La différence entre la ou les connotations du « Bien et du Mal » et celles du « licite et de l’illicite » est absurde. La logique imposait qu’elles se recoupent. Néanmoins, le fossé béant qui les sépare confirme « l’historicité », « l’humanité » et « le patriarcat » de l’esprit qui a secrété les conceptions de « licite et d’illicite » alors que celles de « Bien et mal » sont porteuses d’une large dimension humaine.
A ce propos, j’invite les lecteurs à passer en revue, dans nos sociétés, la rubrique des faits ou actes classés comme « illicites » pour découvrir eux-mêmes ce que j’ai voulu dire par l’esprit « historique », « humain » et « patriarcal » qui a codifié comme illicites des dizaines de faits.
Il est indubitable que l’esprit qui distingue entre le Bien et le Mal est plus élevé du point de vue cognitif, intellectuel et culturel que l’esprit qui pèse le tout du point de vue du « licite » et de « l’illicite ».
De plus, la référence aux gens du « licite » et à ceux de « l’illicite » est basée dans sa majorité voire dans sa globalité sur les « textes » et les propos des prédécesseurs et non sur la raison, la pensée et la logique.
Je n’ai jamais soulevé de telles idées dans mes interventions écrites ou verbales sans que résonne dans mes oreilles le nom de Abu Hamid Muhammad ibn Muhammad Al-Ghazali (mort en 1111 J.C.). C’est lui qui a ancré dans l’esprit des Musulmans en général et de leurs juristes en particulier que l’esprit humain est incapable- à lui seul- de concevoir les réalités ! A ce propos, j’ajouterais que j’ai vaqué tout le long de deux ans de ma vie ( dans les années quatre-vingt du siècle dernier) à l’étude de la logique de Ghazali à travers toute son œuvre qui nous est parvenue ainsi que deux autres années à celle de la logique différente et adverse voire contraire d’Averroès (mort en 1198 J.C.) dont je prétends avoir minutieusement étudié l’œuvre posthume.
Quelle ignominie pour les peuples de notre région de ne pas rendre l’hommage qui lui est dû à Averroès ; bien plus de le décerner à des juristes de peu de valeur et de moindre importance tels Ibn Taymiyya (mort en 1328 J.C.) et Ibn Qayyim al-Jawziyya (mort en 1350 J.C.)
Nul lecteur ne pourrait omettre que l’hégémonie, la domination et l’influence de la classe des hommes de religion est absolument celle du courant du licite et de l’illicite : confirmant d’une part que ce sont eux qui détiennent la référence fondamentale et empêchent d’autre part les autres dont les savants, les intellectuels, les cultivés encyclopédistes de donner leur avis en ce qui concerne le licite et l’illicite. C’est le revers de ce qu’autorise la logique du « Bien » et du « Mal ».
En outre, la conception du licite et de l’illicite interdit l’existence du concept de l’humanité ! A l’encontre de la logique du « Bien » et du « Mal » qui autorise les manifestations du concept de l’humanité. Bien plus, la logique du licite et de l’illicite est porteuse de tous les sens négatifs sur le socle de « Nous et Eux ».
En somme, je reste toujours cramponné au rêve d’un projet éducatif culturel et intellectuel qui assure la promotion à l’esprit , à la culture et à la logique du « Bien » et du « Mal » selon une formule humanitaire et que cette dernière logique reste pour toujours la boussole, le guide et la référence de l’autre logique, celle du « licite et de l’illicite ». C’est une question qui ne peut être réalisée sans qu’elle ne soit précédée par l’ancrage et la radicalisation de l’humanité de la jurisprudence qui naviguerait de conserve avec les propos de Abū Ḥanīfa, le fondateur de l’école de jurisprudence sunnite hanafite : « C’est notre avis. Si jamais quelqu’un en prônait un autre meilleur, on l’accepterait ». Il n’ y a nul doute que nous savons qui- parmi les personnes et les institutions- combattra contre cet appel. Ils y verront une nanisation de leur prestige et de leur pouvoir presque sacralisés.