Le Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques a publié récemment un livre important intitulé « L’arme secrète des Frères musulmans ; la pénétration de la société civile » par Mme Dalal Mahmoud, professeure en sciences politiques de l’Université du Caire qui traite en détail les moyens utilisés par les Frères musulmans pour s’immiscer dans la société civile non seulement en Egypte mais également dans les pays arabes et occidentaux. La chercheuse va même jusqu’à qualifier une telle pénétration de l’arme secrète de l’organisation ; et cette nébuleuse choisit, pour chaque pays, les mécanismes les plus appropriés que cette incursion prend en fin de compte l’allure d’une infiltration progressive difficile à découvrir ou à observer l’effet. L’histoire de l’évolution des Frères musulmans démontre que la société civile a servi toujours d’assise inébranlable qui a aidé l’organisation à survivre à toutes les débâcles subies ; Bien plus, cette même société civile pourrait constituer l’exutoire qui rendrait l’organisation capable de persister et de recouvrer sa centralisation suite à la dispersion qui l’avait affaiblie sans l’anéantir.
Une telle déduction attire l’attention sur les combats les plus acharnés qui se déroulent actuellement sur plusieurs champs de bataille dispersées de par le monde et dont les plus importantes se trouvent dans les pays arabes; alors qu’en Europe et au nord de l’Amérique, ils se révèlent être le lieu de la mobilisation contre les régimes arabes. C’est ainsi qu’une opposition s’impose: sur la scène occidentale, nous trouvons une révélation de la duperie, de la manœuvre et de la flexibilité trompeuse sciemment utilisées par les Frères musulmans, alors que sur la scène arabes, c’est une confrontation dans le cadre d’une première bataille qui vise à gagner la société civile et d’une seconde qui s’assigne l’objectif de remporter la victoire dans la bataille de l’idéologie religieuse. C’est cette seconde catégorie qui nous intéresse le plus tant qu’elle constitue le théâtre du déclenchement de ce qui fut dénommé le printemps arabe: le feu de la révolution a pris naissance en Tunisie, le 14 décembre 2010 pour être marquée un mois plus tard, en janvier 2011, par la chute du président Ben Aly ; quelques jours plus tard, un autre foyer de révolution parut en Egypte et le 11 février le destin du président égyptien Moubarak a rejoint celui de son homologue tunisien. Et, c’est à partir de ce moment que les révolutions ont eu effet dominos pour se succéder les unes aux autres et constituer le phénomène dit « le printemps arabe » : les régimes politiques en Libye et au Yémen ont été renversés ; la révolution s’est manifestée au Bahreïn, en Syrie, en Jordanie et au Maroc. Les échos de toutes ces évolutions ont retenti dans toute la région du Moyen-Orient.
A vrai dire, la région a été traversée par trois vagues successives de changement: l’éviction des dirigeants autoritaires, ce but ultime que personne ne concevait réalisable. Plus tard, l’emprise étendue sur le processus politique par les Frères musulmans et d’autres groupes radicalisés islamistes et enfin, le processus d’élimination des Frères musulmans et de leurs alliés comme en Egypte ou de réduction de leur pouvoir au profit d’autres forces comme en témoignent les événements survenus en Tunisie, en Jordanie, en Libye, au Yémen et au Koweït à cause de leur échec à convaincre l’opinion publique de leur compétence à gouverner- directement ou indirectement- leurs pays. La clef de voûte de la lutte contre cette invasion religieuse fut l’apparition fréquente de programmes de réforme de grande envergure lancés par les pays arabes qui ont pu résister face au printemps arabe et qui s’étaient fixé l’année 2023, date butoir à leur achèvement. Ce qui veut dire en d’autres termes que les pays arabes, qui ont choisi la réforme globale, ont entamé le vingt et unième siècle avec les techniques, les industries et les sciences qu’il englobe. Et, cette réforme globale, dans certains des pays arabes. n’adopte ni un seul et même parcours ni non plus une méthode ou une idéologie unique: elle varie selon le contexte historique de chacun d’eux. Néanmoins, quelques caractéristiques les unissent dont- en premier lieu- « l’Etat Nation », considéré comme le creuset qui réunit tous les citoyens quelque différentes que soient leurs tribus, religions, doctrines ou religions.
