Guillaume Petitjean a occupé des responsabilités managériales au sein de PME et de grands groupes. En 2008, il crée la société 1ère Gâchette pour accompagner les dirigeants d’entreprises et leurs équipes en matière de management, de gestion du stress et de confiance en soi. Avec Suxeco, son objectif est de fédérer des professionnels qui adoptent des pratiques commerciales exemplaires, pour renforcer leurs performances.
Le Dialogue : Pourquoi ce livre ?
Guillaume Petitjean : Parce que je crois qu’il est stratégique, pour gagner en performance, d’incarner dans nos pratiques managériales et commerciales les valeurs d’honnêteté, de respect et de loyauté. Aujourd’hui encore, beaucoup d’idées reçues subsistent et conduisent de nombreux professionnels à avoir des pratiques éloignées de leurs convictions personnelles, simplement parce que soi-disant « les affaires sont les affaires » et qu’il n’y aurait pas de place pour ces valeurs ! Il est nécessaire d’opérer un changement de paradigme : il faut sortir de la vision simpliste de la relation client-fournisseur et intégrer que c’est notre écosystème qui nous rend performant.
LD : On peut donc s’interroger sur la notion de performance ?
GP : Il est clair qu’on ne peut aborder la performance uniquement sous un angle économique. Aujourd’hui pour exister une entreprise doit montrer qu’elle est performante à la fois financièrement, humainement et dans sa contribution à l’environnement.
Bien sûr, la performance économique est essentielle, mais celle-ci trouve son origine dans sa dimension humaine, notamment dans notre capacité à valoriser le travail.
La performance s’exprime également sur le plan environnemental. Tout d’abord, à une échelle individuelle, avec des produits de meilleure qualité (aliments de bonne qualité nutritionnelle, vêtements plus résistants, etc.). Ensuite, à l’échelle de notre environnement immédiat, avec par exemple une organisation qui favorise l’économie locale. Et enfin, à l’échelle de la planète avec une meilleure maîtrise des impacts sociologiques et écologiques. En contribuant, par exemple, à l’éducation des enfants dans les zones où l’on se fourni en matières premières, afin de soutenir le développement à long terme de la région, apportant en partie, une réponse aux enjeux migratoires annoncés.
Il est donc clair que la performance se joue sur plusieurs axes : économique, humain et environnemental. Les trois étant liés.
Il faut donc adopter une autre vision des pratiques commerciales et sortir de la confusion de ce qui est attendu en matière de performances. Pour cela, notre rapport à la valeur « travail » est la clé de notre réussite. L’avenir passe par la prise de conscience de la nécessité de collaborer en confiance, de rechercher ensemble, clients et fournisseurs, la performance, dans un intérêt commun, à court, moyen et long terme.
LD : Selon vous, nous devons sortir de ce que vous nommez le « stéréotype de la relation client-fournisseur » ?
GP : Nos clients et prospects ne sont pas des ennemis ! Ce sont des partenaires avec lesquels nous partageons un intérêt commun et il est essentiel de garder à l’esprit que la qualité de l’un, contribue à la performance de l’autre. En réalité, ce n’est pas l’entreprise seule qui est performante, c’est son écosystème qui la rend performante. Aussi, l’exigence doit être partagée. Être exigeant avec son fournisseur semble naturel, mais l’être aussi avec ses clients est certainement l’un des meilleurs services que l’on va leur apporter.
En réalité, être juste, c’est être exigeant avec les personnes que nous apprécions, c’est le signe de l’intérêt que nous leur portons. D’où le bénéfice de travailler avec des personnes qui ont nos valeurs. Cette approche favorise le développement d’une relation équilibrée, où le respect est mutuel et l’exigence partagée, car contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le client qui est roi, c’est la relation qui est reine.
LD : Ce n’est pas le client qui est roi, c’est la relation qui est reine, vraiment ?
