La Commission permanente du Congrès paraguayen a approuvé il y a quelques jours la classification des « Frères musulmans » comme groupe terroriste « menaçant la sécurité et la stabilité internationales et représentant une violation grave des objectifs et principes des Nations unies ».
C’est une très bonne initiative. Cela prouve que certains pays n’ont pas le même angélisme béat et suicidaire qu’ont les Occidentaux à propos des Frères musulmans, organisation politico-religieuse radicale, malheureusement encore présentés par certains « experts » occidentaux, par naïveté ou idéologie, comme des islamistes « modérés ».
Or les vrais spécialistes de la question vous le diront : « l’islamisme modéré » ça n’existe pas !
Le fait que ce soit un pays d’Amérique latine, donc très loin du monde arabe, qui prenne justement cette décision d’inscrire cette confrérie sur sa liste des organisations terroristes, démontre par ailleurs la dangerosité mondiale et tentaculaire des Frères musulmans.
Les Comores aussi…
Récemment, un décret du ministre de l’Intérieur des Comores, Faqr al-Din Mahmoud, a également interdit 69 organisations terroristes et affiliés, dont Daesh, Al-Qaïda bien sûr, mais aussi le Hezbollah, Boko Haram, les Houtis et… les Frères musulmans ! Il y a de nombreuses religions pratiquées aux Comores. Mais la religion de l’islam sunnite est dominante. Il s’agit précisément du rite chaféite qui est la religion officielle et qui représente 98 % de la population comorienne. Les autorités comoriennes viennent enfin de comprendre que le radicalisme qui se développait sur son territoire était principalement, malgré ses habits de respectabilité, le fait de l’entrisme et du travail de sape si efficaces des Frères musulmans.
Lire aussi : Quel avenir pour les Frères musulmans ? [2-2 ]
Quels rapports entre Daesh, Al-Qaïda, Boko Haram et les Frères musulmans ?
Les Frères musulmans ont la même matrice idéologique qu’Al-Qaïda et Daesh. Rappelons toujours que les cadres d’Al-Qaïda ont pour la plupart commencé leur engagement politique au sein de la confrérie. Ce sont donc juste les méthodes (violentes pour les salafistes jihadistes et « pacifiques » et empreint de taqiya pour les Frères) qui diffèrent pour instaurer au final la charia absolue et une théocratie islamique voire un nouveau Califat !
En ce qui concerne les groupes jihadistes en Afrique, comme le rappelle le grand africaniste Bernard Lugan notamment, il faut bien comprendre que la violence de ces groupes se drapent la plupart du temps dans de soi-disant motivations religieuses, mais elle sert surtout d’alibis à de vieux contentieux nationaux, ethniques, claniques, tribaux, ainsi qu’économiques et sociaux, restés irrésolus dans les pays de cette zone depuis la décolonisation.
C’est donc en ce sens, on ne cessera pas de le répéter, que les Frères musulmans panislamistes sont assurément plus dangereux que les terroristes puisqu’ils répandent comme le dit justement Gilles Kepel, une sorte de « jihadisme d’atmosphère » dans le monde arabo-musulman et ailleurs...
Les Frères musulmans de plus en plus marginalisés dans le monde arabe ?
A la faveur des printemps arabes, il est de notoriété publique aujourd’hui que le Qatar et la Turquie avaient tenté, avec l’aveuglement des Occidentaux, de placer leurs sbires fréristes au pouvoir dans les capitales des pays arabes touchés par ces révolutions. Après plus de dix ans, c’est un échec pour l’axe Doha/Ankara et plutôt une victoire de l’Entente contre-révolutionnaire et anti-islamiste (sans précédent historique), alliée à une Russie de retour dans la région depuis son intervention victorieuse en Syrie (Poutine d’Arabie, VA Éditions, 2020) et composée de l’Arabie « salmanite » de Mohammed ben Salman, des Émirats arabes unis de Mohammed ben Zayed et de l’Égypte de Sissi.