C’est ce qu’on a considéré - en grande partie- comme une « révolution » de la pensée arabe qui a constitué ce qui fut connu sous le nom de « l’Etat-nation » qui devint à la base de l’ « ordre international » dans le cadre de l’expérience mondiale. Cette dernière expression était devenue confinée dans l’idéologie du « nationalisme-arabe » qui a engendré des exemples d’unification qui ont été tous – sauf exception- voués à l’échec. Ces exemples ont également constitué une révolution contre la pensée « islamiste » qui a adopté l’idée du « Califat musulman », comme étant la couverture politique des pays à majorité musulmane allant d’Indonésie à l’extrême sud–est asiatique au Maroc au nord de l’Afrique. La marche de l’histoire conduisait à l’Etat-Nation « étatique » comme étant capable de formuler les intérêts nationaux et de remonter- simultanément- vers des temps anciens où se trouvaient les racines de l’Etat-Nation qui doit sa loyauté à un groupe humain qui a connu –concomitamment- les mêmes épreuves et les mêmes chances au cours de l’histoire ancienne et moderne. En second lieu, Après avoir défini l’Etat- Nation et suivi son évolution historique, l’assimilation de la géographie devient nécessaire afin qu’une région acquiert sa qualification de « patrie ». A ce propos, il n’existe à peine aucun pays arabe qui aurait entamé le processus d’accès et de pénétration des frontières de l’Etat. L’expression du lointain a disparu et aucune considération de ce qu’on dénomme « aride », infertile, les régions sablonneuses ou désertes sont devenus du silicone ou des métaux. Des oasis reculées sont devenus des projets pour des zones urbaines voisines ; les projets gigantesques et les technologies de voyage et de transport des marchandises ont rapproché les coins de la région et en l’Arabie Saoudite a attiré le Golfe arabique pour englober la mer rouge et le Golfe de Aqaba et l’Egypte a connu un certain déplacement du côté du fleuve éternel vers 3000 kms des côtes égyptiennes dans les deux mers rouge et méditerranéenne et les deux golfes de Aqaba et Suez. Viennent en troisième lieu, les projets d’infrastructure de grande envergure qui sont devenus l’outil de cette grande pénétration régionale consolidée par les potentialités de progrès et de développement. Si tel est le cas qui prévaut au Maroc, en Jordanie, en Egypte et en Arabie Saoudite, les mutations historiques et géographiques ont fourni les raisons de renouveler les deux pensées religieuse et civile ainsi que les motifs de réforme des institutions religieuses afin qu’elles soient conformes à l’époque et neutralisent le venin des Frères musulmans. L’orientation prise par l’institution égyptienne d’Al-Azhar dans le sens de la « fraternité humaine » et de la coopération avec le Vatican est devenue un grand pas franchi dans le sens de mettre l’étau autour du fanatisme et de l’extrémisme vis à vis de l’autre. Enfin vient en quatrième et dernier lieu, l’idée selon laquelle la réforme est un état multidimensionnel qui ne perdure ni ne remporte ses fruits qu’avec beaucoup de modération intellectuelle et de refus de l’extrémisme non seulement sur le plan interne des Etats mais également sur le plan externe. Partant, de par leur nature de développement, les Etats objet des réformes créent des réseaux de relations basées sur des intérêts communs sécuritaires, politiques et économiques qui garantissent la tendance correcte , facilitent les opérations de développement et abattent les entraves mondiales et régionales. Les accords d’Abraham de paix sont une version différente des deux accords de paix entre l’Egypte ou la Jordanie d’une part et Israël d’autre part. Ce dernier n’était qu’un processus de pénétration régionale et mondiale qui visait un changement radical et le président Carter avait tenté de lui faire porter le cachet d’ « Abraham » mais il s’est détourné vers d’autres questions stratégiques et globales conformes aux goûts des peuples et des foules. Cette dernière paix était une formule différente conçue dès le départ selon une ingénierie minutieuse des intérêts communs qui sont objet, de par leur nature, du développement et de l’externalisation.
Ces quatre aspects de la réforme arabe fournissent le cadre stratégique de la confrontation qui a pris place dans les sociétés civiles et dans le cadre régional utilisé toujours pour fomenter et mutiner les sociétés et les impliquer dans des conflits locaux et régionaux qui ne seraient que des outils entre les mains du groupement des Frères musulmans pour assurer leur emprise interne et jeter des ponts avec les groupes terroristes à l’étranger.