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Editos

2003-2023 : 20 ans après l’intervention américaine en Irak, le noir bilan des néoconservateurs [ 2 - 2 ]

Le Dialogue

Dans une première partie, Roland Lombardi avait rappelé les premières conséquences du 11 septembre 2001 avec l’OPA des néoconservateurs sur la politique étrangère américaine et le début de la guerre en Afghanistan puis contre l’Irak à partir de 2003. 20 plus tard, les tragiques répercussions se font encore sentir. Pire, écartés durant 4 ans par Donald Trump, les « néocons » sont de retour avec Biden et la guerre en Ukraine…

 

On l’a vu précédemment, le vice-président Dick Cheney, le Secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, étaient de ceux qui ne cesser de répéter, bien avant le 11 septembre, qu’il aurait fallu « finir le job » en Irak, en 1991, après la libération du Koweït. En effet, à l’époque, le Président Georges H. Bush père, réaliste et fin connaisseur du monde – il avait été le vice-président de Reagan et ancien patron de la CIA – décide de ne pas outrepasser les résolutions de l’ONU et de s’en tenir à l’expulsion de l’armée irakienne du Koweït et surtout de ne pas renverser Saddam Hussein, conscient, à juste titre, une déstabilisation générale de l’Irak qui s’en serait suivie.

Encore sous le choc des attentats de 2001, Georges W.Bush fils, comme son Secrétaire d’État, Collin Powell (ancien général et chef d’état-major du père) assez frileux au début sur la question, vont se laisser entraîner par les néoconservateurs du gouvernement à envahir l’Irak en 2003. Alors que Saddam Hussein n’était pour rien dans les attaques du 11 septembre et que des arguments mensongers seront utilisés notamment à l’ONU pour cautionner cette intervention.

La suite est connue : chute et élimination de Saddam Hussein, « transition démocratique » catastrophique, guerre civile, chaos, montée en puissance des chiites majoritaires ouvrant le pays à l’influence des mollahs iraniens et résurgence d’Al-Qaïda puis naissance de l’État islamique d’Irak, futur Daesh…

Là encore, une occupation mal engagée et la volonté d’imposer un système démocratique occidental (cache-sexe d’une accaparation dans les faits de l’économie du pays par des entreprises américaines dans le secteur pétrolier et autres…) sur une société à mille lieues de ces références, tout en excluant les anciens responsables des services spéciaux irakiens et les cadres du régime et du parti Bass qui auraient pu « tenir » le pays, s’avèreront au final terriblement dévastatrices et éminemment déstabilisatrices pour toute la région et par ricoché l’Europe. N’oublions pas que certains anciens officiers de l’armée de Saddam, frustrés, sans salaire et écartés par les Américains, seront les premiers cadres de l’État islamique…

 

Lire aussi : 2003-2023 : 20 ans après l’intervention américaine en Irak, le noir bilan des néoconservateurs [ 1 - 2 ]

 

Le retour triomphant des « néocons » avec la guerre en Ukraine !

De toute évidence, le rôle des « néoconservateurs » américains a été plus que néfaste. Surtout, qu’ils ont fait depuis bien longtemps des émules en Occident, notamment en France chez les « savants » (Thérèse Delpech…), dans les médias, chez les politiques ou les intellectuels (Kouchner, BHL…) ou encore chez certains diplomates du Quai d’Orsay (par intérêt ou simple suivisme atlantiste).

Aux États-Unis (comme ailleurs en Occident), ce courant de pensée est depuis devenu transpartisan au sein d’une sorte d’alliance « Wilsoniennes » (idéalistes et interventionnistes).

Obama a été régulièrement critiqué pour sa politique étrangère. Son bilan est plus que mitigé. Mais en dépit des erreurs des Américains durant son mandat et les pressions des «va-t-en-guerre» néoconservateurs et démocrates – qui voulaient l’entraîner encore plus loin en Syrie ou même en Ukraine –, il a globalement éviter le pire comme en 2013 après avoir finalement refusé de frapper Assad. Il est vrai que le troisième fiasco des interventions occidentales (après l’Afghanistan et l’Irak), à savoir la Libye en 2011 – où là encore les interventionnistes et les chantres de l’ingérence avaient été à la manœuvre –, l’avait grandement refroidi !

