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Monde

L’europe de l’énergie et la transition énergétique

Le Dialogue

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen (L) et le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, donnent une conférence de presse sur REPowerEU: perspectives sur l'approvisionnement en gaz de l'UE en 2023, au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 21 décembre , 2022. (Photo de JOHN THYS / AFP)

Je pense que l'Europe est schizophrène et dyslexique en matière d'énergie. L'article 194 du traité de Lisbonne nous dit que "La sécurité des approvisionnements, est un des domaines d'intervention de l'Union", donc l'Union a la compétence pour s'occuper de sécurité d'approvisionnement, sujet du moment. Pourtant, dans le même temps, les textes de l’Union elle dit : "Ceci n'affecte pas le droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre ses ressources et la structure générale de ses approvisionnements." Ma question est donc la suivante : comment peut-on énoncer à dans le même moment dans un des articles du traité de l'Union européenne une compétence puis en même temps laisser aux États membres les choix des actions? Et dont ce dont on souffre chroniquement en Europe, c'est que l’Union a mis en place des outils, des centrales d'achat de gaz et estime que la Commission a fait le job. Mais dans le même temps, qui va en Arabie Saoudite ? Qui va en Algérie ? Qui va ailleurs ? Les chefs d'États et de gouvernements et non les institutions de Bruxelles se déploient chacun pour soi pour gérer des réponses nationales, donc la coordination européenne souffre du fait qu'à un moment donné, l'Europe n'est que ce que les États veulent qu'elle soit. Donc souvent, on a une vision, nous Français, entretenue par une partie de la classe politique qui est une sorte de supra pouvoir européen, en l'occurrence en matière énergétique, l'Europe de l'énergie n'est que ce que nous voulons qu'elle soit et avec, une très grande naïveté quant à la façon de voir les partenariats extérieurs. 

 

La question du gaz russe et de l’indépendance énergétique de l’Union européenne

J'ai fait un article dans le journal Le Monde début mars 2022 qui a appelé de ses vœux une diplomatie énergétique européenne, mais on voit bien que jusqu'à la fin de l'année 2021, le gaz était envisagé comme l'énergie de transition idéale vers l'horizon renouvelable et avec une compréhension de la Russie comme étant un partenaire commercial banal, comme les autres, avec qui on pouvait dialoguer, commercer. 

Quelle erreur, allemande, certes, à l'évidence, mais n'oublions jamais que sur le gazoduc Nord Stream 2, il y avait aussi des opérateurs français qui étaient partenaires, qui étaient dans le projet. Et donc ça veut dire que malheureusement, la myopie qu'il y a eu par rapport à la dominance et au point que les Russes ont pris sur le système énergétique européen, elle a été partagée. Ça nous renvoie aux grandes batailles de l'énergie et aux ouvrages de Jean Marie Chevalier, notamment le "Petit traité sur une économie violente", qui démontrait que l'énergie, ce n'était pas un monde de bisounours et qui montrait que l'Empire britannique au 19ᵉ siècle s'était bâti sur le charbon. La puissance de la domination mondiale des Britanniques, c'était le charbon. Ensuite, le fameux siècle américain du 20ᵉ siècle était un siècle bâti sur le pétrole. Et aujourd'hui, on observe que les démocraties illibérales  comme la Russie ou la Chine établissent, à travers l'énergie notamment, un schéma de dominance. Les centrales de charbon chinoises sont vendues dans beaucoup de pays d'Afrique aujourd'hui, par exemple. La technologie chinoise a même remplacé ce qui était la présence française dans beaucoup d'États africains. 

 

Comment remonter la pente ? 

La question est de savoir comment on remonte la pente avec des solutions européennes partagées. J’ai commencé en parlant des articles du traité de Lisbonne de l’Union européenne. Je pense qu’il faudra aller vite vers une révision des traités, envisager que l'énergie comme la santé, comme la défense, soit traitée de façon supranationale et fasse enfin partie des compétences communautaires. Il faut que l'on arrête ce patchwork avec des mouvements complètement illisibles, incompréhensibles, quelques sommets. Cela ne marchera pas tant que l’on aura pas une approche continentale du sujet face à des puissances qui, aujourd'hui, ont à la fois financièrement et puis politiquement un poids considérable.