Cette photographie aérienne montre des immeubles de grande hauteur dans la capitale libyenne Tripoli, le 16 septembre 2022. (Photo de Mahmud TURKIA / AFP)
La Libye nouvelle a été constituée au prix du combat engagé par les ancêtres contre les colonisateurs étrangers. Au lendemain de la défaite des Arabes en Andalousie, et tout au long des six derniers siècles, la Libye a été dominée par des puissances étrangères brutales : elle a été respectivement occupée, pour plusieurs décennies, par les Espagnols, les Chevaliers de Saint-Jean et les Corsaires turcs qui l’ont transformée, occupée, en une propriété de l’empire ottoman qui s’est étendue en direction de l’ouest et du sud. Pensant être témoins de l’avènement d’une puissance islamique, les Libyens ont éprouvé, alors, un optimisme profond qui ne tarda pas à se dissiper lorsque les Janissaires- utilisés par les Turcs pour exercer leur emprise sur leurs colonies et y semer les ravages comme si elles étaient leur butin- ont dévoilé leur visage hideux. En outre, les oasis libyens sont devenus l’exil des criminels turcs et des opposants venus des nations soumises à la Turquie tels les Circassiens, les Albanais, les slaves et autres qui ont exproprié les biens libyens importantes sur la Méditerranée et ont déplacé leurs habitants au Sahara.
Les walis turcs prenaient, par rotation, la tête du pouvoir en Libye et avec chacun d’eux la souffrance des Libyens s’aggravait et les grands soulèvements populaires se multipliaient pour en être les seuls affrontés par l’empire ottoman dans le monde arabe. De grandes révolutions intestines sont venues côtoyer, sur la scène libyenne, les petites révoltes et le refus de soutenir Al- Meryey. On en compte, parmi les plus importantes, la révolution des tribus Barqah à Benghazi et au Djebel Akhdar qui a connu le fameux massacre de la tribu Al-Jawazi, en 1816, qui cibla les Cheicks qui avaient répondu positivement à l’appel, adressé par le wali, à tenir des négociations visant à mettre un terme à la rébellion. Les soldats ont pris d’assaut les cantons de la tribu pour décimer ses habitants : certains d’entre eux ont immigré en Egypte alors que le reste s’est dispersé à travers les autres tribus. Tout cela fut précédé par les batailles de Djebel Akhdar contre les tribus Al-Harabi dont des centaines de milliers ont été déplacés en Égypte dont Al-Abidat, Al-Qat'an, Al-Manfa, Al-Fawaid, Shahebat, etc…
En Occident, la première et deuxième révolutions de Ghouma al-Mahmoudi ont éclaté, pour durer plusieurs années, entre 1835 et 1855. Il a réussi à encercler les Turcs à Tripoli ; néanmoins, les forces armées turques, armées jusqu’aux dents, ont réussi à réprimer la révolution et à effectuer la plus grande opération de déplacement des tribus libyennes de toute l’histoire. Il a même tenté de reconstituer la géographie de la population en libyenne, vu que la mixité des tribus libyennes et leur répartition servaient sa survie.
Au centre et au sud de la Libye, la révolution de Abdul Jalil Saif Al-Nasr s’est déclenchée contre les Turcs pour durer quelques années entre 1831 et 1842 avant qu’elle ne soit réprimée par ces derniers- lourdement armées- qui dispersèrent leurs tribus à travers la jungle d’Afrique.
A khoms, plusieurs massacres ont été exécutés par des walis turcs ainsi qu’à Azzawiya Gharbeya, à Tarhounah, à Beni Ulid et à Misrata : l’imposition d’impôts exhorbitants aux Libyens et leur manque de solvabilité ont motivé l’émigration des tribus, la confiscation de leurs terrains au profit des Turcs ainsi que leurs massacres. Très souvent même, les Turcs décapitaient les combattants et accrochaient leurs têtes aux murailles à l’entrée des villes pour intimider le peuple et le soumettre.
