Le chef du parti israélien Otzma Yehudit (Force juive) et nouveau ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir (à droite) félicite le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) lors de la prestation de serment du nouveau gouvernement, à Jérusalem le 29 décembre 2022. Netanyahu a prêté serment en tant que Premier ministre après un passage dans l'opposition, à la tête de ce que les analystes appellent le gouvernement le plus à droite de l'histoire du pays. (Photo par AMIR COHEN / PISCINE / AFP)
La montée des courants sionistes religieux extrémistes en Israël place la région du Moyen-Orient au bord de l’abîme. Ces courants ne menacent uniquement pas les Palestiniens mais également la stabilité de la région et pratiquent une fissure politique profonde en Israël entre des forces d’extrême droite qui cherchent à imposer une sorte de dictature religieuse et des forces politiques civiles qui englobent les courants du centre, de la gauche et de la droite. Alors que la gauche sioniste a étendu son emprise sur près d’un demi-siècle de l’histoire politique d’Israël, ces dernières décennies ont témoigné les débuts de la montée au pouvoir de la droite dirigé par le parti Likoud et que Begin l’ y a fait accéder pour la première fois en 1977. Cette domination du Likoud a frayé la voie à l’ascension des forces religieuses extrémistes (Telle la Force Juive (Otzma Yehudit) et le sionisme religieux) sans compter le parti religieux radicalisé Shas et le parti du Judaïsme unifié de la Torah qui est également un parti religieux radicalisé. Au mois de novembre 2022, Netanyahou n’était pas parvenu à former son nouveau gouvernement avant d’obtenir le soutien des deux partis religieux radicalisés et trois groupes de droite extrémiste. Et, pour accorder leur soutien à Netanyahou, ces forces ont dû poser des conditions leur assurant de larges compétences dans les domaines de la sécurité nationale, de la colonisation, de la sécurité interne, des finances et de nouveaux emplois portant sur l’éducation sociale et la formation de l’identité. L’ascension de la droite religieuse extrémiste représente un virement fondamental dans les règles du jeu politique en Israël. Au cas où le Likoud continuait à nouer son alliance avec le sionisme religieux, ce serait le troisième plus grand virement politique qu’ait connu l’histoire du pays après la domination de la droite politique qui a été précédé par celle de la gauche sioniste. Cette nouvelle donne impactera la cause palestinienne de manière à ce que le dossier de la solution des deux États soit classé définitivement. Les Palestiniens seraient donc appelés à reconsidérer leurs options politiques futures au cas où cette solution ne serait plus soulevée. Et, bien que la Cisjordanie compte seulement 600 milles colons sur 2,7 millions de Palestiniens, le problème de l’État porte essentiellement sur la suprématie sur le territoire et Israël prétend qu’elle doit lui revenir -chronologiquement parlant- tant qu’il est l’unique héritier de l’empire ottoman et religieux et que la Cisjordanie- le district de « Judée et Samarie »- est la terre juive promise selon les textes de la Torah. C’est la raison pour laquelle, Israël refuse de considérer la Cisjordanie comme une terre occupée.
L’épreuve des forces de la paix et de la démocratie
Aussitôt les forces politiques axées autour de la droite sioniste religieuse, des ministres extrémistes ont pris à leurs charges des responsabilités clés dans le gouvernement de Netanyahou : vient en premier lieu Bezalel Smotrich avec le portefeuille des finances et Itamar Ben Gvir avec celui de la sécurité nationale. L’un comme l’autre disposent de très larges compétences dans les domaines de la sécurité interne, de la colonisation et dans la gestion des affaires de la Cisjordanie occupée et les nouvelles régions développées à Galilée au nord et le Néguev au sud, alors que la Haute Cour Suprême a annulé la nomination de Aryeh Deri ( le chef du parti Shas) comme ministre de l’intérieur et de la santé au sein du gouvernement pour sa condamnation antérieure dans des affaires pénales. Les forces sionistes religieuses ont adopté des propositions d’application du code civil israélien sur la Cisjordanie; de plus, elles considèrent que les deux présences israélienne et palestinienne se nient mutuellement : c’est la raison pour laquelle, il faut changer la vie quotidienne des Palestiniens en Cisjordanie en un vrai enfer. Par contre, les courants islamistes extrémistes pensent que la présence palestinienne nie la présence israélienne, c’est à dire que chacune des deux parties n’est que le reflet politique de l’autre. Cette situation n’est que le résultat d’un siècle de conflit qui dure depuis la colonisation organisée du temps de Herbert Samuel qui est le premier Haut-Commissaire britannique en Palestine (1920-1925). Obsédé par des idées nationalistes et religieuses, il a rejeté l’idée de la cohabitation et l’a remplacée par la violence. Bien que les mouvements gauchistes aient étendu leur emprise sur la vie politique jusqu’à la fin des années soixante-dix du siècle dernier, cette période était loin d’être pacifique. Elle a connu quatre guerres successives en 1948, 1956, 1967 et 1973 dont les conséquences ont attisé davantage le conflit entre les deux mouvements nationaliste arabe et sioniste politique. L’apparition en puissance des courants islamistes après la défaite de juin 1967- en Égypte, en premier lieu puis en Palestine avec l’apparition de la force palestinienne indépendante représentée par l’ Organisation de la Libération de la Palestine (OLP), les organisations radicalisés armées et les groupes islamistes armés. De plus, au cours de ces derniers temps, le mouvement de la résistance islamiste (Hamas) a acquis plus de pouvoir ; il en est de même avec le Mouvement du jihad islamique à l’intérieur et à l’extérieur de la bande de Gaza surtout dans les camps de réfugiés en Cisjordanie dont Jénine, Dheisheh et Balata et Shu'fat à Jérusalem –est. Nul n’ignore que le Mouvement de résistance islamique (Hamas) et le Mouvement du Jihad islamique en Palestine ont étendu leur pouvoir depuis 2014 en coopération avec l’Iran : tout indique alors que l’intensification de l’extrémisme et de la violence d’une part engendre des effets multiples d’autre part.
