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Monde

La notion de l’obéissance

Le Dialogue

J’ai  reçu dernièrement  une lettre dont j’aimerais partager la teneur  avec mes lecteurs. Ma  destinatrice s’adressait  à moi  par ces mots :  « Docteur Hossam,  j’aime et respecte beaucoup les idées de vos articles  et tout ce qu’on  y trouve de références. J’aime suivre vos conversations  qui  portent sur les valeurs humaines dont  vous vous efforcez de réaliser sur le terrain. Et,  comme vous le  confirmez  dans vos articles,  pas moyen  à l’homme d’atteindre ses objectifs que par  et    à travers l’éducation.

Vos  conversations  avec les jeunes invoquent non seulement la réflexion  mais  également le  comportement positif  pour trouver  les solutions  et  leur frayer  la  voie. Mais,  moi,  de par mon  expérience,  je sais  qu’il  vous reste un long  chemin  à parcourir pour  que  vous intégriez,  par votre  action, toutes  ces valeurs dans le quotidien  de la société et  au  fond même  de leur  esprit.

De  toutes ces valeurs  que vous  avez  placé - à  ce que  je pense- comme  objet  de discussions  pour  savoir l’idée  qu’en  font les jeunes,  j’opte pour  celle de l’obéissance dont  les discussions  qui y  ont porté  m’ont beaucoup  impactée.

Mon  père  nous avait  élevés tous  selon le principe de  l’importance «  d’obéir au  mari ». Il  avait inculqué  en  nous cette  valeur  comme si  nous passions de l’obéissance du  père à  celui  d’un autre tuteur  et  qu’il nous est  permis de discuter  s’il le  permet  lui-même, sinon  c’est lui  qui  a toujours le dernier  mot. Et,  je me suis rendu  compte  que j’ai  passé toute  ma vie  à   faire souvent  ce  qui ne  me convenait  pas, rien  que  pour  plaire  à mon mari et lui obéir,  tel  m’avait élevée  mon  père et  en  fin  de compte,  je  n’ai pas  pu  continuer avec lui  et  j’ai divorcé d’avec mon  mari.  C’est pourquoi,  je me  pose la question : « Pourquoi  faut-il obéir  au  mari ? ne  serait-il  que par ce  que  nous sommes une  société misogyne  qui considère ,  dans  son for  intérieur  , que  la  femme est inférieure  à l’homme  du point  de  vue valeur  comme  du point  de  vue  de l’influence  qu’elle  exerce?

J’ai  pensé  à l’enchevêtrement  des incidents   dans notre  vie  et qui  a  abouti à notre  situation  actuelle. D’après  ma longue  réflexion,  j’ai pu  constater  que ce  que  je prenais  comme  valeur, ne  l’était  vraiment pas  mais  rien qu’une  habitude  acquise et  une  pression exercée  par  le père  et la société.

Mon  mari  n’admettait pas  la discussion.  Il se  mettait   toujours en colère.  Il  m’a beaucoup accablée et amoindrie.  Que j’exprimais  mon  point de  vue et  voilà qu’il  était courroucée ;  à  chaque fois  que  je lui  dévoilais  mes pensées et  ce  que  je comptais  faire,  il  était  exaspéré ou  même tenait  à faire  le contraire,  de manière que  j’ai  gardé la bouche  cousue  pour de longues années  et  que je ne  prenais  plus jamais  la parole, même en  ce qui  concerne mes propres affaires, alors que  lui  adorait  y  interférer  et dominer. Au  fil  du temps,  je  me suis rendu  compte  que ce n’était  que faiblesse  de  sa part et qu’il  tentait  toujours tout commander  même  mes relations avec mon  propre  entourage, ma famille  et mes  amis. Je  ne pourrai  jamais  oublier  tout  ce  qu’il a  fait  tout le  long  de très longues années. J’en  été  péniblement affectée. Je  me  mets en  colère  si  je  trouve chez  mes enfants quelque  peu  du  comportement de leur  père.  C’est ce  qu’a  fait mon fils,  il  y a  deux  jours pour m’énerver  que  je l’ai remis  en  ordre en  lui  rappelant qu’il  y  avait des limites qu’il ne devait jamais dépasser. J’ai  trouvé  dans son attitude  qu’il  voulait dicter  sa  loi et  m’imposer  la soumission et la subordination  au fond  de  moi-même. Je  ne  supporte plus que  quelqu’un  d’autre pense-  de près  ou  de loin- à  me traiter de la  même façon  pour  qu’il dicte la  loi,  me soumette, m’inflige  le sentiment  de servilité, manipule  mes sentiments,  me culpabiliser  pour avoir  osé  avoir  quelque temps de loisirs loin  de lui. C’est  du pur  égoïsme  qu’il me  demande  l’obédience absolue comme me l’a dit mon  père et probablement  son père  à  sa sœur.