Lire aussi : Les Frères musulmans et le développement en Egypte [ 1 - 2 ]
Ce dernier a d’ailleurs joué un rôle majeur voire moteur dans l’alliance Le Caire/Riyad/Abou Dhabi contre le terrorisme et le radicalisme religieux. Depuis 2013 et son arrivée au pouvoir, Sissi avait comme premier et principal objectif de combattre franchement et concrètement, là encore sans les ambiguïtés de ses prédécesseurs ou de certains pays arabes, l’islam politique des Frères musulmans dont l’Égypte était la grande base historique de la confrérie (elle y a été créée en 1923).
Dès lors, au-delà de la force brute, les trois leaders arabes, Sissi, MBS et MBZ, ont compris pertinemment que l’on ne combat une idée ou une idéologie qu’avec une autre idée. C’est pourquoi leur lutte contre l’islam radical, sans précédent dans la région, est multiformes et multidirectionnelles. Elle passe d’abord par une amélioration des conditions sociales, la lutte contre la corruption endémique et une modernisation de leurs économies puis par la promotion d’une sorte de néonationalisme arabe, des réformes profondes dans leurs systèmes éducatifs et les enseignements religieux ainsi qu’une véritable volonté de révolutionner des mentalités comme je l’explique dans mon livre, Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023).
En 2019, lors des nouvelles et multiples manifestations dans la région, les islamistes ne sont pas parvenus à s’imposer. Au Soudan, les émeutes ont même renversé le frère musulman Omar al-Bachir. En Algérie, les jeunes Algériens du « Hirak » ont farouchement rejeté de leurs cortèges les salafistes et les groupes proches de la confrérie… Durant cette période, même les mollahs iraniens n’ont pas réussi à placer à Bagdad l’un de leurs pions lors des élections organisées dans la foulée des troubles irakiens. Surtout, ce qui se passe aujourd’hui en Iran, avec la colère populaire qui ne faiblit pas contre le régime théocratique, est scruté par toutes les jeunesses arabes…. De même, les manifestations islamistes anti-françaises dans le monde arabe en 2020, suite à la republication des caricatures de Charlie, et fomentées par les services secrets turcs (avec les deniers de « nos très chers amis du Qatar » !), n’ont pas soulevé les foules et ont fait long feu.
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On assiste même ces dernières années à une timide, mais réelle forme d’« athéisation » progressive des jeunesses arabes. Les islamistes semblent ne plus avoir le vent en poupe. Les fiascos des Frères un temps aux affaires, ainsi que l’anéantissement territorial de Daesh sont passés par là. Or, l’idéologie de Daesh et Al-Qaïda n’est pas morte et peut encore frapper, on l’a vu, les États faibles comme en Afrique ou en Europe. Quant aux Frères musulmans, toujours protégés par Doha, ils sont considérés comme organisation terroriste par de nombreux pays de la région – Égypte, Émirats, Arabie saoudite, Syrie, Bahreïn. En juillet 2020, même en Jordanie, la Cour de cassation du pays, qui est la plus haute autorité judiciaire, a rendu un arrêt ordonnant la dissolution du groupe des Frères musulmans dans le pays, pourtant majoritaires au parlement jordanien. Au Maroc, dix ans après l’arrivée du parti Justice et Développement (PJD) au pouvoir – l’unique parti « islamiste » autorisé –, les Frères marocains ont connu l’usure du pouvoir puis ont traversé une série de crise interne et de cuisantes défaites électorales. Étroitement contrôlés par les services spéciaux du roi (intouchable par les islamistes, car comme le roi hachémite, il est un descendant du Prophète), ils n’ont même pas pu s’opposer à la normalisation officielle du royaume avec l’État hébreu (Accords d’Abraham), ce qui les a d’ailleurs grandement discrédités auprès de leurs partisans. En Tunisie enfin, Kaïs Saïed et la société civile sont méthodiquement et finalement parvenus à écarter du pouvoir et du Parlement, Rached Ghannouchi et son parti islamiste Ennahdha…
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Or, même marginalisés et très affaiblis, il ne faut surtout pas les sous-estimer. Car ils sont toujours en embuscade partout, en investissant les réseaux sociaux, tout en attendant leur heure et un nouveau round des printemps arabes qui pourrait très bien resurgir à cause du contexte actuel de crise économique internationale…
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