En octobre 1911, les Libyens furent surpris par le pilonnage par les navires de guerre italiens des villes côtières paisibles- Tripoli, Benghazi, Khoms, et Tobrouk- causant ainsi la mort de milliers de personnes. Aussitôt, commença le débarquement des hordes de soldats fortement armés de tout type d’armements. Des combats acharnés de plusieurs décennies ont éclaté entre les Libyens désarmés et les conquérants allemands. Ces derniers entretenaient l’illusion de partir dans une aventure ; néanmoins, ils ont dû, face au combat féroce qui les accueillis, s’y engager avec la totalité de leurs forces armées sous le commandement de généraux éminents à l’exemple de Caneva, Balbo et Grecian. En 1912, la plus grande opération d’exil collectif de l’histoire a eu lieu lorsque des milliers de prisonniers libyens ont été transférés, via des navires, à des îles italiennes désertes où ils ont été condamnés à un sort inconnu jusqu’à nos jours. Selon le témoignage des rescapés, ils ont été jetés dans la Méditerranée comme nourriture aux requins. Les Italiens ont, en fait, décimé plus de la moitié de la population pour abandonner le reste aux pires des famines qui ont sévi dans le pays au cours des quatre premières décennies du vingtième siècle. Les Italiens ont abandonné la Libye en contrepartie de centaines de milliers de , en vertu du traité ignoble d'Ouchy, signé en 1912. Pourtant, les Libyens ont poursuivi leur combat et ont remporté de grandes victoires face aux Italiens. Partout des mémoriaux ont été érigés dans les villes et villages libyens. La plus importante de toutes ces batailles fut celle de Kardabeya à Syrte dans laquelle ont participé les combattants libyens de l’est, de l’ouest et du sud. Ils ont tendu un piège aux forces italiennes partant les combattre. L’armée du général Niamey a été exterminée. Après cette bataille, l’attaque des combattants fut mise au point au nord de la Libye : les villes libyennes furent libérées à tour de rôle et les Italiens se sont repliés pour se barricader dans les murs de Tripoli.
En 1916-1918, les combattants ont proclamé la première république indépendante dans le monde arabe et africain « la République de Tripolitaine » dans les zones se trouvant sous leur contrôle dans l’ouest libyen de Tripoli.
Après la victoire du fascisme et son accession au pouvoir sous la direction de Mussolini à Rome, l’Italie a réitéré son attaque barbare et sans précédent en utilisant les chars au Sahara pour la première fois dans l’histoire ainsi que par son recours aux avions de combat et aux gaz toxiques. Cependant, les Italiens n’ont réussi à assimilé contenir le mouvement des combattants qu’après avoir enfermé les tribus libyens dans des établissements de détention collective dans des lieux déserts et arides dépourvus de tous les moyens de subsistance et de communication. A Al- Aguila, Suluq et El Magrun et comme conséquence de la forte répression barbare et au lendemain de la pendaison du martyr Omar Al Mokhtar et la migration de centaines de milliers de Libyens en Egypte, en Tunisie, en Algérie, au Tchad et au Niger, les Italiens sont parvenus à imposer leur emprise sur la Libye presque inhabitée en faisant venir des milliers de colons qui se sont appropriés les terrains et toutes les installations économiques, quoique simples. La Libye s’est donc transformée en une partie de l’Italie fasciste et a été surnommée la quatrième plage italienne. Et, pour bien confirmer l’historicité du droit italien de s’approprier la Libye, elle a procédé à des fouilles archéologiques, a posé la condition d’être chrétien pour acquérir la nationalité italienne et a construit la plus grande cathédrale africaine à tripoli et à Benghazi afin de servir de centres de prosélytisme afin que le colonisateur resserre davantage l’étau sur la Libye.
Après la défaite de l’axe réunissant l’Italie, l’Allemagne et le Japon à la fin de la deuxième guerre mondiale, les Anglais, rusés ont tenté de créer une nouvelle donne loin des accords de Yalta afin que les Russes n’héritent rien de la colonie italienne. Ils se sont ingéniés à semer la division en proclamant l’indépendance de la Cyrénaïque. Néanmoins, les Nations Unies, créées depuis peu, leur ont fait gâcher l’occasion. Elles ont donc voté l’indépendance de la Libye et ont créé un conseil pour débattre des mécanismes de l’indépendance baptisé « le Conseil de la Libye » qui a regroupé dix Etats dont les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité ainsi que l’Italie, l’Egypte et le Pakistan. L’Organisation internationale a également nommé un envoyé spécial chargé de la mise en vigueur de la résolution de l’indépendance, Adriaan Pelt. Il a cherché à concorder les désirs des Anglais avec ceux des Libyens qui aspiraient à l’indépendance complète et les points de vue des pays influents.
Ainsi, au beau milieu d’un conflit atroce opposant les grandes puissances qui s’apprêtaient à s’engager dans une guerre froide, est né un Etat à souveraineté entamée qui a pourtant réussi à poser les fondements d’un Etat simple ; et malgré la présence de bases militaires anglaises et américaines et un pouvoir français au sud, les Libyens ont réussi à imposer une réalité nouvelle et à dégager leur pays d’entre les griffes pour enfin fonder un Etat indépendant et pour de longues années.