Les prémices d’une nouvelle Intifada à Jérusalem-est et en Cisjordanie indique la nécessité urgente de faire régner l’accalmie : les risques de son extension impliquent l’aveugle escalade du conflit et la mort de nombre de civils des deux côtés. Les Palestiniens courent également un autre plus grand risque : Israël a décidé de saisir l’occasion de la tension en vue de réaliser - en vrac- des bénéfices contre les Palestiniens aux niveaux des personnes, de leurs biens, de leurs territoires et de leurs droits naturels. Et, selon le ministre israélien de la défense Yoav Gallant, le destin de tout terroriste sera « ou le procès ou la tombe » ; et le ministre de poursuivre que, le cas échéant, « ses complices seront chassés, leurs maisons détruites et privés de leurs droits. » Suite au meurtre perpétré contre sept israéliens, le cabinet du premier ministre a publié un communiqué indiquant que le gouvernement soutiendra « l’anticipation de l’adoption d’une loi qui intensifie la répression contre les proches des terroristes qui le paieront également. » c’est à dire que les sanctions ne seront pas imposées uniquement contre les condamnés par le terrorisme mais seront également portées contre leurs proches et voisins. Et Netanyahou a déclaré que le gouvernement déciderait prochainement des mesures à entreprendre pour renforcer la colonisation à « Judée et Samarie » « pour prouver aux terroristes qui cherchent à nous déraciner de nos propres territoires que nous sommes ici pour rester. » A sa sortie de la réunion sécuritaire restreinte du 28 janvier, il a indiqué que le gouvernement « s’empressera de délivrer des permis de port d’armes à des milliers de civils israéliens » et d’abolir les cartes d’identité israéliennes des Palestiniens sympathisants avec le terrorisme, de même que priver leurs cousins des droits de séjour et de travail. La diplomatie de l’accalmie exige de retrouver la situation qui régnait avant ces derniers incidents, de mettre fin à la politique du « châtiment collectif » pratiquée contre les Palestiniens y compris les familles des personnes accusées d’actes de violence, d’éradiquer les causes de la tension et des heurts quotidiens et d’engager les deux parties par des obligations équilibrées. Le président palestinien Mahmoud Abbas a fait savoir à l’administration Biden qu’il est prêt à rencontrer Netanyahou et que l’arrêt de la coordination sécuritaire n’était qu’une mesure partielle qui visait à provoquer Netanyahou à freiner l’expansion colonialiste et non à arrêter définitivement les relations. Et, si les organisations civiles et les partis politiques en Israël ont pressenti le risque que représente la montée du sionisme religieux extrémiste et ont commencé à s’y opposer par de grandes manifestations à travers les rues ; ceci exige également le développement d’un mouvement civil pacifiste et démocratique qui aurait son équivalent politique dans la société palestinienne. Ce but n’est pas facilement réalisable en Cisjordanie et dans la bande de Gaza où la corruption se mêle au despotisme politique et à l’extrémisme religieux. D’où l’importance que la communauté internationale renforce la culture de la cohabitation pacifique à travers des médias institutionnels divers plus organisés et plus efficaces. Ce qui n’est pas de moindre importance par rapport à « la diplomatie de la gestion des conflits » et même la dépasse avec le temps. Et, avec la possibilité de jeter les ponts de coopération entre les mouvements de la paix et de la démocratie des deux côtés palestinien et israélien, il n’ y a nul doute qu’ils pourraient aider à atténuer l’intensité de la polarisation et de l’extrémisme et ouvrir un canal pour faire évoluer un concept commun de cohabitation qui prenne en considération les leçons tirées de la cohabitation qui existe dans des villes et des quartiers mixtes à l’intérieur d’Israël.
Le défi lancé à la diplomatie de la paix arabo-israélienne
Même si la « diplomatie de la gestion du conflit » pourrait générer des résultats positifs à court terme surtout sur le plan de l’accalmie, elle ne peut nullement servir en tant que stratégie de résolution du conflit à long terme . C’est pourquoi, elle n’a pas réussi jusqu’à nos jours à réaliser un progrès capable de renforcer les chances de la cohabitation pacifique. En outre, ni les accords de Camp David, ni le traité de paix égypto-israélien et ni celui Jordan0- israélien n’ont réussi, comme ne réussiront pas les nouveaux accords de normalisation « les accords de Braham », à créer une paix arabo-israélienne tant qu’ils ne sont pas parvenus à créer une nouvelle culture de cohabitation et que les Palestiniens demeurent sans patrie. Il est en fait illogique de convaincre les citoyens ordinaires dans les pays arabes par la culture de la cohabitation tant que les Israéliens ou refusent catégoriquement cette culture- comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich- ou comprennent la cohabitation comme une discrimination méritoire pour les Israéliens en vertu de la loi de « la judéité de l’Etat ». La culture de la cohabitation pacifique n’est nullement valable par la négation de l’existence de l’autre. Comme elle est intégrale et représente la vraie garantie de la paix soit entre la nation palestinienne qui vit aux côtés des Israéliens dans un seul et même Etat démocratique ou entre un Etat indépendant palestinien qui vit en paix aux côtés d’Israël.