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Monde

Les Frères musulmans entre faiblesse et consolidation

Le Dialogue

Pendant mon séjour aux États-Unis, à l’automne de l’année 2007, j’ai lu un article du politologue américain Mark Lynch sur les Frères musulmans. L’article était compatissant, qualifiant le groupe fondamentaliste de centriste modéré qui exprime les vraies aspirations des masses musulmanes.  J’étais profondément étonné.Car je venais de quitter Le Caire. Avant mon départ, M. Mahdi ‘Akef, le Guide Général de la Confrérie, m’a envoyé « un programme de réforme » annonçant qu’il l’a préparé en réponse aux demandes constantes des intellectuels. Ces derniers trouvent que les frères musulmans doivent absolument développer un programme politique définissant ce qu’ils feront s’ils prennent le pouvoir. Le programme était exactement le contraire de ce qu’avait pensé le chercheur américain. En fait, ce n’était qu’une version égyptienne calquée du système politico-économique de gouvernance de l’État iranien.

J’ai appris plus tard que le Dr Mark Lynch, après avoir reçu les informations relatives au programme de 2007, s’était immédiatement rendu au Caire. Il y avait rencontré M. Khairat al-Chater, membre du Conseil de Guidance, qui, comme il me l’a communiqué directement, lui avait dit que le programme ultra-conservateur ne représentait pas les Frères musulmans, mais plutôt un petit groupe d’extrémistes. En réalité, le programme ne représentait pas une minoritaire au sein de la Confrérie, mais la majorité de cette organisation. Le programme dont il s’agit a été mis en pratique lorsque les frères musulmans sont arrivés au pouvoir en Égypte, comme indiqué dans la constitution qu’ils ont rédigée en 2012.

 M. Lynch a ensuite publié son article tel qu’il était dans son état initial avec quelques modifications. L’on pourrait dire que ce chercheur américain était dans un état de « coma intellectuel ».  Même lorsque nous nous sommes rencontrés à une autre occasion, je lui ai dit que le discours arabe des Frères musulmans était très différent de leur discours anglais. Il me répond qu’il parlait à al-Chater en arabe. Apparemment, il n’a pas remarqué que la langue est une chose et que le contenu de la langue en est une autre .

Cette introduction, trop longue, révèle la méthode politique des Frères musulmans de s’intégrer à la réalité politique dans les pays arabes et islamiques d’un côté et dans le monde occidental de l’autre. D’autre part, nous examinerons les origines de ce mouvement, sa naissance, ses confluents intellectuels qui y ont conduit, et sa position actuelle, surtout après ses interventions dans les événements des années  suivant le « printemps arabe » avec ses conséquences tragiques dans la région arabe, de l’effondrement des États aux guerres civiles.

 Bien sûr, il existe de nombreuses approches pour aborder cette question d’un point de vue intellectuel, économique et social. Néanmoins, ce qui compte pour nous, à cet égard, c’est l’approche politique qui décèle, au-delà de toutes les approches, le vrai visage  politique de la Confrérie étant un mouvement fasciste totalitaire ayant les mêmes caractéristiques activistes et idéologiques des mouvements similaires comme le nazisme, le fascisme et le communisme sous leurs différentes formes.

Peu importent les origines de ces mouvements, ils ont la même vision  « utopique » d’une existence qui commence de la gloire de la Umma et finit au paradis céleste. Alors qu’entre le début et la fin règne, sur terre, une sorte de domination et de soumission. 

Tous ces mouvements ne voient jamais l’homme comme étant une valeur en soi, mais plutôt l’essence de « la foi » qui ne fait qu’écouter et obéir. Ainsi reste-t-il loin d’incarner un comportement social créateur, inventeur qui urbanise et peuple la Terre.  De tels mouvements ont tous des origines historiques durables, de sorte qu’ils apparaissent et disparaissent sans périr. Ils restent capables de s’imposer d’une manière ou d’une autre. Ce qu’ils ont en commun, c’est l’idéologie, l’organisation stricte et un plan d’actionvalable pour toutes les étapes historiques. 

Le communisme est sorti vaincu de la guerre froide. Mais il perdure à travers le Parti communiste chinois, le Parti vietnamien et le Parti nord-coréen.  Tous ce que ces partis ont fait, était la séparation du totalitarisme et du contrôle directe de l’État sur les moyens de production. Alors que le contrôle indirect du marché libre s’y impose sur les deux plans de l’importation et de l’exportation. 

Aussi, le fascisme et le nazisme sont-ils sortis vaincus de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, ils ont été renouvelés au cours de la dernière décennie non seulement grâce aux idées de la droite conservatrice américaine mais aussi grâce à celles des européens. À certains moments, ils étaient exprimés par des discours politiques directs. Les Frères musulmans ne font pas exception à cet égard parce qu’ils ont une idéologie enracinée dans la philosophie kharijite et dans leur vision relative à la source du pouvoir de l’État. Ils sont bien organisés de sorte que leur plan d’action est proportionnel à chaque contexte historique et géographique. Il est normal que le côté intellectuel perdure tant que c’est l’organisation qui enracine l’idée dans la réalité. Voilà comment Hassan al-Banna justifia en 1928 les idées fondamentalistes et totalitaires qui n’avaient aucune objection à l’effusion de sang.

