Qui sont les Frères musulmans ? Une question qui pourrait paraître anodine surtout pour ceux qui suivent de près l’actualité au Moyen-Orient ou même en Occident et les événements qui s’y sont enchaînés tout le long des trois dernières décennies depuis la succession de grands incidents du type des attentats du 11 septembre 2001, des guerres en Afghanistan et en Irak et de ce qu’on surnomme le « printemps arabe »et ses séquelles qui durent voilà depuis une décennie. Les études effectuées dans les centres occidentaux de recherche et les instituts académiques tournent dans la plupart autour des dénommées « les causes radicales ». En abrégé, elles mettent en relief le fait que le terrorisme, la violence, les guerres civiles, la dégradation économique, sociale et culturelle ne sont que le produit des régimes politiques en place et qui ont varié entre des formes diverses de despotisme, de totalitarisme et d’autocratie et autres qui usaient de la politique pour réprimer les masses, freiner l’éclosion de toute démocratie et violer les droits de l’homme. Néanmoins, la vérité des Frères musulmans ne se résume pas tout à fait de la sorte. Il est même étonnant de signaler que les études occidentales à leur sujet ont passé sous silence un grand nombre de vérités historiques, d’actes commis au vu et au su de tout le monde et de discours qui ne doivent pas tomber dans l’oreille d’un sourd. En fait, rien n’est plus ahurissant que de considérer comme « démocratique », « modéré » ou une expression de la culture politique chez la majorité des Musulmans un groupe dont la pensée est essentiellement théologique et fasciste, qui exerce la dictature et échoue dans sa pratique du pouvoir au cas où il y accède.
En fait, le discours des Frères musulmans reflète des différences fondamentales et permanentes entre leurs déclarations publiques et leurs propositions politiques bien précises, comme l’examen fouillé des documents de ce groupe et de leur discours publics illustre un projet despotique d’orientation religieuse. Ce projet, en Égypte comme en nombre d’autres pays, repose sur quatre piliers fondamentaux: la création de « l’homme fidèle », la création d’un régime théocratique, le renforcement de l’État intégré et la promotion des politiques de confrontation externe avec l’Occident et la sécurité nationale, considérée comme défense de « l’identité »définie d’un point de vue « islamique » selon les interprétations des Frères musulmans. Pour réaliser ces objectifs, les fondateurs du groupe ont dressé, en 1928, un plan d’ « action », d’« organisation », et d’ « idéologie ». Pour ce qui est du premier point, les Frères musulmans établissent la différence entre deux conditions : la faiblesse et l’autonomisation et l’une comme l’autre condition sont évaluées par la balance de forces en vigueur. Et tout le long de près de huit décennies, les Frères musulmans ont construit une organisation politique et religieuse gigantesque qui adapte son action locale aux circonstances de chacun des pays. De plus, l’organisation des Frères musulmans est internationale par son envergure et regroupe près de quatre-vingt et un pays liés les uns aux autres dans un cadre national où les Égyptiens avait une place de prédilection. Les Frères musulmans adoptent les traditions en vigueur des organisations totalitaires, communistes et fascistes, dont l’action est clandestine et la structure hiérarchique : la base est constituée de petites cellules qui présentent leurs rapports aux classes régionales pour enfin être soumis à un service politique très fort et extrêmement centralisé en haut sommet. Dans le cas du groupe des Frères musulmans, l’échelon le plus supérieur est celui du « bureau d’orientation » présidé par « le guide suprême » et surveillé par « le conseil consultatif » chargé de transmettre les opinions à la direction. Tout le long de son histoire, le groupe des Frères musulmans était géré par le principe de « l’écoute et de l’obéissance » qui était un système sévère d’éducation sociale et d’apprentissage de l’idéologie du mouvement qui était basée, à ses premiers prémices, sur les écrits et discours de son fondateur Hassan Al Banna pour prendre plus d’ampleur, dans les années cinquante et avoir pour référence les ouvrages de Sayyed Qotb.
