Une photo montre le 11 août 2021 la mosquée soufie de Zliten, ville côtière de Tripoli, à 150 kilomètres à l'est de la capitale libyenne, qui est toujours une zawiya -- un terme arabe désignant un institut soufi offrant une éducation religieuse et un hébergement gratuit aux voyageurs -- comprend également un internat et une université. Malgré la longue histoire du soufisme en Afrique du Nord, la plongée de la Libye dans le chaos après le renversement du dictateur Mouammar Kadhafi lors d'une révolte en 2011 a donné carte blanche aux milices. Ils comprenaient des islamistes purs et durs, profondément hostiles aux « hérétiques » soufis et à leurs cérémonies nocturnes mystiques visant à se rapprocher du divin. Pendant ce temps, les adeptes de la tradition mystique musulmane s'emploient à rénover et à préserver leur patrimoine. Photo : Mahmoud TURKIA / AFP.
Des années d’obscurantisme et d’ignorance, de rejet de toute profession de foi, d’adoption de religion ou de pratique fidèle de ses rites ont emboîté le pas à la chute de l’Andalousie, à la défaite des musulmans et aux attaques réitérées des croisades contre le monde arabe. Ont émergé alors des mouvements prosélytes ou soufis qui ont cherché à propager la religion et à la sauvegarder. Ces mouvements ont proliféré surtout en Afrique du nord que des zaouïas religieux ont été créées en vue d’enseigner le Coran et le soufisme. Plusieurs ordres soufis ont vu le jour et ont joué un rôle clé dans la sauvegarde de l’Islam au nord et au centre de l’Afrique dont les plus importants en Libye sont les zaouïas de Doukkali à Msallata, de Fetissi à Zliten , de Ahmed El- Zarouk à Mesrata. Peut-être celle de Abd-El-Salam- créateur de l’ordre Aroussi- El- Asmar à Zeliten en est la plus célèbre. Elles ne tardèrent pas à se transformer en des écoles d’enseignement religieux et formèrent un grand nombre de prédicateurs, de théologiens et de juges. Elle a maintenu l’activité religieuse continue dans des conditions sévères sous l’emprise des croisades et du désordre causée par l’autorité turque divisée sur elle-même en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Des ordres soufis identiques ont vu le jour tels Al-Qadiriyah et Al—Eissaweya, etc.
Vers le milieu du dix-neuvième siècle, on a vu naître la Sanousiyya en tant que mouvement prosélyte musulman centré au sud est libyen, crée par le prédicateur Mohammed bin Ali al-Sanousi, né à la ville de Mostaganem en Algérie. De retour de pèlerinage, il constata l’état des musulmans en Libye qu’il décida de s’y installer, d’y lancer son projet et créa la première zaouia à La Cyrénaïque qui fit rayonner le prosélytisme religieux à l’est et au sud de la Libye, au nord et à l’est de Tchad et à l’ouest du Soudan ; plusieurs autres zaouias à Al-Jaghboub, Koufra, Tchad et à l’ouest du Soudan. Au lendemain de l’invasion colonialiste de la région, ces zaouias ont pris la forme de centres de direction de la résistance et ont contribué à la mobilisation pour le Jihad contre les Français au Tchad et les Anglais en Égypte et au Soudan et les Italiens en Libye. Il est à noter que Ahmed Chérif al-Sanoussi fut un chef militaire sans pareil qui fit simultanément la guerre aux Italiens et au Anglais. Il constitua un quartier général au Jihad en Libye et au Tchad. Au lendemain de la chute de l’empire ottoman, il trouva qu’il était de son devoir d’affronter les Anglais en Egypte,. Il lança alors un mouvement de résistance contre les Anglais ainsi qu’une bataille importante contre eux à l’ouest de l’Egypte. En outre Safi al-Din al-Sanoussi fut l’un des dirigeants du Jihad à La Cyrénaïque et dirigea, le 29 avril 1915, la célèbre bataille de Gasr Bu Hadi qui fut une bataille charnière dans l’histoire du Jihad en Libye et qui se termina par la cuisante défaite des Italiens qu’ils se retirèrent de toutes les régions qu’ils avaient occupées et se barricadèrent à l’intérieur même de la ville de Tripoli. Ils n’ont pas réussi à occuper de nouveau la Libye après l’arrivée des fascistes qui ont exercé une répression sans précédent – de toute l’histoire- en 1931 après avoir mis fin à l’une des dernières poches de résistance à Djebel Akhdar en exécutant le grand dirigeant Omar al-Mokhtar en 1931.
