russie ». Il a discuté au cours de la visite de la priorité à donner aux relations stratégiques entre la Chine et la Russie et son désir de renforcer la coordination et la coopération avec la Russie tant qu’il est concordant avec le déterminisme historique. Il est allé jusqu’à inviter son homologue russe à visiter la Chine cette année. Et, Xí Jìnpíng n’a pas occulté son soutien accordé à Poutine et il a déclaré qu’il s’attendait à ce qu’il soit réélu par son peuple en 2024 grâce au progrès et à la prospérité qu’il a réalisés pour son pays. En même temps, le ministère chinois des affaires étrangères a vilipendé le mandat d’arrêt décrété contre le président russe par le Tribunal Pénal International, Il a appelé à éviter une politisation des actes du Tribunal et à respecter l’immunité juridique des présidents des divers Etats. Alors que le président Poutine a discuté des points de concorde, le président chinois s’est contenté de signaler les grandes lignes directrices des entretiens pour déclarer qu’un accord a été conclu dans le but « d’approfondir le partenariat stratégique en vertu duquel les relations bilatérales entre les deux pays inaugurent une nouvelle ère.
Il importe de saisir le sens même de cette visite dans le cadre du mouvement international de la Chine et la cristallisation de son rôle en tant qu’une grande force internationale qui a sa propre conception de la mondialisation et que constitue l’initiative de « la ceinture et de la route » ainsi que son projet visant la réalisation de la sécurité mondiale qui se propose de consolider durablement la sécurité et le développement de tous les pays du monde afin de changer l’ordre international dirigé par l’Amérique et l’Occident.
En fait, la Chine est un Etat qui a une ancienne civilisation dotée de sa culture et de ses coutumes et ses dirigeants qui ne parlent pas beaucoup ni ne divulguent leurs intentions et leurs objectifs qu’ il nous faut dénicher dans les recoins de leurs propos. Au cours de cette visite, le président chinois a utilisé deux expressions importantes : le « déterminisme historique » par lequel il a voulu dire que l’analyse de la situation internationale impose la nécessité du rapprochement entre la Chine et la Russie et « nouvelle ère» qui est la même expression utilisée par les deux présidents lors de leur réunion du 4 février 2022 à Pékin en signalant que les relations internationales traversent une nouvelle ère de son développement. La visite a eu lieu dix jours après la réélection de Xi Jinping pour une troisième fois par le Parlement chinois ainsi qu’après son exposition de sa vision à travers laquelle il a mis l’accent sur le développement et la modernisation de l’armée chinoise et la poursuite de la reconstruction de l’Etat chinois en tant que pays moderne et puissant. L’objet de la visite ne fut pas la question de la guerre en Ukraine et comment y mettre fin mais l’étude des mutations survenues dans le monde dont les questions de l’énergie, de la nourriture et des chaînes d’approvisionnement ainsi que la discussion des moyens de coopération entre les deux pays afin de faire face aux répercussions de manière à protéger leurs intérêts nationaux et inciter à la reformulation de l’ordre international.