Avec Donald Trump et sa méconnaissance des affaires internationales et surtout son style « bad dog », les « néocons » croyaient avoir trouvé leur marionnette. Ils l’avaient sous-estimé. Plutôt « Jacksonien » (nationaliste et réaliste) et cornaqué, tant à l’international que dans les arcanes de Washington, par son fidèle « Mazarin », son très habile Secrétaire d’État, Mike Pompeo – considéré à tort comme l’un des leurs – , Trump s’est toujours refusé à toute nouvelle intervention extérieure en dépit des pressions des néocons. Ils lui en veulent encore pour sa volonté d’apaisement avec la Russie, son refus d’un conflit ouvert en Iran et par-dessus tout d’avoir renversé les rôles en les manipulant éhontément. En effet, en juillet 2018, le sulfureux président américain avait choisi comme conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, l’un des plus influents de ce courant « néocons ». Or, cette nomination très politicienne (avant les élections de novembre 2018 des Midterms) avait d’abord permis de mettre la pression sur Téhéran et ainsi inquiéter les Iraniens (tout en rassurant au passage les alliés israéliens et saoudiens) afin de les pousser à renégocier sur le nucléaire. Puis surtout, le temps des élections, d’amadouer, voire de calmer, les critiques des néoconservateurs (soutenus par les lobbies anti-russes et pro-saoudiens mais anti-MBS) encore très influents à Washington, notamment chez les élus républicains mais surtout démocrates. Une fois les échéances électorales passées, Bolton, également trop véhément contre l’Iran, fut congédié en septembre 2019 !

 

Lire aussi : Le comportement des États-Unis d'Amérique envers les Européens et le monde entier, comme Judas avec Jésus-Christ…[ 1 -1 ]

 

C’est la raison pour laquelle, plusieurs néoconservateurs – même dans le camp républicain, comme Bill Kristol, John Negroponte ou encore le fameux John Bolton – ont ostensiblement apporté leur soutien au candidat démocrate Joe Biden en 2020 ! 

Avec le retour de dangereux idéologues dans l’entourage du président démocrate, une « dérive humanitaro-belliciste pourrait faire revenir les néoconservateurs au bercail progressiste » (Hadrien Desuin).

Dans mon livre Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), j’écrivais que « certes, la tendance « isolationniste » s’est depuis largement diffusée dans l’opinion américaine voire même dans les allées du pouvoir. Or, il serait naïf de sous-estimer les capacités et le talent de certains groupes de pression à « remobiliser » les foules pour une éventuelle et nouvelle guerre humanitaire au nom des droits de l’Homme, surtout en des temps troublés et de grave crise intérieure... »

Dans les faits, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis un an, nous y sommes malheureusement !

On l’a vu alors, les « néocons » occidentaux ont bel et bien fait un retour triomphateur dans les médias mais plus grave, dans les chancelleries.  

 

Du même auteur :  Séisme en Syrie : un malheur sans fin

 

Pour certains d’entre eux, la Russie de Poutine est le Croque-mitaine parfait, bien moins puissante et dangereuse que la Chine… Pour d’autres, plus subtiles peut-être, la Russie est le meilleur moyen de détourner l’attention des opinions publiques occidentales des problèmes domestiques ou du vrai danger mondial que représente l’économie et la finance hégémonique et prédatrice chinoise… En tout cas, ils sont toujours aussi influents et tout aussi dangereux, poussant toujours un peu plus les dirigeants de l’Europe, soit par aveuglement, bêtise, idéologie ou conflits d’intérêts (liens avec les lobbies du complexe militaro-industriel ou pro-chinois), à rejeter toute solution diplomatique dans le conflit ukrainien, à armer l’Ukraine en sacrifiant sa population et en militant même, pour les plus belliqueux (mais toujours avec le sang des autres !), à un démantèlement de la Russie voire à  une cataclysmique 3e guerre mondiale contre les Russes !

 

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