Shadi Hamid a rédigé, le 2 juillet courant, dans le périodique de politique étrangère « Foreign Policy » un article intitulé «leçons tirés pour le prochain printemps arabe - dix ans après le coup d’Etat égyptien- Washington doit savoir que la stabilité autoritaire n’est qu’une illlusion». Né en 1983, dans l’Etat américain de Pennsylvanie, d’une famille égyptienne musulmane qui a choisi d’y immigrer avec d’autres Frères musulmans ayant quitté l’Egypte dans les années soixante du siècle dernier via le Canada dans un premier temps puis à destination des Etats Unis. Au terme de plusieurs formations, Il travaille actuellement en études islamiques au « Brookings institution » de même qu’il est professeur-chercheur en études islamiques au «Fuller Seminary». C’est la première du genre qu'un érudit musulman y soit embauché. Toutes ses recherches charrie le message des Frères musulmans au monde occidental et surtout les Etats Unis qui portent un grand intérêt à leur histoire moderne. Selon son point de vue, tous les pays arabes sont gouvernés par des régimes autoritaires et il est impératif que les Etats Unis œuvrent à y réaliser la démocratie pour avoir la stabilité et combattre la violence et le terrorisme. Et, c’est le groupe des Frères musulmans, qui exprime l’islam « modéré » et « libéral », qui est le candidat à l’accomplissement de cette mission « démocratique ». Dans ce dernier article, le pigiste met l’accent sur la manipulation américaine des événements en lien avec la révolution égyptienne du 30 juin 2013 qui, selon son point de vue, se sont rangés du côté des forces armées égyptiennes dans une tentative de retrouver une fausse stabilisation qui ne saura pas tenir le coup autant que celle du 25 janvier 2011 secrétée par le premier «printemps arabe». Hamid pense que l’administration américaine aurait dû, en usant de l’arme des dons et de l’armement fournis à l’Egypte, empêcher l’armée égyptienne de renverser le président élu Mohammed Morsi, et rétablir ainsi la dictature qui bannit les libertés publiques, le mouvement des Frères musulmans et le soi-disant «massacre de la place Rabia-El-Adaouïa». Cet article de Hamid et ses précédents tournent autour d’un grand nombre de sophismes et d’erreurs de jugement- qui se rapprocheraient des pêchés- qui travestissent les faits qui se sont produits en Egypte. Ils tournent autour de l’idée du « coup d’Etat » versus celle de « la démocratie » des Frères musulmans quel que soit sa réalité fasciste.
Le premier pêché en date est celui de l’usurpation par le récit de Hamid de l’idée de la « volonté populaire » du paysage égyptien de l’époque. Et, il va de soi que les conceptions collectives sont difficiles à être traduites sur le plan pratique. Les jeunes égyptiens ont réussi à mettre le concept à l’épreuve en assurant une collecte de signatures au sujet de la nécessité de procéder à des élections anticipées. Du 28 avril au 28 juin 2013, leur nombre dépassait les 22 millions. Cette idée de récolter des signatures remonte à la révolution de 1919 lorsque le peuple égyptien a recouru au même procédé pour déléguer le parti « Wafd » dirigé par Saad Zaghloul en vue de négocier avec la grande Bretagne son retrait de l’Egypte et son indépendance.
Ce premier pêché en a généré un deuxième, celui de causer l’échec des manifestations du 30 juin qui ont valu plus de trente millions d’analyses, de commentaires et de politiques américaines. Honorant leurs engagements, les signataires sont descendus dans les rues et les places réclamant les mêmes revendications, objet de leurs signatures.
Les sujets du déni ont commis le troisième pêché, celui de méconnaître le fait que ces milliers de personnes se sont amassées jusqu’au 3 juillet pour descendre encore une fois dans les rues et former, le 26 juillet, cette marée humaine impressionnante à la demande du général Abdel Fattah El Sissi afin de le déléguer dans la lutte contre le terrorisme.
