Ce discours de la guerre qui retentit à Munich prépare-t-il la scène à une troisième guerre mondiale ? Les assoiffés de sang et de destruction guideraient-ils l’humanité les yeux bandés vers le dépérissement infaillible ? De Moscou, Poutine rétorque en précisant qu’il est ouvert aux négociations de sécurité néanmoins refusées par l’Occident, que le monde a besoin d’un système de sécurité qui sécurise sans distinction tous les Etats et que la guerre d’Ukraine met en jeu l’avenir de la Russie
La guerre d’Ukraine entame sa deuxième année et le battement persistant de ses tambours l’appelle à durer sans lui annoncer de fin prévisible ?!! Une guerre épique interminable sans volées de cloches ou sonneries de clairons ; ou même une guerre sainte qui ne prendra fin que par la mort de l’ennemi exsangue comme si ce sang que la victime allait répandre reviendrait à couler dans les veines du victorieux pour lui insuffler la vie.
Ces derniers jours l’OTAN a célébré le premier anniversaire de la guerre en Ukraine au cours de la Conférence sur la Sécurité de Munich (CSM), comme si la persistance des meurtres et du cataclysme était un motif de célébration. Et les dirigeants de ses Etats membres ont marqué leur détermination à ce qu’elle dure en l’alimentant par davantage d’armes pour causer plus de victimes et de dévastation. Egalement ces derniers jours, la Russie a exprimé sa position par la bouche de Poutine, à l’occasion de son dix-huitième discours annuel devant la Douma au cours duquel il a précisé que l’avenir de la Russie en Ukraine est à l’épreuve et, qu’à penser qu’il pourrait vaincre la Russie, l’Occident commet une grave erreur. Néanmoins, Poutine a insisté qu’il était toujours ouvert pour un dialogue de sécurité avec l’Occident qui garantisse, sans discrimination aucune, à tous les pays de l’Europe et du monde entier des droits de sécurité égaux. La Chine s’est également exprimée à Munich et a lancé son initiative de paix en Ukraine à travers les négociations; Des réactions occidentales diverses se sont manifestées allant de la réponse froide à la négligence absolue. Le message américain, porté par le président Biden, de Washington à Kiev, était une aide militaire d’un demi-milliard de dollars à l’occasion du premier anniversaire de cette guerre ainsi qu’un engagement à aider l’Ukraine à poursuivre son combat jusqu’à ce que la Russie remporte la victoire.
la Conférence sur la sécurité de Munich, tenue vers la fin de la semaine dernière n’était que la scène sur laquelle les dirigeants politiques et les responsables diplomatiques ont joué le rôle de chefs de guerre dont la légitimité émane des missiles de guerre et de la propagation de sa fumée. Je ne me souviens pas que les voix qui ont exhorté à la paix étaient nombreuses, même en vue de contrebalancer formellement leur discours au sujet de la guerre. Wang Yi, membre du bureau politique et directeur du commissariat des affaires étrangères du Parti Communiste Chinois pourrait avoir été le seul diplomate à avoir parlé de la paix et appelé –expressément- à mettre fin aux hostilités. Sa voix détonnait au milieu d’un chœur qui battait- au plus fort- le tambour de la guerre. Aussitôt après la clôture de la conférence, le Grand des Etats Unis est venu de Washington offrir son cadeau qui n’a pas réjoui le président ukrainien Vladimir Zelenski : il désirait des avions F-16, des missiles de grande portée à atteindre le fond des forces russes, des drones plus sophistiqués qui pourraient pénétrer les frontières russes ou du moins bombarder les forces russes au Crimée. Le discours flagrant de la guerre, à la Conférence sur la sécurité de Munich, n’était que l’expression d’une seule et unique voix qui passe sous silence le coût quotidien de la guerre en pertes humaines, blessés et ravages et qui consomme uniquement du côté ukrainien, des livraisons d’armes et de munitions d’une valeur de cent millions de dollars par jour. Une facture trop salée qui n’intéresse nullement les généraux politiques européens et américains : tant que des compagnies en tirent profit, ils poursuivent leur chemin.
