Les ministres du cabinet français observent une minute de silence pour rendre hommage aux victimes du tremblement de terre du 6 février qui a dévasté certaines parties de la Turquie et de la Syrie, lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, chambre basse du Parlement français, à Paris le 7 février 2023. (Photo par Ludovic MARIN / AFP)
Aux premières heures du 6 février, la Turquie et la Syrie ont été frappées par un violent tremblement de terre dont les répliques ressenties ont atteint la magnitude de 7 sur l’échelle de Richter. Dès le lendemain de cette catastrophe, les pays du Golfe et le Moyen-Orient n’ont pas manqué de contacter Bachar El-Assad pour manifester leur soutien. Il en est ainsi du Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi."Nous sommes ici aujourd'hui pour accueillir l'aide égyptienne envoyée à la demande du Président, Abdel Fattah al-Sissi, décidée après un coup de fil avec le Président (syrien) Bachar El-Assad", a annoncé Mahmoud Omer, l'envoyé du Caire à Damas.Dans ce contexte, les médias d'État égyptiens ont noté que l'appel d'Assad-Sissi était le premier entre les deux dirigeants depuis que Sissi a pris ses fonctions en 2014. Les Émirats arabes unis par ailleurs ont annoncé une aide de 50 millions de dollars pour la Syrie. Jusqu'à présent, au moins quatre vols transportant de l'aide humanitaire des Émirats arabes unis ont atterri à Damas, dans le cadre de l'opération Gallant Knight 2 d'Abu Dhabi pour la Turquie et la Syrie. Le Qatar et l'Arabie Saoudite ont ordonné la mise en place d’un pont aérien pour acheminer l'aide aux deux pays.L'ampleur même de la catastrophe pourrait bien servir de tremplin aux pays qui souhaitent rétablir des liens complets avec la Syrie et la ramener dans le giron de la Ligue arabe. "La crise humanitaire sera un prétexte pour accélérer la normalisation avec Bachar El-Assad", a indiqué Fabrice Balanche, professeur associé à l'université Lyon II, auteur de nombreux ouvrages sur la Syrie. Et ce dernier de poursuivre, « les récentes tentatives de la Turquie, soutenues par la Russie et les Émirats arabes unis, de rétablir des relations diplomatiques complètes avec la Syrie ont eu un effet révolutionnaire. La Turquie est le principal sponsor des rebelles de l'opposition sunnite qui ont cherché à renverser Bachar El- Assad et qui aident maintenant Ankara à combattre les militants kurdes soutenus par les États-Unis dans le nord-est de la Syrie lorsqu'ils ne sont pas occupés à se battre entre eux ».Dans cette perspective, le Ministre syrien des Affaires étrangères Feisal Mekdad a martelé : « L'État syrien est prêt à autoriser l'entrée de l'aide dans toutes les régions, à condition qu'elle n'atteigne pas les groupes armés terroristes ». Il faisait allusion aux rebelles sunnites soutenus par la Turquie et à Hayat Tahrir al Sham, la ramification d'Al-Qaïda qui contrôle la majeure partie de la province d'Idlib à la frontière turque . Aujourd’hui, Recep Tayyip Erdogan énonce qu'il est maintenant prêt à rencontrer le dirigeant syrien. Dans le même temps, Emmanuel Macron estime qu’il y a une entreprise de réhabilitation d’Assad menée par les alliés arabes de la France, et peut-être bientôt le président turc Recep Tayyip Erdogan… Regardera- t-on le train passer au risque d’être écarté du processus ? (NDLR : Pour mémoire, Paris avait fermé son Ambassade à Damas en 2012). De fait, certains conseillers du Président français s’interrogent, depuis un certain temps déjà, sur la pérennité d’une posture uniquement fondée sur la morale - « on ne renoue pas avec un criminel ». Et qu’il « conviendrait étudier les conditions d’une forme de reprise des contacts avec Damas », relève Georges Malbrunot dans le Figaro.Le rapprochement entre Paris et Damas est d’autant plus propice que sous les auspices de la Fédération de Russie, des négociations battent leur plein entre Ankara et Damas. Ces dernières pourraient aboutir à un retour de nos alliés kurdes dans le giron de Damas avec à la clef, le retrait des forces américaines, présentes à leur côté dans le nord-est de la Syrie.
Pour l’heure, Paris n’est pas opposée à une aide d’urgence aux populations sur place. L’approche humanitaire peut-elle permettre à Paris de revenir en Syrie ?
On l’aura compris, dans tous les cas, la reconstruction « ne se fera pas avec de l'argent occidental mais avec de l'argent arabe et avec des entreprises contractantes turques », a déclaré Marc Pierini, ancien ambassadeur de l'UE en Syrie et chercheur principal à Carnegie Europe et d’ajouter : « À moyen terme, je suppose que l'Occident va se normaliser avec le régime syrien d'une manière ou d'une autre également ».