Ces trois transgressions qui se concrétisaient à travers les articles de Hamid, la pensée américaine et occidentale, en général, au sujet de l’état des lieux en Egypte, excluaient la position de la foule égyptienne et sa volonté cherchant par-là à escamoter le fait que le peuple est la source de tous les pouvoirs et voulant lui substituer la simple « mécanique » de la démocratie qui n’en est qu’une simulation représentée par les urnes. Une dénégation qui refusait que les dépositaires du droit le récupèrent, à ce moment rare de l’histoire où nous trouvons les peuples prendre leur destin en main et agir directement de peur de cet instant où des signes avant-coureurs s’amoncellent à l’horizon pour dire que ce qui s’est passé- représentation et élection- ne se reproduira plus jamais. La preuve en est cette loi des élections préparée par les Frères musulmans et rejetée par la Haute Cour Constitutionnelle qui prévoyait simplement que seuls les Frères musulmans remporteront les élections.
Cette série de péchés en comptait d’autres. Le quatrième s’est produit lorsque le changement a été pillé en Egypte toute entière pour être mis sous l’intitulé de « coup d’Etat ». L’hypocrisie a caractérisé le récit donné par les Frères musulmans lorsqu’aucune comparaison n’a été établie entre les incidents de juillet 2013 et ceux de janvier 2011 lorsque les forces armées sont intervenues pour répondre à la volonté populaire de renversement de l’ancien président Hosni Moubarak. L’apôtre du groupe des Frères musulmans a passé sous silence le fait que les forces armées égyptiennes n’ont pas répondu à l’appel d’intervention qu’au terme de trois jours de révolution populaire. Et, au cours de ce laps de temps, le président de la république avait absolument le droit de répondre positivement aux vœu de la foule de déclarer l’organisation d’élections anticipées. C’est pourquoi la cinquième erreur de jugement s’est avérée logique lorsque le journaliste- tout le long de ses articles, a gardé le grand silence au sujet de la proposition, soumise au président par l’armée égyptienne, au cours du premier et 2 juillet, de recourir à un référendum qui jaugerait indubitablement la volonté de la foule. C’est à ce moment bien précis que l’armée s’est trouvé acculée à prêter l’oreille à la demande du peuple.
Et cet enchaînement chronologique montre que les cinq premiers péchés en ont jeté la base des cinq suivants : le journaliste était déterminé à négliger les affaires concernant le groupe des Frères musulmans et leurs groupes alliés islamisés ou terroristes. Le sixième en date est de considérer pacifiques les sit-in, à l’image de ceux qui se passent dans les pays occidentaux sans aucun recours aux armes ni tendances à faire des boucliers humains des femmes des enfants, à inciter à la violence ou à menacer de mettre le feu au pays ou aux citoyens. Alors, que le contraire était devenu une routine quotidienne partout en Egypte et particulièrement sur les tribunes des deux sit-in de « Rabia-El-Adaouïa» et «Al-Nahda »et transmis en direct à travers toutes les chaînes télévisées. Il suffisait de traduire, , de l’arabe en anglais, les menaces carrées d’embraser l’Egypte qui étaient brandies par les Frères musulmans pour parler de la démocratie, du pacifisme et de la légalité. La septième erreur de jugement a découlé logiquement de la précédente lorsqu’on a omis de considérer que les participants à ce type de manifestation ne gardaient pas la position assise comme le veut la définition du terme sit-in ; loin de là ils se déplaçaient et ne restaient pas immobiles. Et quoique la propagande occidentale ait mis intensément l’accent sur les massacres commis du côté du « club de la garde républicaine » et sur la tribune installée sur l’autoroute de Salah Salem, elle a passé sous silence le fait qu’ils ont eu lieu de bon matin lorsque des groupes des auteurs du sit-in quittaient ces lieux pour exécuter des actes de banditisme et tentaient de paralyser la vie dans la grande métropole du Caire. D’où la huitième erreur: les sit-in armés étaient soutenus par des éléments mieux armés, entrainés et terrifiants qui sont ces groupes terroristes localisés au Sinaï et qui adoptaient une stratégie qui avait pour clef de voûte la tentative d’épuiser les forces armées égyptiennes d’une part et d’entrainer Israël dans la bataille égyptienne à travers des opérations de pilonnage à l’aide de Hamas qui provoqueraient une réponse violente de leur part et, par conséquent , rompre le traité de paix entre les deux pays.
