« La Chine choisit la paix »: une très courte phrase qui convient, à elle seule, à définir la politique étrangère de cette grande puissance qui a pénétré dans l’arène où se livre la compétition mondiale de prestige alors qu’elle n’était - vers la moitié du siècle dernier- qu’un pays pauvre où sévissait la famine. La Chine a opté pour la paix étayée par la force et à laquelle elle doit son efficacité surtout en cette période où une campagne hostile acharnée, à plusieurs degrés d’intensité, se livre contre elle par les Etats Unis d’une part et l’OTAN à leur remorque d’autre part. Ils mettent en doute la légitimité de son régime politique et entreprennent contre elle des mesures draconiennes, sur les plans du commerce, de la technologie, des finances, de l’information et de l’éducation, qui visent à l’isoler du monde entier et non seulement des Etats Unis qui mènent des escarmouches militaires sur ses frontières maritimes et aériennes. Cette force qui consolide l’option chinoise de la paix, n’est ni occasionnelle ni fortuite mais durable et pérenne. La Chine en fait emploi dans les domaines de l’économie, de la défense, de la diplomatie et de la technologie au point d’en faire une force excédentaire qui lui permettra dans un avenir proche de devenir une puissance majeure pilote complémentaire sur les plans local, régional et mondial. A l’encontre des Etats Unis, la Chine n’allègue pas de motif pour justifier son obstruction du chemin des autres ou son déploiement d’efforts en vue de paralyser leur action ou d’imposer des sanctions contre eux. En d’autre termes, la Chine mobilise tous ses efforts en vue de se constituer une « énergie positive » lui permettant de bâtir aux côtés des autres. C’est, pour elle, l’unique voie lui permettant de sauvegarder sa suprématie et son hégémonie; par contre, le comportement américain produit « une énergie négative » retardataire qui entrave le progrès.
A cet effet nous pouvons déduire- avec certitude- que la stratégie chinoise de construction de la force est passé, jusqu’à ce jour, par deux phases clés et qu’elle est sur le point d’en entamer la troisième. Au cours de la première phase, la direction chinoise a mis l’accent sur les composantes de sa force autonome sur le plan interne. Elle fut parsemée par des hauts et des bas, des gains et des sacrifices pour déboucher, en fin de compte, sur l’ouverture économique et politique sur le monde en 1978. Cette force a mûri avec le temps pour culminer en 2012. Néanmoins, la politique extérieure de la Chine n’a pas rayonné en cette période comme nous le constaterons plus tard alors que ce dragon asiatique avait porté un grand soin à développer un enchevêtrement de relations sur le plan régional. C’est l’année 2013 qui fut le point de départ de la deuxième phase initiée par l’initiative « la ceinture et la route ». Cette phase a été déclenchée à partir de la plateforme de « l’excédent de la force autonome » - réalisé par la Chine la veille du lancement de cette initiative- qui comportait des composants économiques porteurs de grands avantages dans le domaine de la réalisation d’investissements énormes dans les domaines de l’infrastructure traditionnelle et technologique d’autant plus que la Chine avait achevé sa mise en place des réseaux d’infrastructure interne selon les données technologiques disponibles. Il s’est avéré alors nécessaire de drainer ce surplus de force à travers des projets réalisant des gains communs à la Chine et aux autres parties collaborant avec elle. D’où le génie de cette initiative qui invoque l’histoire et retrace la carte des intérêts chinois en s’inspirant de son expérience acquise autrefois au sujet de l\ancienne « route de soie » qui reliait la Chine à tous les autres pays du monde, sur la base du principe gagnant-gagnant. Les lignes directrices d’une telle initiative se résument en ce qui suit :
- Premièrement : c’est une initiative économique et non politique;
- Deuxièmement : Elle est fondée sur des principes [pragmatiques et non idéologiques ;
- Troisièmement : elle vise à bâtir la confiance et à réaliser les intérêts communs en se basant sur le principe du gain commun et non sur le principe de l’appropriation de tout par le plus fort ou en d’autres termes ce qu’on dénomme en diplomatie internationale « Jeu à somme nulle » dirigé par les Etats Unis.
Tout le long de cette décennie (2013-2023) et depuis le lancement de l’initiative « La ceinture et la route », la Chine a présenté un nouveau modèle de coopération économique réciproque et de développement dans des conditions difficiles ; elle a, en outre, créé des lignes ferroviaires, navales et aériennes des aérodromes, des routes et des ports ainsi que des réseaux de communications à travers les anciennes routes de la soie jusqu’à devenir la plus grande usine et le plus grand magasin du monde entier.