Je  sais très  bien que -par  nature- je  câline excessivement  ceux que j’aime. Je le fais délibérément et non obligatoirement, Je  n’accepte nullement  que quelqu’un  m’impose de faire ce que lui  juge impérieux de faire. Je  comprends que  mon mari  a le droit d’avoir mon  attention  et mes soins comme il  est de mon droit d’avoir son  attention et son  respect.

Je ne me suis pas tu.  Et,  en fin  de compte,  j’ai dit  tout  ce que j’avais sur le  cœur avec un  grand  sourire sur mes lèvres.  Je ne peux plus supporter  cette servitude et  cette oppression contre  mon  humanité, Je ne suis pas l’esclave  de mon mari   ou  de  mon fils  comme si  mon père  m’avait  vendu sur le marché  des esclaves  sous l’effet d’une valeur  misogyne et sociale qui n’est  pas acceptée  par  la personne normale,  à  savoir l’obéissance inconditionnelle  à l’homme.

Je sais que je me suis permise  de traiter d’autres sujets  en  dehors de ceux  que vous avez abordés  dans votre article. Mais  peut-être de tels sujets  portent-ils  sur les valeurs à  ancrer dans les générations futures  et sur la différenciation  à  établir entre le respect  mutuel   et une valeur à implanter au  fond même des hommes à  travers des habitudes et des pratiques à  remettre en  question. 

Sachez que j’ai  eu  le divorce au bout  de 25  ans de mariage malgré l’amour  qui me  liait  à  lui  au départ et  notre éducation  qui nous  a appris à  aimer les personnes auxquelles nous sommes lié ;  mais une fois que mes enfants ont atteint  l’âge  du discernement que j’ai  répudié mon  mari et me suis libéré  de cette obéissance imposée. Je suis toujours en bons termes avec ma belle-mère  qui  me chérit  toujours et  lui rends  visite  dans sa sénilité ;  et  de ma part,  je  n’ai jamais causé  de tort  à mon mari  devant  les enfants mais  en même  temps, je ne leur autoriserai  jamais  d’avoir la haute main  sur  leurs épouses. 

D’ailleurs,  Dr. Hossam,  les personnes les plus disposées  à être esclaves  du dirigeant  ou  du tuteur sont celles qui asservissent  le  plus la femme  et les faibles. Comme si  la valeur  de l’obéissance crée à la fois le  dictateur et l’esclave. Les jeunes se sont  en fait  bien exprimé ;  une fois de plus,  je vous félicite pour  illuminer les esprits. 

Je  lui  ai répondu  par  ces mots :

En  débâtant des valeurs humaines à  approfondir  par l’action -  dans mon rendez-vous hebdomadaire- avec les jeunes qui rêvent  d’un  avenir radieux,  fut soulevée l’idée  de l’obéissance  en  tant que valeur  impliquant  le respect ; néanmoins,  ils n’ont pas tardé à  se mettre –comme  toi- en  colère  en refusant  catégoriquement  ce rapprochement. En  principe, l’obéissance  est  pour les esclaves et  non  pour les personnes libres.  Nous comprenons le sens de l’engagement par les règles, les  contrats ou  les accords ainsi  que le dialogue  par respect ;  cependant l’obéissance signifie renoncer  à l’esprit et asservir les hommes.