Cette réalité des faits n’a jamais été vue ou entrevue ni par Hamid ni par nombre de politiciens américains. Un aveuglément d’informations et d’analyses qui a conduit à la neuvième erreur de jugement que l’on pourrait considérer comme un péché mortel qui se résume dans le fait d’échouer à reconnaître l’équilibre des forces. Une erreur de calcul terrifiante. Elle a été amorcée par un manque de conscience: ils ne s’avisaient pas de la force et du pouvoir de l’Etat égyptien représenté par le statut « national » de l’Egypte et le pouvoir de ses institutions à affronter les Frères musulmans qui avaient sévi dans l’armée, les institutions sécuritaires que ce soient la sécurité publique, les services de renseignement, la sécurité nationale, les mass-médias, Al-Azhar, l’Eglise, etc…pour déclencher la bataille entre l’Etat représenté par le peuple et les institutions contre un groupe politique manqué et ses alliés. L’heureuse surprise -divine - parvint à l’Egypte de la part des pays arabes frères- L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Koweït- qui a rendu vaine la menace des Etats Unis de couper leurs aides. La dixième et dernière erreur de jugement est consacrée par la défaillance de la conscience américaine, alimentée par Hamid, qui n’arrivait pas à concevoir que le groupe des Frères musulmans n’est plus un concurrent pour diriger l’Egypte : quiconque cherche à gouverner un pays doit le sauvegarder ainsi que ses institutions et non chercher à y mettre le feu, à les détruire ou à les réduire en cendres. C’est à ce moment bien précis que l’équation égyptienne a cessé d’inclure les Frères musulmans rien que parce qu’ils n’ont pas saisi le sens de gouverner un Etat. Le gouvernement de l’Egypte par les Frères musulmans n’a duré qu’un an au bout duquel le peuple égyptien n’en pouvait plus: en novembre 2012, quelques mois à peine après sa prise de fonction, le président égyptien Mohamed Morsi, s’affirmant comme un dictateur corrompu, a rédigé une déclaration constitutionnelle où il s’est monopolisé tous les pouvoirs jusqu’à décréter le siège de la Haute Cour Constitutionnelle, La Cité de production médiatique et même interférer dans les travaux du pouvoir judiciaire pour avoir dévoilé les actes commis par les Frères musulmans pendant la révolution de Janvier dont la prise d’assaut des prisons égyptiennes et la collaboration avec le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais en vue de libérer les terroristes. A cela s’ajoute une forte pénétration de toutes les institutions égyptiennes dans le but de les dominer et les mettre sous la coupe des Frères musulmans qui, malgré leur accession au pouvoir, ont gardé leur confrérie clandestine, leur financement occulte et leur armement latent.
En effet, à partir du 20 juin 2013, et avant que les forces armées égyptiennes ne demandent à la force publique de réinstaurer la stabilité dans le pays dans une semaine, l’organisation a commencé à occuper les places publiques en guise de préparatifs à de nouveaux affrontements. Et le sit-in de la place « Rabia-El-Adaouïa» a duré 54 jours dans une tentative de paralyser la vie dans la capitale égyptienne.
En fait, la vérité escamotée, par les articles - actuel et précédents- de Shadi Hamid et ses livres, est que la date du 3 juillet ne marque pas un coup d’Etat mais une convergence entre les forces armées et toutes les forces civiles en Egypte représentées par Al-Azhar, l’Eglise catholique, le Front du salut qui a comporté tous les groupes et partis politiques, des représentants du parti islamique Alnour, la femme et les jeunes de Tamarud qui avaient collecté les signatures citées. Le 30 juin est la date d’une révolution intégrale au vrai sens du terme qui vise la reconstruction de l’Egypte. Une idée qui n’a jamais effleuré l’esprit des Frères musulmans au pouvoir.