Pourtant, il nous faut prendre en considération que l’infrastructure créé par la Chine reste fragile par certains endroits : prenons comme exemples les projets aménagés, par l’initiative, dans le district de Gwadar au Pakistan et au port de Hambantota au Sri Lanka ainsi que dans certains pays africains. Une situation qui exige un développement spécifique équilibré dans les relations établies entre la Chine et ses partenaires tout le long de la route de la soie. A cela s’ajoute que les projets de l’initiative dans certains pays- tels l’Italie et le Portugal pourraient être entravés par des causes géopolitiques. L’initiative de « la ceinture et la route » se trouve généralement confrontée à des mesures hostiles variées contre ses divers projets surtout technologiques exécutés par de grandes sociétés chinoises de renommée internationale comme Huawei des télécommunications. Cette initiative est parrainée par l’Organisation de coopération de Shanghai et la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures régionales. De plus, la Chine a adhéré à des projets multinationaux de coopération régionale ainsi qu’à des conventions de coopération multinationale BRICS et a participé à la fondation de ce groupement en Asie de l’est.
L’arrivée de l’initiative “la ceinture et la route” en Europe, et l’émergence de la force de la Chine aux niveaux commercial, technologique et militaire ont alimenté une grave inquiétude que son prestige dépasse celui des Etats Unis. Par conséquent, l’administration américaine a adopté, depuis 2017, une stratégie hostile contre la Chine au cours de la présidence du républicain Donald Trump et de son successeur démocrate Joe Biden. Cette stratégie s’est manifestée fortement à travers la stratégie de la sécurité nationale et les documents qui y sont liés, les politiques de l’administration américaine et les lois approuvés par le Congrès américain. Le tout s’est concrétisé dans un arsenal intégré de mesures qui visent à entraver le progrès de la Chine et à la séparer de l’ordre mondial. Selon les Etats Unis, leur guerre contre la Chine ne doit pas être uniquement bilatéral mais déclarée de la plateforme d’une alliance internationale. Il lui appartient d’être une guerre globale déclenchée sur plusieurs plans et non partielle ou portant sur un seul échiquier. Cette guerre doit durer autant que le régime autocrate et despotique restera au pouvoir en Chine et ne prendra fin qu’avec sa disparition. Elle est loin d’être une campagne provisoire qui vise à atteindre des objectifs partiels. Et c’est pour réaliser de tels objectifs que Washington a épuisé toutes les armes de la guerre froide dont dispose sa diplomatie : la défiguration idéologique, le boycott économique, les campagnes médiatiques négatives, la course aux armements, les manœuvres militaires provocantes et même les guerres par procuration. Dans la confrontation actuelle, Animés par l’espoir d’atteindre des objectifs identiques à ceux de la fin de la guerre froide - la chute du mur de Berlin, de l’URSS, du Traité de Varsovie et du système bipolaire, les Etats Unis tentent de cloner les procédés auxquels ils ont eu recours lors de leur première guerre froide. En fait, la nouvelle guerre froide a posé des questions et des défis graves surtout avec l’intensification des procédés de guerre et l’accélération du rythme de leur exécution au cours de ces dernières années. La réaction de la Chine a été de jeter les bases d’un passage à la troisième phase du processus de construction de la force en Chine. Il s’est traduit, ces derniers temps, par deux grandes initiatives : la première de la sécurité mondiale, lancée, en octobre 2022, par le parti communiste chinois et la seconde de la Civilisation Globale, le 15 février 2023, à l’occasion de la Conférence du dialogue entre le parti communiste chinois et les partis politiques internationaux.
Lanceuse de ces deux initiatives, la Chine y reflète sa conception du monde et la position qu’elle y occupe au niveau de ses relations entre les Etats ( la première concernant la situation) comme au niveau des peuples ( la seconde portant sur le dialogue des civilisations). Néanmoins cette vision autant que les deux initiatives sont étayées par « l’excédent de la force » économique, réalisé et accumulé en Chine tout le long des deux phases écoulées du processus de construction de la force. En cette troisième phase, la Chine tend à investir ce surplus dans les domaines de la défense et de la politique étrangère. Si ces deux initiatives ont illustré - comme déjà cité) les moyens d’investissement de cet excédent économique en politique étrangère et dans le domaine de la défense, il faut dire que c’est ce dernier qui acquiert une très grande importance tant qu’il porte sur des projets stratégiques qui ont remporté un succès retentissant dans le secteur de défense maritime, antimissile et spatiale. Une longue analyse s’impose pour mettre l’accent sur certains aspects du progrès réalisé par la Chine surtout au niveau de sa passation d’une force terrestre à une force maritime, antimissile et spatiale de premier ordre et d’une coordination militaire étroite avec des puissances majeures aux deux niveaux international et régional et dans le cadre de la stratégie de dissuasion multipartite.