L’organisation des Frères musulmans avaient deux grands bras : le premier est constitué d’une machine efficace de propagande et un service privé paramilitaire. L’un comme l’autre étaient soumis à la direction directe du bureau d’orientation et au guide suprême. La machine de propagande a usé des livres, circulaires, communiqués, discours et prêches dans les mosquées pour diffuser les messages du mouvement. Pour ce qui en est du second, il remonte à la fondation même de ce mouvement par Hassan Al Banna et renforçait la hiérarchie organisationnelle du parti. Au cours du soulèvement populaire de 2011, les Frères musulmans ont fait montre des mêmes dextérité et compétence organisationnelle qu’ils ont réussi à affronter la police et à imposer la discipline parmi leurs adeptes à la place Tahrir. Et, pour réaliser les objectifs des Frères musulmans, les membres de l’organisation doivent s’engager à respecter cinq principes dogmatiques clés :
- La gouvernance : le principe du kharidjisme se définit comme étant l’attachement à la parole divine en vue d’orienter l’homme, la société et le monde en vue de les maîtriser. Il constitue la compréhension précise du mouvement visant à accuser du progrès.
- La loyauté et l’obéissance de la part de tous les membres du mouvement garantit l’attachement absolu à toutes les directives émanant de la direction des Frères musulmans et le bureau de l’orientation ainsi que renforcer la hiérarchie de l’organisation.
- Le Jihad est la mission ultime sur terre des Frères musulmans pour propager la parole de l’Islam par tous les moyens possibles dont la force.
- La confrontation incontournable avec la civilisation occidentale avec sa nature laïque constitue l’essence même du Jihad
- Le Takfir en dépit de l’ignorance a constitué un ajout important par Qotb à la littérature des Frères musulmans.
Les Frères musulmans ont adopté la tradition du groupe des kharidjites dans l’histoire de l’Islam pour en extraire le modèle radicalisé de l’État qu’ils ont essayé d’appliquer au lendemain du soulèvement populaire de 2011 sous la forme de la Constitution de 2012 qui visait la création de l’État totalitaire religieux. A ce propos, il faut bien signaler que les liens noués, en Égypte et dans plusieurs autres pays, entre les Frères musulmans, l’extrémisme religieux et le terrorisme constituent une part importante du débat en cours au sujet de l’organisation des Frères musulmans. Ces liens sont d’autant plus compliqués qu’ils ne paraissent à première vue : l’organisation des Frères musulmans agit en tant qu’incubateur, catalyseur et même auteur de divers actes de violence. Pour ce qui est de son premier rôle de couveuse, l’organisation a soutenu l’apparition de plus de groupes, de mouvements et de partis politiques extrémistes. Pourtant aucun d’eux ne s’est révolté contre les principes fondamentaux qui ont régi le dogme du groupe des Frères musulmans depuis sa création par Al-Banna. En tant que catalyseur, le groupe a aidé- sur le plan financier et logistique-le djihad afghan, Al-Qaïda et Daech soit en Syrie qu’en Égypte. En ce qui concerne sa commission d’actes terroristes, il faut dire que les premiers frères musulmans ont commis ,dans les années quarante du siècle dernier, des séries d’attentats contre des dirigeants gouvernementaux, des magistrats et des militaires égyptiens. Jamais le Quartier général des Frères musulmans ne dénonce vraiment le terrorisme qu’avec quelques « restrictions » et en précisant s’il est commis sous la bannière de la lutte contre les forces étrangères ou le despotisme local. Tout le long de quatre décennies, le gouvernement égyptien et les Frères musulmans ont procédé à un certain nombre d’arrangements progressifs. Plus tard, dans les années soixante-dix, Sadate a libéré de prison les dirigeants des Frères musulmans et Moubarak a frayé la voie à leur participation au processus politique ; elle a culminé dans les élections parlementaires de 2005 lorsqu’ils ont remporté quatre-vingt-huit sièges soit le cinquième de leur nombre total. Pourtant, il s’est avéré