Nul ne peut - à moins d’être ingrat- ignorer ces importants aspects de la sanouseyya qui ont contribué à sauvegarder la religion et à la diffuser correctement. Elle a unifié les Libyens dans leur combat contre le colonialisme malgré quelques échecs essuyés sur son parcours et qui pourraient justifier un avis opposé. On en cite à titre d’exemple l’engagement de Idris al-Sanoussi aux côtés des Italiens à Ajdabiya ou sa coopération intense avec les Anglais au lendemain de la deuxième guerre mondiale pour les rendre capables d’imposer en quelque sorte leur emprise quelque peu cachée sur le pays. Néanmoins, tout le monde s’accorde pour reconnaître le rôle crucial de la sanouseyya dans la mobilisation pour l’indépendance.
Ce que nous refusons catégoriquement est que ce rôle appréciable assumé par les adeptes de la sanousiyya leur octroie le droit de s’approprier la terre et le peuple de la nation, non que nous leur vouons la haine mais par refus de la royauté en tant que régime autoritaire.
En fait, le type même de régime royal a presque dépéri totalement avec le début du vingtième siècle, exception faite de quelque exemples dont le nombre ne dépasse pas les doigts d’une seule main que nous pouvons diviser en deux groupes :
Premièrement : Des royautés qui ont duré telles des régimes héréditaires folkloriques qui jalonnent la vie publique alors que les rois et princes n’ont aucune relation ni avec le pouvoir ni avec la politique. Elles se limitent aux royautés du Royaume uni, de la Suède, du Danemark, de la Belgique, d’Espagne, de la Hollande, de la Thaïlande, de la Malaisie et du Japon. Exception faite de la Grande Bretagne où l’image de marque de la Bretagne apparaît comme un moyen de se targuer de l’époque où l’Angleterre fut l’empire du soleil levant alors que nous ne connaissons même pas –sauf exception- les noms des rois du Danemark, de la Thaïlande ou de la Hollande !
Parmi ce groupe de royautés nous en trouvons certaines en Afrique qui jouissent d’un prestige social et pas plus.
Deuxièmement: un nombre limité de royaumes dans les pays arabes et qui furent imposées par le colonisateur avant qu’il ne soit évacué du pays- sans regret aucun. Certaines d’entre elles sont le prix du soutien de la Grande Bretagne pendant la Grande guerre alors que les autres prennent la forme d’un fait acquis où elle trouva son intérêt.
Les royaumes arabes exécutent la royauté à la lettre : tous les pouvoirs de l’Etat sont entre les mains de la famille royale et ne disposent pas de vraies institutions dans leur plupart ou plutôt d’institutions fantoches.
La majorité des institutions économiques sont la propriété exclusive des membres de la famille royale ou ceux qui servent leurs noms. Même le sport, elle est devenue ainsi par analogie. Les exemples en sont probants.
Même les adeptes de la royauté sont conscients que ce régime fait partie intégrante du passé et qu’il n’existe que dans les musées et les livres d’histoire et que toute tentative visant à le faire survivre plus longtemps est vouée à l’échec.
Ce qui importe le plus, c’est que la Libye tout le long de son histoire n’a connu de régime royal que pour quelques années. A remonter l’histoire afin d’observer les royaumes des fils de Mohamed au sud de la Libye, Ben Tillis et Zayina à l’ouest et au centre nous permet de constater qu’ils ont chuté d’une manière horrible que ses fils ont été dispersé et leurs vestiges estompés !
Pour ce qui est du pouvoir héréditaire des Korhmanliens turcs qui ont fait défection par rapport au pouvoir de la Sublime Porte, ils n’ont pas tardé à disparaître en raison des différends qui sont nés entre eux. Des guerres d’usure ont éclaté entre eux, On vit alors Ahmed Korhmanlien invoquer l’aide des Américains qui ont commencé à quitter leur pays en quête de prestige en Méditerranée et en liaison avec l’Europe.
J’exhorte ici les enthousiastes de la Sanousseyya à concentrer leurs efforts sur l’approche de son fondateur- et de ses adeptes- qui a adopté la réforme de la société et la purification du patrimoine religion de toute impureté. Qu’ils se mettent à la tête de fil non pour un retour du régime mais pour contribuer à remédier aux avaries qui ont atteint le pays.