Dans le pays le plus « préleveur » du monde, nombre de fonctions, dont les régaliennes, sont mal ou pas remplies. Denis Louvel a étudié depuis des années la cause de ce phénomène et plus généralement la gestion des comptes publics. Le départ de sa réflexion repose sur un exemple un peu caricatural : les plans de relance, parce que dans ce cas, l’efficacité de la dépense peut être facilement mesuré.
Il a d’abord étudié le plan de relance de 1975, dit « plan Chirac ». Or, ce plan, considéré comme excellent par la plupart des économistes de l'époque, n’a donné que des résultats mitigés en termes de croissance et de chômage, ce qui étaient ses objectifs. Pour quelle raison ?
Ayant une formation à la fois scientifique (ingénieur) et économique, l’auteur a alors donné pour objectif de répondre à cette question. Il pensait alors qu’il lui suffirait de comparer avec des plans réussis pour voir où le bât blesse. Il a donc d’abord recherché des plans de relance qui ont fonctionné. Il n’y en a pas. Même le célèbre « New Deal » de Franklin D. Roosevelt de 1933. En effet, si on l’étudie de près, on observe que le chômage repartait à la hausse dès 1937 malgré les 10% du PIB américain investis, il ne peut donc pas être considéré comme une réussite.
Il fallait donc chercher ailleurs, toujours avec en point de mire les prélèvements obligatoires. Pour avoir une connaissance synthétique du sujet, il a étudié les résultats récents de 58 pays du monde en comparant taux de croissance et taux de prélèvements obligatoires, le résultat est très clair : Plus ceux-ci sont élevés, plus celle-là est faible.
Fort de ce constat, il a analysé de près cinq redressements réussis à l’étranger. Le résultat est éclairant : Ils ont tous commencé par des diminutions de dépenses, permettant ensuite celles des prélèvements obligatoires, et cela a provoqué une augmentation de la croissance. Autre indice important : Les restrictions de dépenses initiales n’ont que très peu pénalisé la croissance.
Dans le même sens, si l’Etat diminue simultanément les dépenses et les prélèvements, la croissance accélère. Elle représente en valeur absolue plusieurs fois la diminution des prélèvements !
De plus, une étude de l’IEDM (Institut Economique De Montréal), qui porte sur les politiques publiques de tous les pays de l’OCDE montre très clairement que les pays qui ont retrouvé la plus forte croissance (croissance quatre fois plus forte que la moyenne des autres pays) après la crise de 2008 sont ceux qui ont simultanément diminué les dépenses et les prélèvements.
Ce phénomène est connu : Pour équilibrer son budget, ce ne sont pas de nouveaux impôts que les instituts de notation demandent à la France, mais des économies sur les dépenses !
Passons à la micro-économie. Deux chiffres sont importants pour une entreprise : D’une part le chiffre d’affaires et d’autre part la petite partie qui reste à la fin quand les achats, les salaires, les taxes, les impôts, etc… ont été payés (5% environ en moyenne en France selon l’INSEE lors de l’étude) qui est le résultat. Ce phénomène est tout à fait comparable au cas du salarié qui perçoit un salaire brut, mais à qui après paiement de ses charges salariales, puis de tous ses frais (logement, nourriture, énergie, transports, etc...) ne dispose vraiment que d'une toute petite partie de son salaire brut environ 5% pour lui aussi.
Il est important de bien noter que les montants prélevés par les moyens divers et variés que nous connaissons sont égaux à ceux qui sont distribués en aides, subventions, pensions, etc… sans oublier les salaires des fonctionnaires et autres qui procèdent à ce transfert. Donc, si les montants entrants sont égaux aux montants sortants alors que nous avons vu précédemment qu’ils n’ont pas le même effet sur la croissance, c’est qu’il existe une DIFFERENCE DE NATURE entre ceux-ci. C’est fondamental ! Quelle est cette différence ?
Pour Denis Louvel, l’argent prélevé par un impôt nouveau s’apparente fortement à un prélèvement sur des bénéfices ou du reste pour vivre alors que l’argent distribué s’apparente fortement à du chiffre d’affaires ou du salaire brut. Il est ainsi clair que plus on prélève pour dépenser, plus le pays s’appauvrit mécaniquement. Il appelle ce phénomène « l’évaporation du transfert ».
Quelles en sont les implications ? Puisque les chiffres sont publics, il est facile de calculer l’effet de chaque mesure. Pour les cas étudiés, en moyenne, toute diminution des prélèvements obligatoires correspondant à des économies réelles a entraîné en valeur absolue une croissance additionnelle d’environ 5 fois la baisse des prélèvements.
Il insiste sur l’expression « économies réelles » : La disparition d’une niche fiscale n’est pas une économie mais une augmentation d’impôt. A l’inverse, on peut imager en disant qu’à chaque création d’un poste public non hospitalier supplémentaire quel qu’il soit on envoie en moyenne 5 salariés du privé d’un salaire équivalent au chômage. Ceci alors qu'une règle bien connue en organisation dit que pour exécuter une tâche donnée, il existe un effectif optimum. Ce qui veut dire que si on alloue un effectif moindre cela provoque des problèmes mais si on alloue un effectif supérieur à cet optimum, cela ne fonctionne pas correctement non plus.
Autre approche : En réalisant des économies substantielles simultanément avec la diminution des prélèvements, on obtiendrait automatiquement plusieurs points de croissance additionnelle. Celle-ci permettrait d’améliorer le bien-être du plus grand nombre via, notamment, l’emploi ainsi que de rembourser plus facilement la dette.
Cet article reprend la thèse générale du livre de l’auteur Denis Louvel, Où va notre argent, paru aux Editions Godefroy de Bouillon en mai 2023, 164 pages 20 euros. www.godefroydebouillon.fr