Le champ de bataille a été aménagé de manière que la guerre continue du moins pour cette année. La liste d’armements militaires que les pays de l’OTAN - sous la houlette des Etats Unis- se sont engagés à fournir à l’Ukraine au cours des premières semaines de la deuxième année de guerre comprend : des chars allemands léopards, des challengers britanniques, Bramas américains sans compter toute une liste de munitions militaires dont des blindés américains « Stryker » et du matériel européen de défense aérienne qu’Israël pourrait rejoindre même si le premier ministre israélien n’est préoccupé actuellement que par l’idée d’être lauréat du prix Nobel de la paix si jamais il réussit à conclure une transaction entre Poutine et Zelenski qu’il ne veut jamais gâcher en livrant des armes à l’Ukraine. De plus, les pays du centre et de l’est de l’Europe se sont montré prêts à fournir des armes russes à l’Ukraine dont des avions Mig 29 à condition qu’elles en soient compensées par d’autres. En janvier dernier, la Pologne et la Lituanie s’étaient mis d’accord avec l’Ukraine en vue de poursuivre leur soutien militaire, économique et politique à long terme tant qu’elle s’engageait à lutter contre la Russie. Cependant, le président ukrainien considère que remporter la victoire au cours de cette guerre sainte contre la Russie ne se réaliserait pas à moins d’imposer son emprise sur le ciel des batailles par les avions F-16 et les missiles de longue portée ainsi que par la force de frappe terrestre qu’il obtiendrait au cours des quelques semaines à venir.
Une campagne au Congrès pour armer l’Ukraine :
A Washington, Zelinski a trouvé tout le monde tout ouïe : une forte campagne de pression a été déclenchée au Congrès en coordination avec des dirigeants militaires du Pentagone en vue d’accélérer la livraison des armes désirés par l’Ukraine et ne pas réagir lentement à sa demande comme il en était le cas à la fourniture des chars. Selon le sénateur Lindsay Graham- l’un des dix députés ayant fait le trajet de Washington à Munich en vue d’exercer une campagne de pression pour livrer à l’Ukraine les armes sophistiquées qu’elle désire, ce groupe des membres du Congrès américain- qui réunit selon le site américain « Politico »- des représentants des deux partis démocrate et républicain du conseil des députés et du Sénat a invité le commandant du Commandement des forces des États-Unis en Europe et le commandant du Grand Quartier général des puissances alliées en Europe, le général Christopher Cavali à une réunion à huis clos, en marge de la Conférence de Munich, en vue de discuter de l’importance de fournir des armes sophistiquées à l’Ukraine. Les réponses données par le général Cavali ont dépassé le stade des déclarations officielles des responsables du Conseil américain de sécurité nationale qui ont reconnu accorder- actuellement- la place vedette au renforcement des capacités de défense aérienne de l’Ukraine et non à ses capacités offensives ; néanmoins, ils n’écartent pas l’hypothèse de soutenir l’Ukraine par des avions de combat à l’avenir. Et le général Cavali de poursuivre qu’il incombe aux Etats Unis et leurs alliés de fournir à l’Ukraine les armes les plus sophistiquées dont des avions de combat de pointe, des drones et des missiles de portée de plus de cent kilomètres et d’autres missiles tactiques. Cette logique va de conserve avec le point de vue adopté par le groupe de pression pro-ukrainien du Congrès ;elle soutient l’idée que l’objectif recherché par de telles fournitures est de rendre l’Ukraine capable d’attaquer les forces russes dans n’importe quel lieu à l’intérieur des frontières ukrainiennes. Un groupe de cinq membres du Conseil américain des représentants avait effectivement adressé un message au président américain avant son départ pour Munich l’exhortant à fournir des armes sophistiquées à l’Ukraine dont des avions F-16 ou leurs équivalents des avions de la quatrième génération qui l’aideraient à battre la Russie. Ce groupe œuvre conjointement avec le Pentagone et les entreprises du complexe américain militaro-industriel. Les pays de l’OTAN veulent que l’Ukraine parvienne à déplacer la guerre vers l’intérieur de la région occupée actuellement par la Russie voire du moins vers la région du Donbass. Les rapports publiés à Washington signalent que la Maison Blanche ne soutient pas actuellement l’idée d’évacuer les forces russes de la péninsule de Crimée. En outre, les pays de l’OTAN ne seraient pas heureux à voir la guerre se transformer en une sorte de guerre de lieux de combat fixes dite « guerre de tranchées » par derrière les lignes actuels du combat et qui ravive dans nos esprits la guerre des lieux fixes de combat entre l’Irak et l’Iran dans les années quatre-vingt du siècle dernier et qui pourrait mener à un état d’immobilisme qui renforcerait la viabilité du régime de Vladimir Poutine.