GP : Tout à fait. D’ailleurs, lorsque l’on a le choix, on achète aux gens qu’on aime. C’est humain, à propositions égales, on se tourne toujours vers la personne avec laquelle on a plaisir à travailler. Parce qu’en réalité, il ne s’agit pas de vente, mais de relation humaine et de confiance réciproque. Il est stratégique de pouvoir s’appuyer sur ses clients, comme sur ses fournisseurs. C’est la raison pour laquelle l’échange économique qui scelle leur relation doit être équilibré : pour être solide.
LD : A propos de relation équilibrée, vous dites qu’en matière de management, le plus important c’est la confiance ?
GP : Le management est essentiel et la base d’un management performant, c’est effectivement la confiance. En fait, s’il y a de la confiance entre le manager et son commercial, il est fort probable que l’on retrouve cette même confiance entre le commercial et son client.
En ce qui concerne le management des commerciaux, je vais peut-être casser un mythe, mais ils ne sont pas responsables du chiffre d’affaires, comme leur mode de rémunération le laisse supposer. En effet, ils ne sont pas responsables de la qualité des produits/services, ils ne sont pas responsables du positionnement de l’entreprise sur son marché et ils ne sont pas responsables de la tendance du marché. Donc, leur mettre la pression sur des objectifs qui leur échappent, en plus d’être profondément injuste, donc démotivant, ne constitue pas une démonstration de confiance.
Aussi, cela produit deux tendances : soit des commerciaux « mercenaires », lesquels font courir des risques sur la fidélisation, donc sur la pérennité de l’entreprise à moyen et long terme. Soit la tendance actuelle : des démissions, des burn-out et de moins en moins de candidats pour les fonctions commerciales…
Donc, modifier les modes de rémunération afin d’être cohérents en matière de valeurs et de confiance, est un exemple concret du changement de paradigme que nous devons opérer.
LD : S’agit-il de gestion du stress ?
GP : Oui, c’est cela. En fait le manager à moins le pouvoir de sanction, que le devoir de motivation. Il doit conduire ses collaborateurs à avoir envie de bien faire, notamment en diminuant le stress et en développant le plaisir. Le principe est que les collaborateurs passent du stress lié à la peur de ne pas réussir à atteindre des objectifs dont ils ne maîtrisent pas l’environnement (par exemple le chiffre d’affaires), au plaisir de faire et de bien faire des actions dont ils ont la maîtrise et qui ont du sens. En réalité,la contrainte permet d’obtenir ce que l’on souhaite, mais rarement plus : l’efficacité et la performance se trouvent dans l’envie et le plaisir de bien faire.
LD : Vous affirmez que la confiance est un choix stratégique, pourquoi ?
GP : Parce que la confiance nous permet de nous appuyer franchement sur nos partenaires, car nous partageons les mêmes objectifs. Nous comprenons que nos intérêts sont interdépendants : si mon client va bien et que je contribue à cela, je vais bien. Mon intérêt est donc de l’aider à aller bien. De plus, la confiance nous permet également de gagner du temps : par exemple en nous épargnant des négociations stressantes qui dégradent la qualité des relations.
A une autre échelle, cette approche peut exercer une influence positive sur la société et c’est pour cela qu’elle est également stratégique : elle répond aux attentes, de plus en plus pressantes, de nombreuses personnes, toutes générations confondues, qui veulent s’engager dans des projets qui ont du sens. Je rencontre de plus en plus de personnes qui aspirent à plus d’authenticité, à plus de confiance dans les relations humaines, notamment professionnelles, surtout si celles-ci sont à l’origine de nouvelles performances.
C’est la raison pour laquelle mon objectif est de parvenir à fédérer des professionnels qui adoptent dans leur management et dans leurs méthodes, des pratiques commerciales exemplaires : honnêtes, respectueuses et loyales. Le but est de constituer un écosystème bâti sur la confiance, afin d’exercer par l’exemple, une influence positive sur la société dans son ensemble, pour transmettre un monde sain à nos enfants. Ma conviction, c’est que cette approche incarne l’avenir, car ce que nous vendons, bien sûr, mais également la façon dont nous le vendons, détermine le monde que nous construisons !
Propos recueillis par Angélique Bouchard