Et  moi  d’ajouter :  je vous rappelle- pour confirmer votre point de vue-  que  le signe avant-coureur de l’accès à l’époque des lumières  et  de la sortie  des siècles de l’obscurantisme ne s’est produit  que par  la fin de l’obédience à l’égard des hommes de religion  avec leurs croyances  et les hommes au  pouvoir qui  veulent dominer les peuples.

Le philosophe  Emmanuel  Kant a  inspiré son  époque par  son  article « Ose  savoir » à  travers lequel   il affirme,  l’importance, pour  l’homme de sortir  de la phase de déficience mentale pour  atteindre l’âge  de la maturité  et devenir majeure. Et  il a défini cette déficience comme étant  la dépendance vis  à  vis des autres,  l’incapacité de  faire preuve d’une  réflexion personnelle, d’un  certain  comportement dans la vie  ou  de prendre une décision quelconque  sans conseiller  ses tuteurs. C’est  de ce point de vue  qu’il a lancé  son appel des lumières pour dire : «  Hommes ! Usez de vos esprits ! Soyez dorénavant audacieux et abandonnez la dépendance ; ne  vous livrez pas à la paresse  ni au  destin. Bougez !  grouillez-vous  . Activez-vous et impliquez-vous-  d’une manière positive et perspicace-  dans la vie.  

A  vrai  dire, partant de l’idée  que la femme est  mineure et  qu’elle n’est pas sur le même pied d’égalité  que  l’homme, les sociétés analphabètes misogynes  éprouvent une certaine satisfaction à  certains niveau lorsqu’elles enjoignent   l’épouse  d’obéir à  son  mari.

En  fait, c’est l’éducation  qui immunise  l’homme afin  qu’il soit  mûre et  capable de compter  sur lui-même et  d’user  de son esprit pour  se libérer des croyances et des vérités qui lui ont été instillées  tout le long d’une histoire  imprégnée d’un lourd héritage  d’ignorance.

De  surcroît, J’indique à  ce propos que la suprématie  qu’accorde le Saint-  Coran à l’époux par rapport à son épouse est liée à sa capacité à prendre en  charge sa famille sur  le plan financier  ainsi  qu’à tout  autre trait de nature à établir  des préférences de classement ou  de statuts entre les êtres tels : la science, le  savoir  et le pouvoir. 

De  nos jours, l’idée  de l’infériorité  de la femme par  rapport  à l’homme a été déniée,  bien plus,  elle est  capable de la transgresser par son  savoir, sa sagesse  et sa participation  avec lui à  endosser  les responsabilités  de la vie. 

Certes,  comme vous l’avez remarqué,  je ne parle pas de l’obéissance à  Dieu  puisqu’elle se situe  entre l’homme,  lui-même et son  Dieu.  C’est lui le  créateur  et pas question  d’être son égal.

Je  vous rappelle  également que l’obéissance est  également  un  acte psychologique  et pourrait  également prendre la forme d’une sorte d’« influence sociale » subie lorsqu’une personne donnée  se soumet aux instructions ou injonctions strictes données par  une personne d’un  certain pouvoir.

L’obéissance se  caractérise par  une sorte de « subjugation ». C’est  un  comportement affecté  par  celui des pairs et cherche la conformité avec la majorité. Partant,  nous pouvons à titre d’exemple, considérer l’obéissance  comme un  comportement moral  dans le cadre de l’attroupement  et  immoral s’il est  lié à  l’exercice  du pouvoir d’une personne sur l’autre dans le cadre de la domination ou  l’obtention d’avantages.

En  somme,  je terminerai cet  article  en précisant  que la civilisation  est l’œuvre  des libres  et  que l’asservissement  sous toutes ses formes politiques  ou sociales  est rejeté…oui  rejeté mes enfants…Il  diffère  de l’obtempération à la loi consentie par la société  et  qui est  adoptée  à  tous sans sélectivité  aucune  et qui met au  diapason  les valeurs de la liberté  et de l’égalité.

Enfin,  la sagesse et l’expérience   nous incitent à  conclure par ces mots : 

La plus difficile des choses que nous rencontrons  en libérant une personne de l’esclavage  est de la convaincre  qu’elle  n’est pas esclave.