Un face à face sino-américain
Le point de vue des Etats Unis, leur position politique et militaire vis à vis de la guerre d’Ukraine sont basés sur l’idée que cette guerre porte sur le façonnement d’un nouvel ordre mondial. C’est une guerre par procuration au cours de laquelle, l’Ukraine joue, jusqu’au bout, un rôle bien précis. Bien que les deux positions européenne et américaine entretiennent des dissemblances entre eux, il n’ y a nul doute que l’invasion des forces russes en Ukraine a aiguisé davantage l’anxiété du vieux continent vis à vis de la force militaire russe : les deux parties s’étaient donc rapprochées à l’issue d’une période de tension qui a atteint son comble sous la présidence de Donald Trump qui a dénigré la force de l’alliance transatlantique. L’Europe aura besoin d’un temps relativement long pour être prête à exercer une politique défensive et étrangère sur la base d’une identité européenne claire. L’Europe s’est donc trouvée dans une situation stratégique où la Russie a une place géographique bien taillée et avec laquelle- comme le précise le président français Emmanuel Macron- nous devons négocier en fin de compte. Néanmoins, tous les dirigeants des pays européens - exception faite de la Hongrie et de la Serbie- ne sont pas disposés actuellement à adopter une position opposée à celle des Etats Unis. Ce qui signifie, du point de vue de la Chine, qu’elle ne détient qu’une marge trop étroite pour appeler au règlement pacifique de la guerre en vertu de l’initiative de Wang Yi; cependant, il incombe à Pékin de faire tout son possible grâce à son capital diplomatique et l’excédent de sa force économique en vue de faire la propagande à cette initiative basée sur des principes incontestables de la diplomatie internationale dont : le respect et la sauvegarde de la souveraineté des Etats et leurs intégrité territoriale, l’observation des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies, la nécessité de prendre au sérieux toutes les préoccupations légitimes au sujet de la sécurité nationale des pays et de soutenir tous les efforts déployés en vue de résoudre la crise par des moyens pacifiques. Il importe également de signaler que l’initiative chinoise ne traite pas de « La guerre effectivement en cours » mais de « la crise » ce qui est de nature à fragiliser l’initiative et réduire sa crédibilité. En outre, les principes de l’initiative chinoise confirment l’idée de la non déclaration d’une guerre nucléaire car toute guerre de la sorte n’aura pas de vainqueur. Dans ce contexte, la Chine confirme la nécessité de conserver la sécurité et la sûreté des installations nucléaires civiles et son refus d’attaquer les centrales nucléaires ainsi qu’elle appelle à déployer des efforts communs en vue d’interdire l’utilisation des armes biologiques. Wang Yi a exprimé, à cet effet, la disponibilité de la Chine à collaborer avec d’autres pays en vue de réaliser un règlement pacifique dans les plus brefs délais. Néanmoins, jusqu’à son retour en Chine, les ingrédients nécessaires ne s’étaient pas réunis en vue de générer la force motrice nécessaire en vue de frayer la voie à l’initiative de paix, vu que l’ambiance est marquée par la guerre entre les dirigeants occidentaux.