L’idée centrale dans les pratiques de la Confrérie est de faire la distinction entre l’état de faiblesse et l’état de force, les deux états relatifs à l’équilibre du pouvoir politique et sécuritaire dans la société.

c’est que les Frères musulmans ont su, en fait,  cohabiter avec la monarchie, la république et les régimes parlementaires. Ils n’ont eu aucun problème à s’opposer au multipartisme (parce qu’il divise et fragmente la umma) ni  à faire recours aux urnes !

À l’heure actuelle, la Confrérie en Occident semble être un groupe modéré appelant à la fraternité et aux valeurs sociales démocratiques libérales. Lorsque la jeunesse arabe s’est chargée du « mouvement politique » au cours de la dernière décennie, la phase de la consolidation « al-tamkine » était prête à être mise en œuvre par la force, le terrorisme et de l’intimidation.

À l’heure actuelle, la situation politique des Frères musulmans est représentée par le contrôle des mosquées et des centres islamiques en Occident, et des confrontations soit avec les autorités de tous les pays arabes qui ont survécu au soi-disant « printemps arabe », soit avecles pays qui y ont résister, tel le cas de l’Égypte,  la représentation directe au pouvoir en Turquie; les majorités parlementaires en Tunisie avant les changements récents; les rôles influents en Jordanie comme  au Maroc; et la lutte contre la régression au Soudan.

Il convient de noter que l’organisation internationale des frères musulmans, présente déjà dans plus de quatre-vingts pays dans le monde, n’interfère pas dans les détails du travail de ses cellules.  Mais elle veille toujours à préserver ce qui suit : 

1 - Que la Confrérie soit l’incubateur éduquant des fanatiques qui, à leur tour, commettent des crimes politiques et terroristes.

2 – Que les Frères musulmans incitent à la mobilisation financière par le biais de banques et d’investissements dans le monde entier. 

3 - Avoir des moyens médiatiques d’une grande puissance  de diffuser aussi l’appel islamique que les  stratégies susceptibles de contrôler le pouvoir politique.

Dans le monde arabe et musulman, les perspectives générales montrent que les Frères musulmans ont subi de nombreuses défaites et revers, mais qu’ils ne sont pas morts. Ils sont en sécurité en occident. Quant à la vision globale dans le monde arabe et islamique, elle montre que les Frères musulmans ont subi de nombreuses défaites et revers, mais qu’ils ne sont pas morts. Ils sont en sécurité en Occident. Certains pays les soutiennent et font de leur territoire un refuge pour eux et un foyer pour les opérations terroristes et les campagnes médiatiques. 

Jusqu’à présent, les approches pour faire face au phénomène frériste islamique dans toutes ses dimensions ont oscillé entre trois stratégies : 

1. Saper la sécurité d’un groupe secret terroriste et traiter la Confrérie comme pratiquant le crime organisé. 

2. Encadrer l’organisation des frères musulmans au sein du système politique tel que préconisé par les pays occidentaux. 

3. Récemment, la confrontation s’est faite par le « renouvellement du discours religieux » en renouant avec la tolérance et la modération de la religion islamique afin de tarir les sources de recrutement du groupe et de ses affiliés auprès des groupes terroristes.

Enfin, il est indispensable d’ajouter le « renouvellement de la pensée civile » ou d’entrer dans une autre étape de « renouvellement de la pensée arabe » basée sérieusement sur l’idée de l’État national face à l’État religieux, le progrès pour le salut et la science face La sorcellerie et l’occultisme.

Un État-nation se forme lorsque son histoire remonte au moment où un peuple et une civilisation se sont installés sur un morceau de terre, avec des frontières géographiques stables. Alors que le progrès est une dynamique dans laquelle l’homme est passé d’un état à un autre plusévolué : des révolutions agricoles aux révolutions industrielles avant la révolution informatique.  Ainsi, le progrès de la civilisation humaine s’est intensifié. La science incarne la gloire de l’esprit humain, de sa capacité à penser logiquement, à découvrir, à renouveler, à traquer et à révéler l’inconnu.  Par conséquent, Il n’est pas raisonnable que la science pose son arme devant le mystérieux inconnu sombre.

La tendance réformiste novatrice est considérée, ces dernières années, comme l’une des réactions arabes à la régression et au conflit que notre région connait depuis l’année 2010. Cette tendance s’est manifestée dans certains États arabes qui ont fait des changements radicaux sur les plans du développement, des découvertes historiques, de la renaissance pédagogique et de l’intégration au sein du progrès scientifique de notre époque. Tout cela a été fait, dans le cadre de l’État national, à des degrés différents de coopération pour faire face à la Confrérie islamique se déplaçant, avec une grande flexibilité, entre les différents pays alternant faiblesse et consolidation de pouvoir avec une extrême fermeté d’organisation combinant la centralisation et la décentralisation entre la Confrérie-mère et ses cellules.  En tout cela, elle tirait parti de l’évolution des situations régionales et internationales.  C’est pourquoi, combattre la Confrérie au cours de la prochaine étape nécessitera plus de coopération régionale et internationale pour faire face aux nouveaux plans de la Confrérie et d'autres groupes terroristes.