non fondé la prévision que le processus de complémentarité politique mènera à un adoucissement des croyances idéologiques des Frères musulmans ou à une abdication, par l’organisation, de la violence politique. Lors de leur participation au soulèvement populaire de 2011 en Égypte, ils ont activé leurs « unités d’auto-défense » qui ont eu des accrochages avec la police qui ont causé la mort de près de 1075 civils durant les dix-huit jours de l’émeute. Ils ont lancé des vagues d’attaques qui ont ciblé les prisons dont le pénitencier de Wadi Al-Natroun, ont libéré plus de 11 milles prisonniers dont des membres de l’Organisation ainsi que des terroristes des organisations d’Al-Qaeda, Djihad, Hamas et Hezbollah. Pendant et après l’émeute, les Frères musulmans ont pris d’assaut et incendié trente postes de police au Caire sans compter un grand nombre de bâtiments publics, d’hypermarchés et de tribunaux. La violence des Frères musulmans a atteint son comble avec l’accession de sa branche politique au pouvoir exécutif et législatif en 2012-2013. Ils ont dispersé par la force les manifestations pacifiques et ont intimidé les grandes instances de l’État dont la Cour Constitutionnelle comme ils ont menacé les opposants politiques dont d’éminents agents médiatiques, des chrétiens et des personnalités publiques qui avait dénigré l’Organisation. C’est au cours des incidents du 30 juin 2013 que la nature violente des Frères musulmans s’est confirmée en tant qu’organisation terroriste. A l’encontre de l’opinion en vigueur, le groupe des Frères musulmans a commencé à mobiliser les masses et à se manifester en vue d’occuper les places principales au Caire et dans tous les autres gouvernorats égyptiens à partir du 21 juin. La capitale égyptienne en fut paralysée pour 54 jours à l’issue desquels la police s’est trouvée dans l’obligation d’évacuer le sit-in qui était armé. Ces sit-in s’étaient déclarés surtout dans la place de Rabiaa-El-Adaouïa, à proximité du ministère de la défense et à la place Al-Nahda près de l’Université du Caire. Suite à de telles confrontations, ils ont déclenché une vague d’assaut contre les églises et ont mis le feu à 46 d’entre elles outre les commissariats de police, y ont commis des massacres, se sont emparé d’armes et ont libéré des prisonniers. Dans la ville de Kerdassa, ils ont tué quatorze officiers et ont défiguré leurs cadavres. Entre juin 2013 et février 2016, l’organisation des Frères musulmans et Daech ont massacré neuf cents officiers des services de sécurité et a commis 1494 actes de violence de par l’Égypte comme les membres de ce groupement ont saboté les réseaux égyptiens d’électricité et ont arrêté le trafic routier. Quand les actes de violence ont commencé à connaître une certaine accalmie avec l’avènement de l’année 2016, ce groupement a accouché d’un certain nombre de groupuscules terroristes. Quelques-uns des membres du groupe des Frères musulmans ont adhéré à Daech et dans certains des actes terroristes, les membres de ce groupement ont fourni le soutien logistique et financier. A partir de l’année 2018, les actes terroristes des Frères musulmans et des organisations fondamentalistes satellites se sont poursuivis sous des aspects divers. Et alors que les organisations Daech et Al - Qaida ont poursuivi leurs actions terroristes au Sinaï et au Sahara occidental, le groupe des Frères musulmans a intensifié ses actions Sur la rive égyptienne.
Bref, l’évolution historique des Frères musulmans, de leur doctrine idéologique et de leur organigramme dévoile un mouvement politique d’autant plus despotique qu’extrémiste du point de vue religieux. C’est une contradiction flagrante avec son passé violent et son recours fréquent au terrorisme de dire que le groupe des Frères musulmans pourrait être une force puissante par sa multiplicité et son ouverture politique si jamais l’on traite les causes radicales qui ont motivé l’extrémisme chez ses membres. La vérité indéniable et implacable est que cet état des lieux a mené à la naissance d’un nombre infini de groupes terroristes.