Les options de la Russie
Le discours annuel de Poutine sur l’état de la nation, prononcé le 21 février courant, prend son élan à partir d’un ensemble de thèses qui jettent la lumière sur la situation actuelle de la guerre en Ukraine et ses évolutions escomptées dans un proche avenir. Le dirigeant russe a bien signalé que l’avenir de la Russie est en jeu, que les Russes soutiennent l’invasion russe de l’Ukraine et que l’Occident cherche à « internationaliser » ce conflit. partant de sa conviction de pouvoir battre son pays dans une confrontation mondiale, l’OTAN, est accusée par Poutine d’attiser les feux de la guerre qu’il a l’intention de poursuivre. Poutine a affirmé que la Russie a déployé son maximum d’efforts afin de prévenir le déclenchement d’une guerre planifiée par l’Occident. Et, le président russe de confirmer devant la Douma que la Russie est ouverte à la tenue d’entretiens de sécurité avec l’Occident; néanmoins, cette volonté a été contrecarrée par une tendance expansionniste ennemie manifestée par l’OTAN par la création d’un bouclier antimissile qui entoure les frontières russes avec l’Europe et l’Asie. Le président russe a affirmé que le monde a besoin d’un système de sécurité qui sauvegarde équitablement la sécurité de tous les pays comme il a mis en exergue la disposition de la Russie à entretenir un dialogue sécuritaire constructif avec l’Occident.
La situation militaire en Ukraine est candidate à une complexification accrue avec le début de l’automne et l’augmentation du pouvoir de manipulation des deux parties notamment avec l’obtention par l’Ukraine de nouveaux armes de renfort de ses forces terrestres et aériennes. En outre, nous devons garder présent à l’esprit que toute escalade au niveau de l’armement verra son double du côté russe. D’autant plus qu’un tel engrenage ne se limiterait pas à une simple entrée de chars sophistiqués sur le champ de bataille à l’ouest de Donbass alors que les forces ukrainiennes se préparent pour utiliser les avions de la quatrième génération. Si jamais ces prévisions devenaient une réalité, la guerre ukrainienne se transformerait en une guerre européenne globale qui n’aurait pas uniquement comme champ de bataille les territoires, l’espace et les mers de l’Ukraine. Les nouveaux généraux de la guerre en Europe ne se rendent pas compte que la défaite de la Russie est l’équivalent de celle de l’Europe face aux Etats Unis- qui refusent l’existence d’une « Europe indépendante » conçue comme un risque qui met en danger leur prestige mondial et qui n’est pas de gravité moindre que la Russie ou la Chine.
Le règlement nucléaire ou la guerre de trente ans
Lorsqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, les Etats Unis prirent leur décision d’utiliser les bombes nucléaires, ce fut fatalement le sort de deux villes :Hiroshima et Nagasaki. Ni le Japon ne disposait, à l’époque, d’armes de dissuasion nucléaire, ni les Etats Unis ne les avaient auparavant utilisées dans une guerre effective. Néanmoins, la situation en 2023 est diamétralement opposée à celle qui prévalait en 1945 : les armes nucléaires sont devenus beaucoup plus sophistiqués et à la disposition d’un très grand nombre de pays, à l’intérieur ou à l’extérieur du club nucléaire. Il est probable, alors que les Etats Unis sont déterminés à battre la Russie en Ukraine et à escalader la guerre contre les forces armées russes en mettant à la disposition des forces ukrainiennes les dépôts d’armes des pays de l’OTAN, que la direction russe, à l’instar des Etats Unis en 1945, se contente du combat engagé depuis voilà un an et prenne la décision de mettre fin à la guerre. C’est alors que la seule option ouverte serait le recours aux armes nucléaires tactiques contre l’adversaire ou contre une ou plusieurs cibles militaires dans le cadre de l’OTAN : un choix suicidaire qui condamnerait tout le monde à être vaincus et non vainqueurs. L’autre option qui se présente- parmi une multitude d’autres- est celle de garder le moral, de ne pas déprimer ou de devenir pessimiste : Que la guerre dure pour trente ans à l’image des guerres de trente ans au vingtième (1914-1945) comme au dix-septième siècles (1618-1648). Seules
les personnes raisonnables qui chercheront la voie de la paix dans ce monde. Et, il faut avouer qu’ils n’en dépassent pas une poignée.